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Moyen Orient et Monde - Raport

Réchauffement climatique : Le GIEC alerte sur l’insécurité alimentaire et les risques de conflits

Selon Jean Jouzel, climatologue et membre du bureau du GIEC, « le message est clair, si on réussit à limiter le réchauffement à 2 degrés, on évitera les impacts majeurs ». Dimitar Dilkoff/Files/AFP

Insécurité alimentaire, accès à l'eau, déplacements de population, risques de conflits : les impacts du changement climatique, qui affecte déjà « tous les continents et les océans », vont s'aggraver au XXIe siècle, avertit le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) dans un rapport publié hier à Yokohama, au Japon. « La probabilité d'impacts graves, étendus et irréversibles s'accroît avec l'intensification du réchauffement », note ce rapport intitulé « Changement climatique 2014 : impacts, adaptation et vulnérabilité », qui résonne comme un nouvel appel à agir.


Le document du GIEC de l'ONU, prix Nobel de la paix, est le fruit d'un immense travail – 12 000 publications passées en revue – et constitue l'état des lieux scientifique le plus complet depuis le rapport de 2007. Sur la lancée de ce précédent rapport, les pays avaient tenté, sans succès, de trouver à Copenhague (2009) un accord international contraignant afin de lutter contre le réchauffement sans précédent que connaît la planète. De nouvelles négociations se tiendront à Lima fin 2014 avant le grand rendez-vous mondial de Paris, en 2015, où un accord est espéré. Les travaux du GIEC (195 pays) servent de base à ces difficiles négociations sur le financement des actions d'adaptation et la réduction des gaz à effet de serre : l'objectif est de limiter le réchauffement à 2°C en moyenne par rapport aux niveaux pré-industriels, la planète ayant déjà pris 0,8°C et la trajectoire actuelle conduisant vers +4°C à la fin du siècle. Selon Jean Jouzel, climatologue et membre du bureau du GIEC, « le message est clair, si on réussit à limiter le réchauffement à 2 degrés, on évitera les impacts majeurs ».


Depuis Paris, le secrétaire d'État américain John Kerry a estimé que seules des décisions « rapides et courageuses » pourraient éviter la catastrophe, alors que nombre de phénomènes physiques sont engagés dans un mouvement irréversible (hausse de la température, montée et acidification des océans, recul des glaciers, etc.).

 

 

Nouvelles poches de pauvreté
Ce nouveau rapport souligne que ce sont les populations pauvres des pays du Sud qui souffriront le plus du changement climatique. Un climat plus chaud aura aussi des conséquences sur la sécurité alimentaire et les populations des zones rurales seront beaucoup plus touchées. Même si les impacts économiques globaux « sont difficiles à estimer », le GIEC estime que le changement climatique va « ralentir la croissance, (...) et créer de nouvelles poches de pauvreté ».
Une aggravation des événements climatiques extrêmes va aussi engendrer des déplacements de population, notent encore les scientifiques. « Moins d'eau et de ressources alimentaires, des migrations accrues, tout cela va indirectement augmenter les risques de conflits violents », met encore en garde le GIEC.
Enfin, les problèmes sanitaires causés par des canicules vont empirer, tout comme – dans les régions pauvres – les maladies liées à la malnutrition ou la mauvaise qualité de l'eau. Aucune région du monde ne sera épargnée, que ce soit l'Afrique et l'Amérique du Sud (accès à l'eau), l'Europe et l'Asie (aggravation des inondations, vagues de chaleur) ou l'Amérique du Nord (canicule, inondations côtières, incendies). Les régions polaires et les îles seront particulièrement affectées avec la fonte accélérée des glaciers et la montée des océans.


Le GIEC recense une panoplie de mesures d'adaptation à des événements plus extrêmes (inondations, sécheresses, canicules, etc.), qui devront être parallèles à des actions pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Pour Chris Field, coauteur du rapport, les problèmes posés par le réchauffement « ne sont pas insolubles, le vrai problème est que nous ne sommes pas assez ambitieux et agressifs pour les résoudre », dit-il.
Le jeu politique lors des réunions internationales de Lima puis de Paris sera dès lors déterminant.

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Réchauffement climatique: les impacts par grandes régions

AFRIQUE:

- Impacts constatés: recul des glaciers dans l'Est de l'Afrique, réchauffement des eaux de surface des Grands lacs.

-Risques: pression accrue sur les ressources en eau, réduction des rendements agricoles, modification de la géographie des maladies dues aux changements du régime des pluies et des températures.

- Actions: sécuriser les ressources en eau et en améliorer la gestion, utiliser des variétés plus tolérantes à la chaleur, améliorer l'accès à l'eau saine et la surveillance médicale.

 

EUROPE:

- Impacts constatés: recul des glaciers dans les Alpes, en Scandinavie et en Islande; floraison plus précoce des arbres; hausse des surfaces incendiées en Grèce et au Portugal; migration vers le nord du zooplancton, de poissons, d'oiseaux marins.

- Risques: inondations (aussi dues à l'urbanisation), restriction de l'usage de l'eau, rendements agricoles affectés par des chaleurs extrêmes en Europe du Sud, améliorés en Europe du Nord, effets des vagues de chaleur sur la santé, la productivité au travail et la qualité de l'air.

- Actions: prévention des inondations, stratégies et technologies plus économes en eau, adaptation des habitations, des lieux de travail et des infrastructures, amélioration de la gestion des incendies.

 

ASIE:

- Impacts constatés: dégradation du permafrost (terres gelées en permanence) en Sibérie, Asie centrale et sur le plateau tibétain, hausse du débit des rivières lié à la fonte des glaciers dans l'Himalaya et en Asie centrale; apparition d'arbustes dans la toundra sibérienne, déclin des massifs coralliens et des algues dans les eaux tropicales et sur les côtes du Japon

- Risques: inondations et dommages aux infrastructures et à l'habitat; mortalité causée par des chaleurs extrêmes; pénurie d'eau et de nourriture causée par la sécheresse dans certaines régions.

- Actions: planification urbaine, déplacement de certains habitats; réduire la vulnérabilité des infrastructures; végétaliser les villes contre la chaleur.

 

OCEANIE:

- Impacts constatés: baisse du débit des rivières dans le sud, recul des glaciers en Nouvelle-Zélande, déplacements et mutations génétiques de nombreuses espèces d'oiseaux et de plantes en Australie; aggravation du blanchiment de la Grande barrière de corail; maturation précoce des vignes.

- Risques: déclin de la ressource en eau dans le sud-est de l'Australie; dommages accrus dus à la montée du niveau des eaux et aux pluies intenses; risques locaux d'extinction d'espèces; modification des rendements agricoles.

- Actions: nécessité de réduire les facteurs non-climatiques (pollution, pêche, tourisme, etc.) en raison d'une adaptation limitée des écosystèmes; contrôle de l'affectation des terres, amélioration de la prévention des inondations.

 

AMERIQUE DU NORD:

- Impacts constatés: recul des glaciers, baisse des réserves d'eau dans l'Ouest, migration de variétés de poissons vers le nord.

- Risques: pression accrue sur la ressource en eau; baisse des rendements agricoles dans certaines régions due à la réduction des précipitations, la hausse des températures et la multiplication des événements extrêmes; impacts sanitaires accrus des vagues de chaleur; atteintes aux infrastructures en hausse; aggravation des incendies

- Actions: mesures de prévention (feux interdits, introduction d'une végétation plus résistante), système de climatisation dans l'habitat résidentiel; système d'alerte sanitaire, centres de rafraichissement, actions pour verdir les habitats.

 

AMERIQUE LATINE:

- Impacts constatés: recul des glaciers, hausse du débit des cours d'eau dépendants du Rio de La Plata, aggravation du blanchiment des coraux dans les Caraïbes

- Risques: pression accrue sur la ressource en eau dans les zones semi-arides ou dépendantes des glaciers, risques d'inondations dans les agglomérations dû à des précipitations extrêmes.

- Actions: améliorer l'affectation des terres et l'accès à l'eau; plan de prévention et de gestion des inondations, nouvelles semences plus adaptées au stress hydrique et au dioxyde de carbone.

 

REGIONS POLAIRES:

- Impacts constatés: réduction de la banquise arctique, réduction du volume des glaciers arctiques; dégradation du permafrost, formation de nouveaux lacs, développement des arbustes, variété accrue d'espèces dans l'ouest de l'Antarctique, accroissement du trafic maritime dans le détroit de Béring

- Risques: réduction de l'habitat des ours polaires; déplacement de populations, arrivée d'espèces invasives, navigabilité accrue dans l'océan Arctique

 

PETITES ILES:

- Impacts: montée des eaux.

- Risques: pertes de ressources, d'habitat et d'infrastructures dans les zones côtières et les basses terres dues aux inondations.

- Actions: restauration et entretien des paysages et écosystèmes côtiers; amélioration de la gestion des terres et des ressources d'eau; adaptation des modes de construction.

(Source: Résumé aux décideurs in "Changement climatique 2014: impacts, adaptation et vulnérabilité", GIEC 2014)

 

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