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Culture - Cimaises

Rêveur éveillé, palette en main, Hanibal Srouji marche la « tête dans les nuages »...

Plongé dans sa mémoire personnelle – quelque part la nôtre aussi – Hanibal Srouji revisite l'espace et le temps. À travers une vingtaine de toiles à l'acrylique, au feu et un liséré de néon. Sur les cimaises de la galerie Janine Rubeiz*, touches délicates, légèreté d'un rêveur éveillé qui appelle son expo, avec un brin d'humour et de poésie, la « Tête dans les nuages ».*

Un écrin de lumière ! À travers la superbe verrière du plafond de la galerie, les toiles de Hanibal Srouji (toutes dimensions confondues et allant des 2,32 x 1,40 m au 80 cm x 1,30 m), littéralement baignées des rayons d'un soleil de février inhabituellement peu porté aux intempéries, semblent avoir trouvé une place de choix, taillée sur mesure. Des toiles aériennes qui parlent des éléments de la nature, mais aussi et surtout de l'ambiguïté et du dilemme mer-terre.
«Depuis ma plus tendre enfance, confie l'artiste de 57 ans, silhouette filiforme, cheveux presque blancs et sourire avenant et juvénile, je me vois assis la mer devant moi, les montagnes dans mon dos et le ciel au-dessus... Prendre le large ou prendre racine?»
Dilemme jamais résolu, qui incite à une méditation, une interrogation, une contemplation, jamais épuisées. Et dont les résonances, les ondes de choc s'étalent sur ce monde vaguement abstrait des toiles. Des toiles à la fois éthérées et brûlées (c'est pas rien que de flamber, avec quelque gouttes d'huile d'olive, les filaments d'un tissu avec un pistolet à feu !) où s'effilochent des
nuages, s'étendent des terres en bribes d'estampes aux tonalités évanescentes, se prélassent des vagues bleu de porcelaine d'une mer reflétant l'azur, se pavane au zénith un soleil de plomb aux dards dorés, se fondant en toute malice, tel un coquin petit serpent luisant, à un néon en zigzag ou en zébrure d'éclairs.
Monde impressionniste aux couleurs calmes, venu en toute tranquillité des miniatures persanes, enclin parfois à la mélancolie, avec des taches de couleurs vibrantes, petites cravaches pour réveiller une mémoire un peu assoupie, adroitement distribuées dans une atmosphère aux allures de brouillard jamais dissipé. Un bleu Klein s'harmonisant avec des vaguelettes en tons pervenches, une touffe d'ocre se perdant dans une botte de foin jaune paille, un filet de rose se diluant en une brume grisâtre, des « pointilles » violettes s'agglomérant en plages déterminées et vives dans leur couleur détonante.
Après des études en beaux-art à Montréal, de multiples expositions en Europe, en Amérique du Nord et dans les pays arabes, peintre favori des grands collectionneurs, à travers ces œuvres à l'esprit de témoignage sur la terre et la mer, cycle entamé déjà depuis 2009, Hanibal Srouji continue sur sa lancée et pioche davantage en profondeur dans le passé libanais et beyrouthin. Avec un hommage à voilette de nostalgie où vivent les années 1960-1970.
Glorieuse et presque insouciante époque d'une capitale alors cosmopolite et promise à un avenir si ce n'est radieux du moins plus paisible, sécurisant et moins douteux et cacophonique...À cette époque où les tubes fluorescents illuminaient le centre-ville.
Et c'est en évoquant les noms de ses oncles, Victor Essayan et Édouard Akel, fabricants de néons, artisans des colliers de lumière qui parent une ville la nuit, que son vol d'Icare (petits tableaux ronds comme des cercles qui se ferment sur eux-mêmes) témoigne des plumes qu'on laisse dans une traversée humaine... Non pas qu'il ne faille pas placer la barre haute, mais en gardant en tête qu'il faut toujours tout positiver et tenter d'éviter le pessimisme.
Appartenant à cette première génération née après l'Indépendance, Hanibal Srouji prospecte les champs énergétiques que les souvenirs, la vie et le passé charrient et insufflent. À travers sa peinture et son sens d'une créativité moderne, c'est une syntaxe nouvelle qu'il tente de formuler. En articulant tous les éléments qui ont marqué et laissé des traces.
Une sorte de volonté de renaissance, un désir d'aller de l'avant, un détour adroit, une subtile ellipse que ces toiles qui parlent, entre visible et invisible, réel et imaginaire, dit et non-dit, en toute douceur et légèreté, des choses tellement graves qui nous plombent.

* Galerie Janine Rubeiz, jusqu'au 19 mars.

Un écrin de lumière ! À travers la superbe verrière du plafond de la galerie, les toiles de Hanibal Srouji (toutes dimensions confondues et allant des 2,32 x 1,40 m au 80 cm x 1,30 m), littéralement baignées des rayons d'un soleil de février inhabituellement peu porté aux intempéries, semblent avoir trouvé une place de choix, taillée sur mesure. Des toiles aériennes qui parlent des...

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