Rechercher
Rechercher

À La Une - Les femmes de la semaine

Les Libyennes gagnent leur combat : les victimes de viol durant la révolte reconnues comme "victimes de guerre"

"Nous espérons maintenant que cette loi inspirera d'autres pays dans le monde".

Des Libyennes lors d'une marche silencieuse, à Tripoli le 26 Novembre 2011 en soutien aux victimes de viol. Reuters/Mohammed Salem

Depuis 2011, des Libyennes manifestent afin que les autorités reconnaissent les milliers de viols perpétrés pendant la révolution. A plusieurs reprises, ces dernières années, des femmes ont osé manifester, sur la place des Martyrs à Tripoli ou devant le Congrès général national (CGN, parlement), brandissant leurs pancartes contre le viol des femmes, un sujet tabou au sein de la société libyenne.

 

Mercredi soir, leur appel a enfin été entendu avec l'adoption, par le gouvernement libyen, d'un décret reconnaissant les victimes de violences sexuelles commises durant la révolution en Libye comme "victimes de guerre".

"Le gouvernement a adopté aujourd'hui (mercredi) un décret qui protège les victimes de viols durant la guerre de libération (du pays du régime de Mouammar Kadhafi en 2011), en les reconnaissant comme victimes de guerre", a annoncé à l'AFP le ministre de la Justice Salah al-Marghani. Ce décret permettra à ces victimes de bénéficier de plusieurs aides médicales et financières mais aussi d'un logement et d'aide à l'éducation. "Le texte avait été soumis au Congrès général national pour l'adopter sous forme de loi", a précisé le ministre. Mais "le CGN a d'autres sujets qu'il estime plus importants et donc nous avons décidé d'adopter ce décret", a ajouté M. Marghani, initiateur du texte.

 

"Cette loi était attendue par des milliers de femmes en Libye. Nous espérons maintenant qu'elle inspirera d'autres pays dans le monde", s'est félicitée Souhayr Belhassan, présidente d'honneur de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), parlant d'une "première mondiale". "La société civile et la FIDH continueront à appeler le Parlement libyen à assumer ses responsabilités envers les victimes en adoptant le texte sous forme de loi", a-t-elle ajouté dans un communiqué. M. Marghani a précisé que le décret était entré en vigueur dès son adoption mercredi.

 

Le régime de Mouammar Kadhafi est accusé d'avoir utilisé le viol "comme une arme" contre la rébellion, lors du conflit de 2011 qui a renversé le dictateur tué en octobre 2011. Le 12 septembre 2011, le site de la chaîne qatarie al-Jazeera avait rapporté que l'ex-dirigeant libyen aurait émis un message sur une station de radio de Bani Walid acquise à sa cause, dans lequel il promettait aux habitants "les plus jolies filles" de la ville, en guise de récompense s'ils parvenaient à résister aux assauts des rebelles.

La plupart des violences sexuelles auraient été commises à Misrata (ouest) durant les semaines de combats qui furent parmi les plus sanglantes du soulèvement. Mais jusqu'à présent, aucune enquête n'a pu être menée sur les cas de viols, un sujet tabou en Libye sur lequel les victimes refusent de s'exprimer.

"Le décret protège les victimes et leur permettra ainsi de témoigner, ce qui nous aidera à recenser les cas", a indiqué M. Marghani.

 

Lors d'une conférence organisée le 2 juillet 2013 par la présidente du Parlement italien Laura Boldrini, une Libyenne avait livré un témoignage terrifiant au sujet de ces violences sexuelles. Cette militante de la révolution avait été arrêtée le 20 juin 2011, avec deux camarades. Elle seule sera détenue, ses amies n'étant pas mariées. "Elle avait été transférée dans une prison, où elle passera deux mois, toujours nue, comme les 80 autres femmes dont on avait confisqué les vêtements. Elle y subira des décharges électriques sur tout le corps, des brûlures, toutes sortes de tortures sexuelles et sera constamment violée, les mains attachées par des cordes accrochées au plafond", rapporte Annick Cojean, dans un article du Monde daté du 14 novembre 2013. "Personne ne me rendra ce que j'ai perdu. Mais je veux qu'on me reconnaisse comme une victime de guerre et pas comme +une traînée qui n'avait qu'à rester chez elle+, comme certains me l'ont dit. Je veux que justice soit faite et mes bourreaux condamnés", avait déclaré cette Libyenne qui témoignait sous anonymat.

 

Depuis 2008, le viol est catégorisé comme une "tactique de guerre" par le Conseil de sécurité des Nations unies. Cette "arme de guerre" a été notamment utilisée dans les Balkans, au Sri Lanka, au Rwanda pendant le génocide (entre 250.000 et 500.000 victimes de viols, surtout Tutsies, selon différentes associations d'aide humanitaire), ou encore en République démocratique du Congo. En novembre dernier, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme indiquait dans une étude que, dans le cadre de la guerre en Syrie, de nombreuses femmes ont été violées en prison, utilisées comme boucliers humains et enlevées pour faire pression et humilier leur famille.

 

Lire aussi

Le viol, arme « psychique » de destruction massive...

Torture, viol, détention... L'Onu dénonce les graves abus commis contre les enfants syriens

"Viols de guerre": Angelina Jolie appelle le Conseil de sécurité à l'action

Depuis 2011, des Libyennes manifestent afin que les autorités reconnaissent les milliers de viols perpétrés pendant la révolution. A plusieurs reprises, ces dernières années, des femmes ont osé manifester, sur la place des Martyrs à Tripoli ou devant le Congrès général national (CGN, parlement), brandissant leurs pancartes contre le viol des femmes, un sujet tabou au sein de la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut