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Moyen Orient et Monde - Le point

L’ombre de Malakoff

Réuni en séance extraordinaire, le Parlement de la Crimée proclame son indépendance ; le problème finira par être réglé grâce à un accord sur une division du pouvoir avec l'Ukraine. C'était en 1992. On pourrait remonter plus loin, jusqu'aux années 1853-1856, quand la guerre faisait rage entre la Russie d'un côté et d'un autre côté une coalition regroupant l'Empire ottoman, le Royaume-Uni, l'empire français de Napoléon III et le royaume de Sardaigne. Ou encore à l'ère de l'expansionnisme russe de 1721 sous le règne de Pierre le Grand. Arrêtons là l'évocation des grandes dates d'un passé que Vladimir Poutine, tout comme ses concitoyens, semble n'avoir pas oublié, à voir tout l'étalage de muscles auquel l'on assiste depuis la fuite de Vicktor Ianoukovitch.


Que le tout récent cliquetis des armes – diplomatiques d'un côté, carrément militaires de l'autre – n'effraie pas ceux qui croient entrapercevoir les prémisses d'une nouvelle épopée de la redoute de Malakoff. Question : qui aujourd'hui est prêt à mourir pour Sébastopol ? Réponse : personne, et le maître du Kremlin encore moins que Barack Obama, Laurent Fabius ou même Radoslaw Sikorski, le bouillant ministre polonais des Affaires étrangères. Le bilan serait terrible pour les deux camps et lourde la facture financière. Les Européens n'aimeraient pas se l'entendre rappeler, mais l'envie ne les démange pas de voir accéder au rang de vingt-neuvième État de l'Union une Ukraine qui traîne une ardoise de 35 milliards de dollars pour les deux prochaines années, devenue exsangue du fait d'une corruption digne de l'époque Eltsine et incapable d'aligner les noms de trois personnalités politiques n'ayant pas trempé dans d'inqualifiables magouilles – si l'on excepte ce brave Olexandre Turchinov, homme d'affaires, accessoirement prédicateur protestant, tout aussi accessoirement président p.i. par la grâce de Ioulia Timochenko et qui en est encore à se demander par quelle ironie du sort il se retrouve en « chauffeur de la salle » en attendant l'élection à la tête de l'État de « la dame du gaz », en mai prochain. Du lot n'émerge pour l'instant que Petro Poroshenko, un industriel qui vient de délaisser son entreprise de chocolat (Roshen) et sa chaîne de télévision 5 Kanal pour se refaire une virginité politique dans les rangs de l'opposition.


Après la griserie de l'indépendance retrouvée, la rue se pose des questions sur l'avenir. Malgré de vagues promesses, la manne ne tombera pas du ciel européen ou américain. Reste le Fonds monétaire international qui, on peut en prendre le pari, pourrait desserrer les cordons de la bourse mais en posant des conditions qui auront pour effet de retourner l'opinion publique contre ses « libérateurs ».


Seconde question, l'UE voudrait-elle vraiment d'un pays en faillite alors qu'elle peine à se débarrasser de ses multiples casseroles (espagnole, grecque, portugaise, irlandaise même) qui ont failli la ruiner ? Et dans l'affirmative, quelles seront les conséquences de cet énième élargissement ? La voix de la raison, dans l'actuelle cacophonie incendiaire, c'est de Berlin qu'elle vient de s'élever. « La diplomatie de crise n'est pas une faiblesse, a dit le ministre allemand des Affaires étrangères, mais il est plus important que jamais de ne pas tomber dans l'escalade militaire. » Depuis des jours, on parle de sanctions, de lignes rouges à ne pas franchir, d'exclusion du groupe des Huit, d'annulation d'un sommet entre les présidents russe et américain sans émouvoir outre-mesure Vladimir Vladimirovitch. On avait recouru à un langage similaire en août 2008, lors de « l'agression » – pour reprendre le terme utilisé par le Kremlin – de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud, avec les résultats qu'on connaît. Telle est la dure loi de la realpolitik.


Même si cela n'a pas l'heur de plaire aux diplomaties occidentales, le temps et la géographie travaillent pour le président russe, qui peut d'abord entrevoir l'avenir immédiat sous des jours peut-être pas roses mais en tout cas pas aussi noirs que l'on voudrait croire. La géographie ensuite : l'Ukraine et la Russie partagent une frontière de 2 295 kilomètres – sans parler d'une histoire vieille de plusieurs siècles. En outre, Kiev dépend dans une large partie de Moscou pour son commerce extérieur et son approvisionnement en gaz. Plus important : Sébastopol abrite la flotte de la mer Noire, tandis que Tartous héberge une partie de la marine russe. Soit une protection assurée ici sur le flanc sud, là sur le flanc oriental. Alors, imaginons le monde de demain avec un effondrement du régime de Bachar el-Assad et une Ukraine débarrassée du carcan moscovite...

Réuni en séance extraordinaire, le Parlement de la Crimée proclame son indépendance ; le problème finira par être réglé grâce à un accord sur une division du pouvoir avec l'Ukraine. C'était en 1992. On pourrait remonter plus loin, jusqu'aux années 1853-1856, quand la guerre faisait rage entre la Russie d'un côté et d'un autre côté une coalition regroupant l'Empire ottoman, le...

commentaires (5)

il en manque...les croates collaborateurs acharnés des nazis,en quoi étaient ils fondés à demander la purification ethnique de la Krajina(et pas l'inverse,n'est ce pas?)...et le petit länder slovène ,en quoi était il fondé à ne pas dédommager la Yougoslavie de tous les investissements industriels faits là bas?

GEDEON Christian

18 h 59, le 05 mars 2014

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • il en manque...les croates collaborateurs acharnés des nazis,en quoi étaient ils fondés à demander la purification ethnique de la Krajina(et pas l'inverse,n'est ce pas?)...et le petit länder slovène ,en quoi était il fondé à ne pas dédommager la Yougoslavie de tous les investissements industriels faits là bas?

    GEDEON Christian

    18 h 59, le 05 mars 2014

  • et je poursuis donc...quand l'improbable alliance entre la France de Napoléon le petit,la perfide Albion et les rigolos de Sardaigne attaqué la Russie qui était en passe de détruire le monument d'iniquité qu'était l'Empire Ottoman,ce fût probablement l'un de ces instants d'histoire qu'on peut qualifier de totalement absurde...quant à l'œuvre destructrice des US notamment en Amérique du Sud, j ne me souviens pas qu'elle ait déclenché des hurlements d'indignation...alors, outez la paix aux Russes,à la Grande Russie et par la même occasion aux Ukrainiens...c'est LEUR affaire!

    GEDEON Christian

    18 h 40, le 05 mars 2014

  • C'est quand même fou...dès qu'il s'agit de la Russie, foin d'objectivité, au diable l'analyse , et vive les lieux communs...Poutine est ,forcément, un freux dictateur imprévisible, la position russe totalement inacceptable et vas y que je t'en remette une couche...on est dans l'absurdité BHLienne...Et en quoi,messieurs dames l'attaque sanglante de l'OTAN sur la Yougoslavie était elle acceptable? En quoi le Turcs de Bosnie étaient ils fondés à demander un état indépendant dont les Serbes eraien,t exclus? En quoi les Croates collaborateurs de na

    GEDEON Christian

    18 h 02, le 05 mars 2014

  • "Alors, imaginons le monde de demain avec un effondrement du régime de Bachar el-Assad et une Ukraine débarrassée du carcan moscovite..." ! En réalité, ce qu'il faudra c'est plutôt une bonne dose d'objectivité....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 06, le 04 mars 2014

  • UN ARTICLE OBJECTIF. LES OCCIDENTAUX SAVENT QUE METTRE LA MAIN SUR L'UKRAINE " MISSION IMPOSSIBLE" À LA ROGER MOORE... C'EST MENACER DIRECTEMENT LA RUSSIE. L'OURS MANACÉ DANS SA TANIÈRE DEVIENT DANGEREUX ET PERSONNE NE VEUT DES AVENTURES MILITAIRES AVEC LUI. ALORS ? LE MARCHANDAGE SYRO-UKRAINIEN EST L'ENJEU RECHERCHÉ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 35, le 04 mars 2014

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