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Liban - Droits de l’enfant

Abus sexuels contre les enfants : des unités de protection créées au sein de certaines écoles

Au cours de la dernière décennie, de plus en plus de cas d'abus sexuels contre des enfants sont dénoncés. Pour créer un environnement sûr aux élèves, certains établissements scolaires se dotent d'une charte et d'une unité de protection de l'enfant.

Roula Lebbos animant une session d’initiation aux différentes formes d’abus dont pourrait être victime un enfant.

Au printemps 2012, l'affaire d'un enseignant de 23 ans ayant commis des actes pédophiles sur cinq fillettes âgées entre 8 et 9 ans avait secoué le pays et occupé pendant plusieurs jours les médias. L'enseignant a été arrêté et renvoyé de l'établissement scolaire, et les enfants ont reçu une aide psychologique. À l'époque, l'affaire a pu être dévoilée parce que certaines fillettes, victimes de ces abus, avaient eu le courage d'en parler.


« Un enfant maltraité donne toujours des signaux, mais l'adulte doit être assez vigilant pour savoir les détecter », affirme Roula Lebbos, experte en matière de protection juvénile.
Forte d'une expérience de quatorze ans dans le domaine de la justice juvénile au sein de l'Union pour la protection de l'enfance (UPEL), dont huit en tant que directrice du bureau du Mont-Liban, Roula Lebbos a lancé en 2010 un projet visant la création d'une unité pour la protection de l'enfant et l'élaboration d'une charte pour la protection de l'enfance dans les écoles. Des agents de protection de l'enfant seront formés dans ce cadre.
Roula Lebbos explique que son travail au sein de l'UPEL lui a permis de « constater le grand besoin ressenti dans ce domaine ». « J'ai eu à traiter avec de nombreux cas d'abus sexuels signalés dans des écoles, poursuit-elle. Le problème, c'est que les établissements n'ont pas un système de référence clair. Nombre d'entre eux ignorent la procédure à suivre pour signaler un cas ou l'orienter. »


Le projet lancé par Roula Lebbos s'articule autour de plusieurs axes. Le corps professoral de l'établissement concerné est ainsi initié, dans le cadre d'une formation de quelques jours, aux chartes et lois nationales et internationales sur les droits de l'enfant, aux facteurs de base du développement d'un enfant, à ses besoins, etc. De plus, un exposé est donné sur les différents types de violence, ainsi que sur les manières de détecter et de signaler un abus, de protéger l'école et l'enfant.


Une formation est également organisée à l'intention de l'équipe administrative et de toute personne en contact avec l'enfant : infirmières, stagiaires, chauffeurs de bus... « J'interviens aussi auprès des parents et des élèves pour les initier aux droits et aux responsabilités de l'enfant, à la loi juvénile 422, etc., ajoute Roula Lebbos. Je travaille aussi avec les enfants sur le bon et le mauvais toucher, le bon et le mauvais secret, la manière de faire la différence entre une bonne et une mauvaise attitude de la part d'un adulte. Avec les plus âgés, je travaille sur les risques de l'Internet, la violence... Le but est de fournir à l'enfant les outils nécessaires pour qu'il sache se défendre. Par ailleurs, il est important que l'enfant soit sécurisé en sachant qu'il est protégé au sein de son école. »

 

Une charte de protection
Ce travail de formation est couronné par la rédaction d'une charte pour la protection de l'enfant. « Celle-ci compte de grands titres communs à tous les établissements scolaires, auxquels s'ajoutent des clauses conformes aux spécificités de chacun d'entre eux, précise Roula Lebbos. La charte comprend aussi des annexes au nombre desquelles figure notamment un code de conduite avec des directives sur les comportements et attitudes acceptables et ceux qui doivent être rejetés. Des mesures, signalées également dans la charte, sont prises au cas où ce code est violé. Je collabore avec l'équipe enseignante pour élaborer la charte en fonction des attentes de chaque école. » Au terme de ce projet, une unité pour la protection de l'enfant est formée avec des officiers de protection qui ont pour mission de veiller à la bonne application de la charte.
Ce projet a déjà été introduit dans quatre écoles : Broummana High School, Notre-Dame de la Délivrance – sœurs dominicaines, Collège Saint-Joseph Antoura et Collège des frères maristes – Champville.


Comme les pédophiles se posent en tant que protecteurs de l'enfant, comment l'établissement scolaire peut être sûr qu'il a fait un bon recrutement ?
« Au fait, c'est cette unité de protection qui va éloigner les pédophiles, assure Roula Lebbos. Les pédophiles avouent s'introduire dans les écoles qui ne se sont pas munies d'un système de protection solide ou de telles chartes et unités, parce qu'elles sont fragiles sur ce plan. Il faut savoir que le code de conduite doit être signé par tous les employés. Un pédophile réfléchira deux fois avant de le faire. »

 

Un besoin urgent
Quelle est l'importance de telles stratégies ? « Il s'est avéré que c'est un besoin urgent dans notre société, répond Roula Lebbos. Au Liban, on œuvre beaucoup pour éduquer l'enfant, mais on néglige sa protection. Or l'école n'est pas uniquement un endroit où l'enfant acquiert des connaissances. C'est un milieu dans lequel il grandit et se développe sur les plans psychologique, physique, intellectuel, cognitif... Par conséquent, une maltraitance, quelle qu'elle soit, peut affecter ses résultats scolaires. L'enfant doit donc être pris dans sa totalité. »
Et Roula Lebbos de poursuivre : « J'essaie dans le cadre de ce projet de renforcer le rôle des psychologues dans les écoles et de les pousser à travailler avec les enseignants pour trouver des moyens alternatifs à la violence, susceptibles de les aider à maîtriser une classe ou un enfant difficile. Le but est d'avoir des enfants et des professeurs épanouis. »
Roula Lebbos explique dans ce cadre que lors de ses entretiens avec les enseignants, beaucoup d'entre eux ont dénoncé « l'attitude de nombreux parents qui semblent avoir démissionné de leur rôle et rejettent toute la responsabilité sur l'établissement ». « Il faut donc renforcer de nouveau le rôle des parents, poursuit-elle, mais aussi celui des enseignants. Certains parents estiment que du fait qu'ils paient la scolarité, les enseignants sont des employés qui doivent satisfaire les desideratas des enfants. Il faut enfin travailler sur le respect mutuel entre l'enseignant et l'élève. »

 

Un problème en expansion
Quelle est l'ampleur du problème de l'abus sexuel au Liban ? « Au cours de la dernière décennie, de plus en plus de cas d'abus sexuels contre des enfants sont dénoncés, indique Roula Lebbos. Désormais, on est plus conscient du problème et on en parle plus ouvertement, en raison notamment du travail fait sur le terrain par les associations. Cela ne veut pas pour autant dire que le problème n'existait pas, mais le tabou commence à être brisé. Il n'en reste pas moins que les cas signalés ne constituent que la pointe de l'iceberg. La majorité des cas sont encore tus parce que les enfants ont du mal à en parler. Malheureusement, au Liban, nous n'arrivons pas à détecter ces cas. Beaucoup de cas d'abus ne sont pas signalés à la justice, d'autant que de nombreuses personnes ignorent qu'il existe un tribunal juvénile auquel elles doivent avoir recours. Mais ce qui est grave, c'est que certaines associations qui s'occupent d'enfants travaillent dans leur propre intérêt et préfèrent parfois refuser un cas pour ne pas avoir à le signaler au tribunal juvénile. Or sans ce signalement, on ne peut pas mettre fin à un abus. »

 

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