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Liban - Société

Violence domestique au Liban : la loi sera-t-elle enfin promulguée ?

Il a fallu que trois femmes meurent en l'espace de cinq semaines pour que le Parlement se décide à se saisir enfin du dossier de la protection de la femme contre la violence conjugale. Le projet de loi a été mis à l'ordre du jour de la prochaine séance parlementaire prévue le mercredi 2 avril. Roukaya Mounzer est la dernière victime en date de cette violence.

Roukaya Mounzer, 24 ans, a été tuée à la veille de la fête des Mères d’une balle que son mari lui aurait tirée dans la poitrine.

Roukaya Mounzer a rejoint le cortège des femmes victimes de la violence conjugale. Cette jeune femme de 24 ans, enceinte et mère de deux enfants Hassan (5 ans) et Roueida (3 ans), a été tuée d'une balle que son mari lui aurait tirée dans la poitrine. Son crime ? « C'est d'avoir demandé le divorce, parce qu'elle ne pouvait plus supporter la violence qu'elle endurait depuis sept ans », confie à L'Orient-Le Jour sa sœur Zina.
« Mon père était contre ce mariage, ajoute-t-elle. Mais il a fini par consentir, parce que ma sœur l'aimait beaucoup. Il lui a même organisé un joli mariage. »


La jeune mariée n'a toutefois vécu son conte de fées que le temps de la cérémonie nuptiale. « Les problèmes ont commencé peu après le mariage, raconte Zina Mounzer. Les deux premiers mois, nous nous rendions des visites normalement. Du moins, c'est ce que nous pensions. Mais du jour au lendemain, son mari lui a interdit tout contact avec nous. Pourtant, ils habitent à proximité de chez nous (les deux familles habitent à Bourj Brajné). Quand nous la croisions dans la rue, elle ne nous adressait pas la parole, pour ne pas avoir à subir plus tard l'ire de son mari. »


Les parents de la jeune femme, souffrant de cette séparation forcée, ont demandé au père du marié d'intercéder en leur faveur auprès de ce dernier. « Lorsqu'il acceptait que nous la rencontrions, il restait avec nous, se rappelle Zina Mounzer. Il ne nous laissait jamais seuls avec Roukaya. Quant à ma sœur, elle évitait de nous regarder dans les yeux. Nous avons su plus tard qu'après chaque visite, effectuée d'ailleurs avec son autorisation, il la frappait. Pour épargner à ma sœur ce calvaire, mon père a décidé de réduire nos visites. »
Pourquoi ne l'a-t-il pas aidée à divorcer ? « Roukaya se taisait et endurait tout ce calvaire pour protéger ses enfants, affirme sa sœur. Il avait menacé de les tuer si elle le quittait. »


Le soir du drame, survenu à la veille de la fête des Mères (dans la nuit du 19 au 20 mars), « les voisins ont entendu des cris ». « Nous avons su, par les voisins qui ont pu entendre des bribes de la dispute, qu'elle avait demandé le divorce, poursuit Zina Mounzer. Puis ils ont entendu un coup de feu. Apparemment, il l'a laissée baigner dans son sang près d'une demi-heure avant qu'il n'appelle ses parents pour la transporter à l'hôpital. Entre-temps, il s'est enfui en emportant les enfants. »


Peu de temps plus tard, le mari a été arrêté. L'enquête avec lui se poursuit toujours. Dans ce cadre, une source qui suit le dossier de près a indiqué que « le corps de la jeune femme sera exhumé et autopsié, d'autant que le rapport du médecin légiste qui avait examiné le corps la première fois était bref et ne mentionnait pas les ecchymoses qui couvraient le corps de la victime ».

 

Kafa attachée à ses remarques...
Roukaya Mounzer est la troisième femme victime de violence domestique, qui décède en l'espace de cinq semaines et dont le cas a été divulgué à la presse. Des centaines d'autres femmes continuent à subir la violence qui leur est infligée, sans pour autant oser en parler. Il a fallu donc que les cas de Manal AssiChristelle Abou Chacra et récemment Roukaya Mounzer défrayent la chronique (les familles des victimes accusent leurs maris respectifs de les avoir tuées) – sans oublier le cas de Roula Yacoub (lire ici, ici et ici) décédée en juillet dernier – pour que le Parlement se décide enfin à se saisir du dossier de la violence conjugale. Le projet de loi pour protéger la femme contre la violence domestique est en fait le neuvième sujet à l'ordre du jour de la prochaine séance parlementaire prévue le mercredi 2 avril.


Une bonne nouvelle certes pour la société civile, qui affirme pour autant « être attachée aux remarques qu'elle avait déjà émises concernant la mouture finale du projet de loi telle qu'approuvée par les commissions mixtes », a insisté, au cours d'une conférence de presse tenue mardi, Zoya Rouhana, directrice de Kafa, l'ONG qui a lancé l'initiative en faveur d'une loi pour protéger la femme contre la violence domestique, en 2007.


Kafa conteste en fait la non-adéquation du titre du projet de loi avec son objet, à savoir la femme. Leila Awada, avocate et membre de Kafa, a expliqué ainsi que conformément au titre du document, cette loi vise à protéger la femme et les autres membres de la famille de la violence domestique. « Dans le texte, la partie relative à la protection de la victime est de portée générale, s'appliquant à toute la famille, sans mention explicite de la femme, a-t-elle poursuivi. Or, les modalités de protection ont été élaborées après une étude des besoins spécifiques de la femme au Liban et conformément aux lois en vigueur. De ce fait, dans certains cas, ces modalités entrent en contradiction avec les lois. »


La deuxième remarque concerne l'autorité judiciaire dont relève la décision de protection. Selon la mouture initiale du projet de loi, cette décision relève des prérogatives du parquet près la cour d'appel, puisque seul le parquet est disponible 24 heures sur 24. « Dans la nouvelle mouture, les cas nécessitant une protection relèvent du juge des référés, a indiqué Leila Awada. Or ce dernier n'est disponible que selon des horaires bien déterminés. Par ailleurs, une décision de protection doit englober de facto les enfants, indépendamment de l'âge légal de la garde, tel que fixé par les codes de statut personnel. Ce qui n'est pas le cas dans la nouvelle mouture du texte. Ceci est illogique, puisque aucune femme n'acceptera d'abandonner ses enfants. »
La dernière remarque concerne l'article relatif à la sanction du viol conjugal. « Cet article a également été modifié de manière à sanctionner uniquement les coups et les blessures portés dans des situations de revendications des droits conjugaux, c'est-à-dire des relations sexuelles, a souligné Leila Awada. Cela signifie que d'une manière indirecte le viol est légitimé. »

 

Appui de parlementaires
C'est justement pour sensibiliser les parlementaires à sa cause et à la justesse de ses revendications que Kafa a entamé une campagne de collecte de signatures de parlementaires qui appuient ses remarques et se déclarent prêts à les défendre lors de la session plénière. À ce jour, « 71 signatures ont été collectées, si l'on compte les députés du bloc parlementaire du Front de lutte nationale, le député Walid Joumblatt nous ayant assuré oralement qu'il soutenait nos revendications », a relevé Zoya Rouhana.

 

 

Pour mémoire
Pour que la femme ne soit plus jamais battue...

Pour les femmes du Liban, l'article d'Anne-Marie el-Hage

Nous sommes toutes des salopes, le billet de Médéa Azouri

Roukaya Mounzer a rejoint le cortège des femmes victimes de la violence conjugale. Cette jeune femme de 24 ans, enceinte et mère de deux enfants Hassan (5 ans) et Roueida (3 ans), a été tuée d'une balle que son mari lui aurait tirée dans la poitrine. Son crime ? « C'est d'avoir demandé le divorce, parce qu'elle ne pouvait plus supporter la violence qu'elle endurait depuis sept ans »,...

commentaires (2)

Avec ce parlement le doute est grand de voir nos parlementaires promulguer une nouvelle loi contre la violence .

Sabbagha Antoine

13 h 05, le 27 mars 2014

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Commentaires (2)

  • Avec ce parlement le doute est grand de voir nos parlementaires promulguer une nouvelle loi contre la violence .

    Sabbagha Antoine

    13 h 05, le 27 mars 2014

  • Zoya Rouhana : "À ce jour, 71 signatures ont été collectées, si l'on compte les députés du bloc parlementaire du Front de lutte nationale ; le député Walid Joumblatt nous ayant assuré oralement (yâ harâm) qu'il soutenait nos revendications." ! "Oralement" ? ! Wâlaou yâ madame ! Vous comptez encore sur "ses voix", alors qu'il n'a pas encore signé ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 07, le 27 mars 2014

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