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Nos Lecteurs ont la Parole - Sandrine ATALLAH

I.- Femme objet, sex-toy des hommes

Connaissez-vous Lilith. La première femme d'Adam ?


Non, rassurez-vous, il ne s'agit point là d'un cours de théologie mais d'une simple réflexion sur le statut des femmes dans les médias. Mais qui est donc Lilith ? On nous a tant rebattu les oreilles avec Ève, son serpent et sa pomme, mais personne n'a daigné nous avouer l'existence de Lilith, sans doute la première féministe.


En effet Lilith, contrairement à Ève, que la Bible présente comme ayant été conçue à partir d'une côte d'Adam afin qu'elle soit dépendante de lui et donc soumise, aurait été formée à partir d'argile comme Adam et serait donc son « égale ». Cela placerait la femme dans un statut non plus de subordination, mais d'égalité face à l'homme. Il est dit, selon divers textes hébraïques(1)et(2) puis longtemps après dans le Dictionnaire historique de la Bible(3) publié par l'exégète et historien Augustin Calmet, qu'entre Adam et Lilith naquit un différend dont le prétexte serait la manière dont ils faisaient l'amour. Lilith désirait chevaucher son amant, position qui ne seyait guère à ce dernier, qui se sentait dominé. De plus, selon la légende, Lilith, maîtresse de son corps, pratiquait la contraception, malgré la désapprobation d'Adam. Lilith, qui revendiquait l'égalité et l'équivalence des droits au sein du couple, refusait de se soumettre inopinément à Adam. À l'origine de conflits incessants, Lilith aurait été « substituée » quelque temps plus tard par Ève, sous-produit d'Adam, femme-mère et obéissant à l'homme. Ève, bien moins intelligente que Lilith, ne risquait pas de se révolter contre les exigences de son homme. Mais elle réussit quand même à semer le trouble au sein des jardins d'Éden. Ève la femme-objet, Ève la tentatrice entraîna la perte d'Adam...


Des milliers d'années plus tard, Ève trône toujours dans nos écrans télés, nos panneaux publicitaires et, malheureusement, dans nos inconscients inondés de stéréotypes sexuels inopérants. Décolletés pigeonnants, chevelures luxuriantes, lèvres pulpeuses font la une des médias. De nombreux vidéoclips et plusieurs films utilisent le corps des femmes dans un but ornemental. Dans ces productions, actrices et figurantes sont engagées pour servir de décoration aux côtés d'un chanteur ou d'un personnage viril.


S'il n'est point problématique pour les femmes d'être représentées comme belles et sexy, cela le devient lorsque la quasi-totalité des images de femmes les résument à des objets passifs de plaisir sexuel. Cette sexualisation à outrance de la femme influence significativement notre perception de la sexualité et des relations entre les sexes. De plus, cette chosification et la déshumanisation du corps féminin ont pour effet de conférer aux hommes une supériorité humaine sur les femmes ravalées à l'animalité. Cela ne fait que renforcer l'idée que les femmes sont des objets sexuels et non des êtres humains à part entière. Cette hypersexualisation des femmes a des conséquences sociales négatives autant pour les hommes que pour les femmes. En effet, elle légitime et pousse à la violence contre les femmes et les jeunes filles. Elle incite ainsi au harcèlement sexuel et aux comportements misogynes tout en augmentant les taux de mauvaise estime de soi et les troubles alimentaires chez les femmes et les jeunes filles. Enfin, en dessinant une sexualité surnaturelle et irréaliste, elle diminue la satisfaction sexuelle chez les hommes et les femmes.


Le monde sexiste des médias impose également une image corporelle fictive, qui dénature le rapport des femmes à leur corps et les convie à cultiver une identité narcissique. Les stéréotypes proposés formatent et uniformisent le corps des femmes, tout en entraînant un refus irrationnel du vieillissement et en limitant l'identité des femmes à leur pouvoir de séduction. Le féminin est alors cantonné au « paraître », tandis que le masculin est plutôt campé sous le signe du « faire ». Un grand dilemme se pose alors à la femme orientale qui, en plus d'être sexy, doit faire vœu de chasteté jusqu'au mariage. Tant d'impératifs paradoxaux s'imposent aux femmes.


Ainsi le sexe s'affiche partout, mais ne doit surtout pas être consommé. Comment résoudre cette équation impossible ? En effet, si les hommes se doivent d'être actifs sexuellement et performants, et les femmes se doivent d'être des bombes sexuelles vierges, il manque nécessairement un membre à notre équation ! Les femmes orientales, souvent écartelées entre leur épanouissement dans un monde sexualisé à outrance et leur respect des traditions ;
leur crainte de perdre leur amoureux du moment si elles ne le satisfont pas sexuellement et leur hantise de ne pas trouver un époux si elles sont « déflorées », en viennent parfois à adopter des


comportements sexuels alternatifs et souvent même à les proposer... Il est curieux de constater combien certaines de ces pratiques sont une chose courante dans nos sociétés « conservatrices » tandis qu'elle ne conserve qu'une place assez particulière et marginale pour les couples occidentaux.
(À suivre)

 

 

1- Le Talmud de Babylone reprend certaines légendes juives – supprimées dans la Bible canonique (sauf dans la Bible TOB, la Bible de Jérusalem, la Bible Darby et celle d'André Chouraqui (Ésaïe, chapitre 34, verset 14) où l'on y fait une brève allusion — Lilith serait, à l'Éden, la première femme et donc la première compagne d'Adam.
2- L'Alphabet de Ben Sira ou le « midrach », rédigé vers le Xe siècle, met vraiment en scène cette première Ève. Le nom qu'il lui prête désormais, Lilith, est le nom propre de la première femme d'Adam, prototype de la femme révoltée, refusant la soumission, exigeant une place égale à celle de l'homme.
3- Augustin Calmet, Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, Paris, Emery, Saugrain et Pierre Martin, 1 722, tome 1, p. 484.

Connaissez-vous Lilith. La première femme d'Adam ?
Non, rassurez-vous, il ne s'agit point là d'un cours de théologie mais d'une simple réflexion sur le statut des femmes dans les médias. Mais qui est donc Lilith ? On nous a tant rebattu les oreilles avec Ève, son serpent et sa pomme, mais personne n'a daigné nous avouer l'existence de Lilith, sans doute la première féministe.
En effet...

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