Min el-Ekhir, une expression libanaise intraduisible en français mais qui signifie, à peu près, « Venons-en au fait ». Sans tergiverser. Sans trop de paroles. Et pourtant, c'est exactement ce qu'elle fait, Joumana. Elle, c'est une femme, plus très jeune, ni trop vieille. Allure svelte. Longue chevelure marron bouclée. Robe noire à fleurs. Sportive, ayant glané plusieurs médailles, dans des épreuves scolaires et universitaires. « Est-ce parce que je suis une athlète et qu'il trimbale sa lourdeur qu'il est si jaloux de moi ? » s'interroge-t-elle en faisant référence à son mari. Acariâtre, elle ? Il faut dire que lui n'y est pas allé par quatre chemins lorsqu'il l'a traitée de « vieille ». Elle achevait ses derniers préparatifs. Il piaffait d'impatience. C'est qu'ils devaient se rendre à une cérémonie au cours de laquelle il recevrait des insignes honorifiques. Elle lui demande son avis sur sa tenue. Excédé par le retard, il lance le mot fatidique et claque la porte. Joumana se trouve alors seule face à son... passé. Sa vie défile comme un mash-up de flash-back. Leur rencontre, les mains et les yeux qui ne se quittent plus. Les rencontres et les déclarations enflammées. Puis, avec le temps, la passion s'effrite.
Aïda Sabra raconte le désamour. Un texte ciselé, parfaitement écrit et rendu haut la main par cette grande dame des planches. Derrière elle défilent deux jeunes acteurs, mi-arlequins mi-Pantone, Marylise Youssef Aad et Élie Njeim. Pour illustrer le propos de la dame, ils gravitent autour d'elle en exécutant des mimiques, en brandissant divers objets en relation avec les thèmes abordés. Malgré le sérieux du sujet, on rit beaucoup.
La narration est fluide, impeccable, le jeu des comédiens enthousiasmant. Ils savent occuper l'espace et vous tenir en haleine de bout en bout. Certains ne valideront peut-être pas toute la vision qui est donnée du couple, mais cette pièce donne certainement à réfléchir sur la vie à deux, les relations d'amour et d'amitié, la confiance et le respect.
Men el-Ekhir (faut-il voir le mot anglais men dans ce titre arabe ?) est un spectacle vif, incisif, drôle, mais aussi cruel. Bref, intense. Bref, à ne pas rater. Bref, un nouveau bijou dans cette petite salle du Metro, ce lieu intimiste qui est certainement en train d'écrire une nouvelle page du théâtre libanais, en présentant des spectacles ou des saynètes à grand succès, comme Tarik Jdideh de Yahya Jaber ou Hechik Bechik de Hicham Jaber.
* Ce soir, lundi 24 février, à 22h, puis tous les lundis et mardis de mars, au Metro el-Madina, imm. Saroulla, Hamra. Réservations au 76-309363.
commentaires (1)
AVANT TOUT JE CROIS QUE "EN FIN DE COMPTE" TRADUIT LE "MEN EL EKHIR". MAIS AU MOT DÉSAMOUR, QUI DÉCRIT PLUTÔT UN CAPRICE, CELUI DE RUPTURE EST PLUS RÉALISTE ET ADÉQUAT !
LA LIBRE EXPRESSION
08 h 38, le 24 février 2014