Rechercher
Rechercher

Diaspora - Portrait

Abouna Yaacoub al-Kabbouchi était lui aussi un émigré

Le bienheureux est rentré au pays, après avoir émigré pour quelques années en Égypte afin d'y établir de nombreuses institutions et d'y vivre sa vocation religieuse.

Peinture de la Libano-Ukrainienne Iryna Novytska représentant le père Jacques.

L'histoire de l'émigration libanaise connaît beaucoup de départs, mais également des retours, qui sont certes moins nombreux. Nous citons celui du bienheureux Abouna Yaacoub al-Kabbouchi (père Jacques le capucin), qui a émigré en Égypte à la fin du XIXe siècle et qui est rentré au Liban pour devenir religieux et serviteur de Dieu et de son pays. Il a ainsi construit des écoles et réalisé des œuvres de charité pour aider les Libanais à faire face aux misères physiques et morales.
Abouna Yaacoub al-Kabbouchi, de son vrai nom civil Khalil al-Haddad, est né le 1er février 1875 à Ghazir, au Mont-Liban. Il était le troisième des quatorze enfants de Boutros Saleh al-Haddad et Chams Youakim al-Haddad. Khalil a fait des études dans son village natal à l'école de Saint-François des frères capucins italiens et au collège al-Mzar, pour suivre ensuite des études de littérature au collège de La Sagesse à Beyrouth. Sa famille souffrant, comme de nombreuses autres à cette époque, de difficultés financières, Khalil et ses frères prirent le chemin de l'émigration. Joseph, l'aîné, Boulos et Risa (mariée à Farès al-Bared) ont immigré à Cuba, Wardié (mariée à Joseph Ferneiné) a immigré aux États-Unis et Khalil (Abouna Yaacoub) a émigré en 1892 à Alexandrie, en Égypte. Il a signé un contrat de travail avec les frères du collège Saint-Marc qui l'ont engagé en tant que professeur de langue arabe. Durant ses heures libres, il donnait des cours particuliers aux riches familles égyptiennes et libanaises déjà prospères en Égypte, envoyant l'argent qu'il gagnait à sa famille restée àGhazir.
En Égypte, Khalil a senti que Dieu l'appelait à devenir religieux. Ainsi, il rentra au Liban pour convaincre son père de sa vocation. Il décida d'intégrer l'ordre de saint François d'Assise, des frères capucins. Il entra au couvent Saint-Antoine de Beit Khashba à Ghazir, où il reçut le nom de frère Yaacoub (Jacques). Il fit des études de théologie et, en 1901, il fut ordonné prêtre et assuma plusieurs postes ecclésiastiques. Il fit des voyages apostoliques à l'intérieur du Liban ainsi qu'en Syrie, en Irak, en Transjordanie, en Palestine, et visita la France (Lourdes) et l'Italie (Rome et Assise). Le 19 août 1912, il effectua un pèlerinage à pied avec des étudiants, jusqu'au sommet du mont Sannine, culminant à 2 800 mètres d'altitude, d'où on peut voir presque tout le Liban. Il y célébra une messe en appelant les bénédictions du ciel pour tout le Liban et tous les Libanais d'outre-mer.

Un monument pour prier à l'intention des émigrés
Durant sa jeunesse, Abouna Yaacoub a connu l'émigration, les souffrances psychologiques et les problèmes sociaux. En 1912, en voyant le flux d'émigration des jeunes, il a partagé ses réflexions en écrivant l'article «À travers le Liban»: «Le Liban, dont le nom évoque l'idée de blancheur, perd tous les jours de son éclat... Depuis quelques années, cet éclat paraît s'obscurcir. La soif de l'or est apparue comme une mine, et les émigrants y sont allés et y vont encore par milliers pour tenter de faire fortune. Quelques-uns réussissent, mais beaucoup végètent...» Avec la Première Guerre mondiale, Abouna Yaacoub a vu que le typhus et la faim causaient la mort d'un grand nombre de personnes et qu'il fallait construire un monument pour préserver leur souvenir, une croix où l'on pourrait prier pour toutes les victimes de la guerre. C'est alors qu'il a pensé aussi à une église où l'on pourrait prier et se souvenir de l'autre Liban d'outre-mer, des émigrés libanais dans le monde et de ce phénomène qui ne cessait de se développer. Ainsi, Abouna Yaacoub cherchait un lieu sur une montagne, en face de la mer, pour construire un piédestal avec une grande croix et un sanctuaire, afin de protéger tous les Libanais et les émigrés libanais.
En 1919, il trouva un terrain sur une colline à Jal el-Dib, en face de la mer, pour y construire une église et ériger une croix. Sur cette même colline se trouvait un ancien petit couvent dédié à la Vierge Notre-Dame de la Mer, édifié en 1867 par un moine antonin. Le couvent était devenu plus tard une ferme et le terrain fut finalement acheté en 1902 par Assaad Debbané qui l'a passé à son frère Najm Debbané. En 1921 fut posée la première pierre de ce sanctuaire, et en 1923 eut lieu son inauguration et l'installation de la statue de Notre-Dame de la Mer, un beau chef-d'œuvre de la Vierge Marie debout, souriante et protectrice, portant un manteau bleu à son bras, avec Jésus qui se penche vers un navire, et à ses pieds des voyageurs et des émigrants. En 1925 fut érigée une grande croix de dix mètres de hauteur sur un piédestal. Aujourd'hui, l'église sanctuaire de Notre-Dame de la Mer se trouve à l'ombre du grand couvent et de l'hôpital de la Croix (Deir el-Salib). Le 26 juin 1954, Abouna Yacoub décède et son corps repose dans cette église, devenue un lieu de prière et de pèlerinage pour les émigrés.
Non loin de là se trouve un autre chef-d'œuvre érigé à l'initiative d'Abouna Yaacoub: c'est le grand monument du Christ-Roi à Nahr el-Kalb, construit avec l'aide des émigrés. Abouna Yaacoub a voulu placer le Roi des Rois sur la colline appelée «Les ruines des rois à Nahr el-Kalb», où se trouvent plusieurs plaques anciennes gravées sur les roches, immortalisant le passage de plusieurs conquérants, depuis les pharaons d'Égypte (Ramsès II), en passant par le roi Nabuchodonosor... Les travaux ont duré de 1950 à 1952. C'est grâce à une donation du neveu du bienheureux, Constantin Haddad, résidant à Tyler, Texas, fils de son frère émigré aux États-Unis, que la statue du Christ-Roi a pu être érigée. Elle mesure 12 mètres de hauteur avec un poids de 75 tonnes, est l'œuvre de l'artiste italien Ernesto Paleni de Bergame, et trône jusqu'à présent à Nahr el-Kalb, les bras ouverts à tous.

Pourquoi pas une «Journée de l'émigré»?
En 2008, Abouna Yaacoub, cet émigré qui est rentré au bercail et y a fondé la congrégation de sœurs franciscaines de la Croix, ainsi que plusieurs institutions religieuses et sociales, telles que des écoles, des hôpitaux, des orphelinats... est devenu un bienheureux de l'Église. Le seul but de toutes ces actions était celui de servir l'humanité.
Durant le mois de mars, on commémore au Liban, à des dates différentes, le «Jour de l'émigré», comme par exemple le second dimanche du mois de mars. Cependant, peu de manifestations ont eu lieu à cette date au Liban, pays qui proclame toujours la gloire de ses émigrés, qui sont l'un des piliers de l'économie libanaise. La Banque mondiale (BM) a enregistré en 2013 environ 7,6 milliards de dollars de transferts de la part d'émigrés dans monde vers le Liban, soit plus de 18 % du PIB (cf. Le Commerce du Levant). Il devrait par conséquent exister une date, une journée pour les émigrés libanais, au cours de laquelle serait organisée une grande cérémonie officielle au Liban en remerciement aux Libanais d'outre-mer, afin que ceux-ci n'oublient pas l'emplacement géographique de leur pays d'origine. C'est une «mission» qui incombe à toutes les institutions liées à l'émigration.

L'histoire de l'émigration libanaise connaît beaucoup de départs, mais également des retours, qui sont certes moins nombreux. Nous citons celui du bienheureux Abouna Yaacoub al-Kabbouchi (père Jacques le capucin), qui a émigré en Égypte à la fin du XIXe siècle et qui est rentré au Liban pour devenir religieux et serviteur de Dieu et de son pays. Il a ainsi construit des écoles et...