Forcer au mariage sa fillette de 15 ans, voire 12 ans, est fréquent dans certains milieux libanais, plus particulièrement dans les zones rurales pauvres et peu développées pour lesquelles la fille est une bouche à nourrir. Les conséquences en sont tout bonnement catastrophiques, physiologiques et psychiques. Principalement pour la jeune fille, retirée de l'école, donnée en pâture à un homme qu'elle n'a pas choisi, alors qu'elle n'a même pas achevé sa croissance et qu'elle n'a pas la maturité nécessaire pour devenir mère. Sans oublier qu'elle peut tomber sur un époux violent qui la réduit en servitude, la bat et la viole même, à l'âge où elle a encore envie de jouer à la poupée et de poursuivre ses études. Les conséquences néfastes sur le développement de ces enfants n'en deviennent qu'évidentes.
L'emprise des lois communautaires
C'est à l'occasion de la Journée mondiale de la femme, le 8 mars, que la Commission nationale pour la femme libanaise, présidée par l'épouse du chef de l'État, a mis l'accent sur cette dure réalité qui touche de jeunes mineures du Liban, libanaises, ou réfugiées syriennes, et ce dans l'amphithéâtre de l'Université libano-américaine (LAU), à Beyrouth. Une réalité montrée dans un film qui rapporte les témoignages de femmes aujourd'hui adultes, mariées contre leur gré, alors qu'elles n'étaient que des adolescentes. Une réalité brossée aussi dans un livret qui explique l'emprise des lois communautaires sur les affaires liées au statut personnel et insiste sur la nécessité de sensibiliser aux risques du mariage précoce. Mais qui ne mentionne pas la moindre statistique, ni les régions les plus touchées.
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« La société a échoué à protéger les filles du mariage précoce », martèle l'avocat de la Commission nationale pour la femme libanaise, Fady Karam. Il dénonce le vide législatif à ce sujet, les communautés religieuses s'étant approprié le statut personnel et ayant légiféré, chacune, sur l'âge du mariage. L'avocat invite alors le législateur « à interdire les mariages des mineures de moins de dix-huit ans ». Il atténue aussitôt ses propos en ajoutant : « Ou du moins à s'assurer que la jeune fille de moins de 18 ans est prête pour le mariage. » Un bémol qui ne peut que susciter nombre d'interrogations, car on ne connaît que trop bien les dérapages de ce genre d'exceptions, au Liban en particulier.
Tour à tour, se sont succédé à la tribune des personnalités du monde juridique, comme la juge Arlette Tabet, du monde universitaire, comme le recteur Joseph Jabra et la chercheuse Samira Agassi, ou de la société civile, comme la présidente de KAFA, Zoya Rouhana. Cette dernière a qualifié « le mariage précoce de pire forme de violence pratiquée à l'égard des filles » et constaté que « les familles contrôlent ainsi la sexualité de leurs filles ».
Également parmi les intervenants, le juge Fawzi Khamis, procureur général près la Cour des comptes, ancien président du tribunal pour mineurs. Ce dernier rappelle avoir été accusé par les tribunaux religieux d'avoir empiété sur leurs compétences dans deux affaires. « Je me suis opposé à leurs décisions, déterminé à protéger des mineures en danger », explique-t-il.
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Berry contre la reconnaissance du viol conjugal
Prononçant le mot de Wafa' Sleiman, absente pour l'occasion, l'épouse du président du Parlement, Randa Berry, a dénoncé « les mentalités rétrogrades » et évoqué les conséquences néfastes à court et long terme du mariage précoce, parmi lesquelles « l'interruption de l'éducation et l'inaccessibilité au monde du travail ». « Le mariage des mineures est contraire aux droits essentiels de l'enfance et à la Déclaration internationale des droits de l'enfant », a-t-elle souligné, avant d'inviter à la mise en place d'une « législation plus forte que les lois communautaires ».
S'exprimant par la suite en son propre nom, Mme Berry a fait part de sa « profonde douleur », face au mariage forcé des fillettes, et dénoncé « la couverture religieuse qui autorise l'homme à épouser une mineure ». Avant d'affirmer face à une assistance médusée, mécontente même, qu'elle était totalement pour que « le projet de loi sur la violence domestique ne reconnaisse pas le viol conjugal, car il est difficile de le prouver ». Des propos qui n'ont pas manqué de refroidir une assistance avertie et de susciter la colère des militantes.
La séance levée, les belles paroles terminées, on reste sur sa faim. En quoi consiste pratiquement la campagne nationale contre le mariage des mineures ?
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commentaires (2)
Bon...j'ai compris...y a des choses qu'il faut pas dire...alors, je les pense très fort...on sait jamais, çà peut être transmis par télépathie...mais bon, y a des choses qu'il faut pas dire...paraît que çà s'appelle consensualisme...tant que la pédophilie est légale(parce que figurez vous que chez nous, Libanais tellement "éduqués" et "civilisés" elle est légale! dans les liens du mariage, bien sûr!), faut rien dire...ou plutôt faut dire que ce sont les "traditions"...les pédophiles sont donc des gens traditionnels, à condition qu'ils soient mariés à l'objet de leur ignominie....et le viol conjugal est le seul qui ne peut être prouvé, n'est ce pas? Parce qu'une épouse,c'est un objet,une poupée qui doit toujours dire oui... Y a du chemin à faire...
GEDEON Christian
19 h 15, le 05 mars 2014