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Économie - Liban - Croissance

Le port de Beyrouth voit grand

Depuis une dizaine d'années, le port de Beyrouth n'a cessé de s'accroître, devenant un hub de transbordement régional, mais également un modèle de réussite du modèle de partenariat public-privé. Zoom sur cette nouvelle industrie portuaire, son développement et son impact sur l'économie libanaise.

Quand on évoque l'accroissement du volume de marchandises ayant transité par le port de Beyrouth en dix ans, les chiffres parlent d'eux-mêmes. « En 2005, le port a accueilli 400 000 conteneurs ; en 2013, leur nombre a atteint 1,17 million », explique le président directeur général (PDG) du port de Beyrouth, Hassan Koreitem. Rappelons que le terminal de conteneurs a été construit au cours des années 2000 et mis en opération le 1er janvier 2005. « À partir de cette date, le volume de marchandises n'a cessé de s'accroître et le port a rapidement eu besoin de plus d'espace de stockage et d'équipements pour faire face à l'augmentation de la demande, autant sur le marché local qu'en matière de transbordement », poursuit M. Koreitem.
Il devient ainsi évident pour l'administration du port qu'il faut effectuer des travaux d'élargissement, surtout qu'à partir de 2007, le port a fonctionné presque au double de sa capacité de stockage qui est de 500 000 conteneurs par an. La première phase d'extension qui a été finalisée en 2013 a nécessité quatre ans de travaux et a coûté 155 millions de dollars. Elle s'étend sur 180 000 m² et possède un quai de 500 mètres de long, pouvant accueillir entre 300 000 et 400 000 conteneurs par an.

Un besoin d'élargissement toujours plus important
« Rien qu'en 2013, la demande interne a bondi de 20 %, et comme les conteneurs pour le marché local restent approximativement 12 jours au port, car ils requièrent de nombreux services, la nouvelle extension a rapidement, elle aussi, été congestionnée », souligne M. Koreitem. Pour les responsables du port, il est difficile d'expliquer les raisons de cet accroissement exceptionnel l'année dernière car ils n'ont aucune information sur le contenu des conteneurs, mais plusieurs hypothèses sont avancées. « La guerre en Syrie explique certainement la donne, pour plusieurs raisons », indique Ammar Kanaan, le directeur général de BCTC, l'entreprise chargée de l'administration et la gestion du terminal de conteneurs. « La fermeture partielle des frontières syriennes et la réduction drastique des visas accordés par l'Arabie saoudite aux Syriens – nationalité prédominante chez les conducteurs de camions de marchandises – a naturellement facilité le transport maritime au profit du terrestre », souligne M. Kanaan. « L'augmentation du nombre de réfugiés syriens au Liban, plus d'un million selon les estimations, explique aussi certainement cette hausse de la demande interne », poursuit-il.

Ainsi, sitôt la première extension achevée et fonctionnelle, que déjà on en prépare une autre. « Quel que soit le cours des événements en Syrie, l'accroissement du port ne va pas s'arrêter et même la paix signifierait reconstruction, chantiers et surtout matériaux de construction que les ports syriens n'ont pas les capacités d'accueillir », assure M. Koreitem. Les travaux de construction de la deuxième extension ont déjà débuté. Ils sont prévus sur quatre ans et devront coûter 120 millions de dollars. Elle fera 130 000 m² avec un quai de 450 mètres de long. « Sa spécificité : pouvoir accueillir de la marchandise en vrac (ferraille, bétail...) et non seulement des conteneurs classiques », indique le PDG du port.

Bénéfices pour l'économie libanaise
« Sur le bassin est-méditerranéen, le port de Beyrouth est aujourd'hui l'un des plus grands, avec celui de Port-Saïd en Égypte, et a réussi en quelques années à supplanter les ports grecs, chypriotes et syriens », affirme M. Koreitem. « Nous avions la volonté, et surtout toutes les capacités pour placer le port de Beyrouth sur la cartographie mondiale et c'est ce que nous avons fait », souligne pour sa part M. Kanaan.
C'est ainsi qu'au fil des années 2000, le port devient également un hub de transbordement régional et international. Auparavant, pour qu'un exportateur libanais puisse envoyer un conteneur de Beyrouth vers Le Havre, par exemple, celui-ci devait d'abord transiter par un hub régional, et l'acheminement prenait plus de temps et coûtait plus cher. Il en était de même pour les importateurs. « Cette nouvelle situation bénéficie pleinement à l'économie libanaise car elle accroît la fréquence des cargos transitant par Beyrouth en faisant ainsi baisser le temps d'acheminement et le prix des importations et des exportations, et augmenter par ailleurs les bénéfices du port », poursuit le directeur général de BCTC. Le port, entité publique, est cependant financièrement autonome et assure à l'État des revenus continuellement en croissance, surtout que 80 % des importations passent aujourd'hui par le port. Cette réussite du port bénéficie également aux citoyens. « En dix ans, environ 4 000 personnes ont été employées », indique M. Kanaan. « C'est une industrie qui n'existait pas au Liban, et notre politique a toujours été de former les jeunes talents libanais à ces nouveaux métiers plutôt que d'embaucher des étrangers », ajoute-t-il.

Un modèle de réussite du partenariat public-privé
Alors que le débat sur la pertinence du modèle de partenariat public-privé (PPP) pour la réalisation de grands travaux d'infrastructure revient sur le devant de la scène avec la formation du nouveau gouvernement, le port en a fait depuis une dizaine d'années la clé de son succès. Le contrat signé entre l'État et la société privée BCTC est basé sur le partage des revenus et l'allocation des risques. L'idée n'était pas acquise et il a fallu, en 2004, que les négociations entre l'État et la société émiratie DP World échouent pour repenser les bases du contrat avec un quelconque investisseur potentiel. « Dans le contrat élaboré à l'époque pour administrer le port, c'était à l'entreprise privée d'investir des millions de dollars en infrastructures », rappelle M. Kanaan. « L'État a par la suite accepté de modifier les règles, en se chargeant d'assurer les équipements, de ne pas faire porter à la compagnie le "risque-pays", mais uniquement le risque du business », explique le directeur général du BCTC. « Grâce à cette équation, l'État n'a plus besoin de contrôler l'entreprise puisque les deux parties ont intérêt à ce que les affaires fonctionnent au mieux », ajoute-t-il.

Dans cette « success story », tout n'est cependant pas rose et les défis restent nombreux. « Les conflits d'intérêts politiques et la situation sécuritaire fragilisent fortement le développement naturel du port », souligne M. Kanaan. « D'autres défis de taille, comme une meilleure coordination avec les douanes ou la simplification des formalités administratives, nous posent également beaucoup de problèmes », souligne de son côté M. Koreitem. Et le port n'échappe pas non plus au lot de corruption qui gangrène la majorité des administrations et institutions libanaises. Il est difficile de la chiffrer, mais elle intervient principalement au niveau de la déclaration douanière.

« Tout cela ne nous empêche pas de rêver et de nous projeter dans le futur avec de nouveaux objectifs », assure le PDG du port. « Nous projetons d'aménager un bassin pour y développer le tourisme portuaire, tel qu'il en existe dans la majorité des anciens ports du monde comme à Marseille, Gênes ou Barcelone, avec une zone de shopping artisanal, des cafés et des restaurants », explique-t-il. Mais pour se lancer dans un tel projet, encore faut-il être confiant dans l'avenir du pays et sa capacité à attirer à nouveau les touristes.


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