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Legs présidentiel

Qu'est-ce qu'un président fort, dans une république faisant eau de toutes parts sous les coups répétés des forces de facto ? La définition vient d'en être donnée par un Michel Sleiman ayant enduré mille avanies durant le plus clair de son sexennat mais qui, à la veille de passer l'éponge, ne bouffe plus autre chose apparemment que du lion. C'est un président qui parle de souveraineté et d'indépendance, d'État de droit et de respect de la Constitution, confiait-il ainsi jeudi, en exclusivité, à notre correspondant à Paris, où se tenait une conférence internationale de soutien au Liban ; c'est un président, résumait-il, qui ne se soumet pas au diktat d'un quelconque parti, même s'il ne peut qu'œuvrer opiniâtrement à l'entente nationale.


Le chef de l'État ne se livrait pas à un plaidoyer pro domo, puisqu'il a, à maintes reprises, exclu avec vigueur toute reconduction ou prorogation de son mandat. C'est un véritable cahier des charges à l'usage de son successeur qu'il semblait plutôt établir : un legs qui se veut contraignant, qui engagerait d'office tout nouveau pensionnaire du palais de Baabda. Il n'est pour s'en convaincre que de l'entendre désavouer le maître slogan de la milice, lequel n'est plus de mise, dit-il, depuis qu'elle s'est engagée militairement dans la guerre de Syrie ; ou encore affirmer que la proclamation de Baabda prônant la neutralité du Liban dans ce conflit pèse bien plus lourd qu'une simple déclaration ministérielle, qu'elle est désormais une des principales assises du pays.


Mais à quoi bon un président fort pour une république en déglingue ? Seuls auront le front de poser une question aussi malveillante ceux qui œuvrent méthodiquement, depuis des années, à saper, l'une après l'autre, les institutions étatiques, qui en viennent même à dénigrer et la présidence et la personne du président. Ceux-là réclament bruyamment un État fort alors même qu'ils sont à la source des infirmités de l'État. Ils ont pris prétexte des modestes moyens de l'armée régulière face à un ennemi israélien surpuissant pour se poser en détenteurs de la décision de paix ou de guerre ; mais c'est contre leurs adversaires de l'intérieur qu'ils ont fini par retourner leurs armes. Armée, peuple et résistance vraiment ?

Dans son écrasante majorité, le peuple est hostile à l'équipée du Hezbollah en Syrie, et il est probable que cela vaut même pour le public de la milice. Pour ce qui est de l'armée, plus qu'éloquent est l'incident d'hier au cours duquel la milice a entrepris d'intercepter le convoi d'une général des Renseignements militaires dans la Békaa, région livrée depuis des années aux criminels de tout poil et où un garçonnet était kidnappé, toujours hier.


Baabda valant bien un compromis (et même deux!), plus d'un présidentiable pourrait, évidemment, s'abstenir de suivre à la lettre la doctrine Sleiman. Assez paradoxalement cependant, c'est dans les rangs des alliés du Hezbollah que celle-ci promet de susciter le plus d'embarras. C'est en leader musclé, fort d'un imposant bloc parlementaire – mieux encore, en champion des droits chrétiens, et à leur tête la primauté de la présidence – que se pose en effet le général Michel Aoun. Et s'il convoite visiblement la première magistrature de l'État, ce sont des accommodements d'un tout autre type qu'il sera forcément amené à rechercher. Ou du moins à explorer, comme le laissent croire les récentes ouvertures du Courant patriotique libre en direction du Futur, ainsi que les réserves qu'il a émises sur l'engagement de la milice pro-iranienne en Syrie.


Le temps n'est plus aux compromis à sens unique : tel est en définitive l'essentiel du message de Michel Sleiman.


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Qu'est-ce qu'un président fort, dans une république faisant eau de toutes parts sous les coups répétés des forces de facto ? La définition vient d'en être donnée par un Michel Sleiman ayant enduré mille avanies durant le plus clair de son sexennat mais qui, à la veille de passer l'éponge, ne bouffe plus autre chose apparemment que du lion. C'est un président qui parle de souveraineté...