Décidément, cet homme restera à la fois Ivan le Terrible et un torero de salon ; à la fois obstiné et fier comme un moujik, bling bling et attachant comme un Méditerranéen. Cet homme est une âme slave dans toutes ses dentelures, toute sa grossièreté, sa beauté, son instabilité. Pourtant, il aurait adoré être Occidental. Il ne l'est pas. Pire : il est Russe. Tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il fait et tout ce qu'il fera, c'est (re)pousser encore et encore les limites de l'élasticité de son ADN, c'est tout faire pour affoler l'Américain, le coincer, le mettre hors de lui et lui prouver à quel point il est le plus fort, lui, le tsar, le Staline relooké, le petit père de tous les Russes et, surtout, de toutes les Russies. Le (Ras)Poutine du peuple.
Bien sûr la Crimée, cette Crimée à jamais délicieusement et furieusement Agatha Christie, bien plus que la Géorgie ou d'autres ex-Républiques soviétiques (Vladimir Poutine déteste plus que tout au monde Mikhaïl Gorbatchev), est vitale pour la Russie. Militairement, politiquement, économiquement, symboliquement vitale... Même si elle est loin d'être de tout repos : la grosse minorité musulmane qui y vit depuis des siècles et qui représente au moins 16 % de sa population, les Tatars, n'aime pas, loin de là, le maître du Kremlin. Et elle peut profiter de la crise ukrainienne pour se rappeler à son (très) mauvais souvenir. Il n'empêche : s'il est une zone à laquelle Moscou tient plus que tout, c'est bien l'Ukraine en général, la Crimée en particulier.
Il a le choix : lâcher ses chars dans tout le pays, ramener un pantin à la présidence ukrainienne et tout télécommander de sur le dos d'un aigle, d'une panthère, d'un ours ou d'un yéti. Ou alors se contenter de l'Anschluss soft de cette péninsule dorée. Ou bien risquer de se crasher sur une deuxième surprise, se retrouver face à un peuple d'Ukraine certes plus David contre Goliath que jamais et s'enliser dans une drôle de guerre aux portes de l'Europe. En attendant, il a choisi de se moquer impérialement de cette pauvre Angela Merkel en lui promettant de dialoguer avec un groupe de contact. En attendant, rien ne lui fait plus plaisir que de voir les Occidentaux gigoter, à commencer par John Kerry, qui n'a pas hésité à menacer la Russie de la bouter hors du G8 – un secrétaire d'État US tellement dramaqueen que son homologue allemand s'est fendu d'un communiqué-réponse à la limite du ricanement... Rien ne fait davantage plaisir à Vladimir Poutine que de voir les Européens, aussi, gigoter et brasser du vent, et l'OTAN valser entre menaces et appels à l'apaisement ; rien ne lui fait autant plaisir que cette prise de conscience qu'il est capable de se jouer de ces Occidentaux, qu'il ne voit que péteux et pontifiants, comme il l'entend.
Comme il le fait depuis des années en Syrie.
Rarement un playboy de ce calibre, dictateur méthodique et stakhanoviste, ontologiquement criminel dans son appréhension de la politique étrangère (si Bachar el-Assad continue à exterminer minutieusement son peuple, c'est bien à cause de lui), ne se sera senti aussi invulnérable, aussi sûr de son impunité.
Hier la Syrie, aujourd'hui l'Ukraine. Et demain ? Catherine II frétille d'impatience.
Moyen Orient et Monde - Ici et maintenant
Le baladin du monde occidental
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 03 mars 2014 à 01h49
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Boris Eltsine affirme dans un rapport de 2012 que Poutine détiendrait des palais, des villas, des dizaines d'avions et d'hélicoptères d'une valeur totale d'un milliard de dollars ainsi que des yachts, des centaines d'automobiles et une collection de montres.Un vrai torero de salon ; obstiné et qui rejoint les rangs des dictateurs impitoyables comme Assad .
Sabbagha Antoine
18 h 31, le 03 mars 2014