L'on peut formuler moult reproches au directoire du Hezbollah, sauf celui de ne pas faire preuve de cohérence dans sa ligne de conduite politique. Il est en effet cohérent avec lui-même lorsqu'il se conforme à des options stratégiques contraires aux fondements et à l'essence du pacte national libanais ; il est cohérent avec lui-même lorsqu'il se pose en antithèse d'un État central qui ne lui serait pas totalement soumis. Car l'élément moteur qui dicte le comportement politique du Hezbollah sur la scène locale est non pas des considérations propres au Liban, mais plutôt un alignement total et aveugle sur un projet transnational répondant aux ambitions et visées d'un nouvel empire perse.
L'attaque frontale lancée le week-end dernier par le parti chiite contre le président de la République s'inscrit ainsi dans la plus pure logique de la doctrine et du projet politique du bras armé des pasdaran au Liban. Il est, de fait, une réalité que d'aucuns s'obstinent encore à occulter : lorsque de grandes décisions d'ordre géopolitique sont en jeu, comme l'option de guerre ou de paix à titre d'exemple, la doctrine du Hezbollah – telle qu'établie dans les années 80 – impose impérativement aux dirigeants de ce parti de s'en remettre au guide suprême de la révolution islamique iranienne dont les instructions sont à cet égard contraignantes et sans appel.
Cette allégeance inconditionnelle au régime des mollahs iraniens, basée sur une vision théocratique (et donc irrationnelle) du pouvoir et des enjeux régionaux, confère à la décision politique du Hezbollah un caractère qui transcende le pays du Cèdre. Il en résulte un antagonisme entre deux logiques inconciliables : celle du président de la République, garant des institutions constitutionnelles, de l'unité nationale et de la sauvegarde du vivre-ensemble, dans l'esprit du pacte ; et celle d'un parti qui ne perçoit la réalité libanaise que sous l'angle d'un vaste projet idéologique qui tient très peu compte des frontières ou des spécificités locales.
Lorsqu'il s'implique dans les combats syriens, sur injonction du guide suprême iranien, sans s'embarrasser des graves retombées de son aventure unilatérale sur la paix civile, le Hezbollah montre ainsi qu'il ne se soucie pas outre mesure du fragile équilibre de la coexistence intercommunautaire dans le pays. Lorsqu'il mène une guerre sans merci contre le courant sunnite libaniste, souverainiste et modéré, en renforçant de la sorte son alter ego fondamentaliste sunnite, le Hezbollah ne fait que torpiller les bases de la formule libanaise et porte un coup dur aux particularismes du pays du Cèdre. Et lorsqu'il s'en prend au président Michel Sleiman quand celui-ci défend la primauté et la logique de l'État, quand il s'oppose à l'instauration d'une autorité paraétatique jalouse de son autonomie, et quand il dénonce les tentatives d'imposer des valeurs propres à une seule des composantes du tissu social libanais, le Hezbollah ne fait que saper intentionnellement les fondements de l'État central et rassembleur.
En imposant la déclaration de Baabda comme document reconnu officiellement par les hautes instances arabes et internationales, et en replaçant sur le devant de la scène les fondements et les valeurs communes qui constituent la trame historique du pacte national et de la formule libanaise, le président Michel Sleiman a incontestablement redonné à la première magistrature l'envergure et le rôle primordial que lui confère la Constitution. Un rôle de garant de la souveraineté, de la primauté de l'État et des racines du vivre-ensemble intercommunautaire. Tout président de la République qui lui succèdera au palais de Baabda ne pourra, s'il se respecte et s'il respecte son serment constitutionnel, que se conformer aux garde-fous posés, contre vents et marées, par Michel Sleiman au cours de son mandat. Il y va en quelque sorte de la pérennité et de la raison d'être de l'entité libanaise. Si bien que le prochain président est appelé à se fixer pour mission de maintenir avec fermeté le cap fixé par son prédécesseur afin que le Hezbollah soit amené à mettre un terme à son divorce de la réalité libanaise. Un divorce destructeur que Walid Joumblatt évoquait déjà avec audace au lendemain de la révolution du Cèdre.
commentaires (4)
POUR QU'IL Y AIT DIVORCE, CHER MONSIEUR MICHEL TOUMA, IL FAUT QU'IL Y AIT MARIAGE ! OR CHEZ NOUS DEPUIS L'INDÉPENDANCE IL N'Y A QUE CONCUBINAGE !!!
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
09 h 31, le 04 mars 2014