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Nos Lecteurs ont la Parole - Jean-Pierre Nicolas KHOURI

II.- Réflexions sur le communautarisme

Cette manière de voir les choses aurait pu représenter un sujet de réflexion utile pour ceux de nos dirigeants qui avaient la tâche de nous gouverner. Aujourd'hui, elle apparaîtrait peut-être un peu tardive (voir L'Orient-Le Jour du mercredi 5 février 2014).
Car le choc de la guerre, les transferts de populations, l'émigration ont détruit pour longtemps la dualité rurale-urbaine qui est à reconstituer. En contrepartie, elle a favorisé chez les chrétiens comme chez les musulmans un mélange urbano-rural dont les effets peuvent être désastreux, le rural tentant de phagocyter l'urbain et l'urbain cherchant à pervertir le rural. C'est le cas de la banlieue sud de Beyrouth et dans un tout autre registre les thèmes et représentations des feuilletons télévisés libanais, très éloquent en la matière.
Ce genre d'anthropologie, que plus d'un membre influent de la société présente comme relevant de la tolérance, détruit la dualité, ne laissant subsister dans l'espace politique que les antagonismes. Cet état de choses a un effet régressif sur la société ne permettant pas aux jeunes de mûrir leur identité nationale. À ce jeu-là, le moins qu'on puisse attendre, c'est de le voir déboucher sur un totalitarisme bicéphale, hermétique à toute intervention sociologique.
Dans ce contexte, l'attitude de l'Occident a-t-elle eu un impact sur le Liban? Il est à remarquer que la fin des Trente Glorieuses(1) a coïncidé avec le début des troubles au Liban. Sans faire l'historique de la question, disons que les Arabes, s'étant honorablement tirés dans la guerre d'octobre, ont décidé de poursuivre la confrontation avec l'Occident à travers une guerre économique: la guerre du pétrole. Les Occidentaux ont relevé le défi en portant au pouvoir des hommes fortement motivés pour l'économie mais manquant de la pugnacité nécessaire dans ce genre de situation, comme le président Valéry Giscard d'Estaing et le Premier ministre Raymond Barre pour la France. Ils ne pouvaient gérer la crise que selon leur propre point de vue. Cela explique la raison pour laquelle l'Occident s'est montré, pour le moins qu'on puisse dire, sourd aux appels du Liban. Remarquons par contre que la Méditerranée, négligée par le passé, a été introduite par le président Sarkozy comme une nécessité pour le dialogue sans que cela n'ait eu, jusqu'à présent à tout le moins, de conséquences palpables.
Cela dit, si nous désirons soustraire le Liban aux multiples convulsions que connaît le Moyen-Orient, sur le court et peut-être le long terme, il faut s'attacher à conforter sa cohésion sociale et sa cohésion territoriale. Il importe alors de mettre en évidence les liens matérialisant ces cohésions. Le niveau de cohésion sociale permet de favoriser les synergies des organisations et la qualité de vie des membres de ces sociétés si les relations sociales sont vécues positivement. Ainsi, les ruraux maronites et chiites pourraient se retrouver autour de liens écologiques et agricoles sous la tutelle d'un pacte de solidarité écologique ainsi que d'une politique agricole propre à harmoniser et complémentariser les deux parties et financer leur développement, eu égard aux risques climatologiques en particulier. Pour les urbains, les liens seront établis au niveau économique. Compétitivité commerciale et dynamisme dans les affaires, prospérité du secteur bancaire sont propres à doter les urbains d'une capacité de financement.
Une fois atteint un niveau de cohésion sociale suffisant, l'action devra s'orienter vers le côté territorial. Des projet communs devront être réalisés et leur financement
assumé par les urbains. L'État étant alors perçu comme une nécessité plaçant tous les Libanais sous la même bannière. Certes, on pourra toujours dire que le droit administratif libanais doit évoluer. En fait, ce qui en rejaillit sur le problème que nous traitons, c'est la notion de recomposition territoriale. Ainsi, les pouvoirs locaux doivent être réaménagés pour faire face aux exigences de la cohésion territoriale ou, pour nous exprimer de façon allégorique, le ministère de l'Intérieur serait le chef d'orchestre et les municipalités les exécutants. Attention aux fausses notes!
Les considérations précédentes et les changements mentaux et sociaux qui auront été accomplis rendront la société apte à induire un développement où les valeurs républicaines seraient présentes.
Disons donc en guise de conclusion que si la qualité de citoyen réside dans la prise en compte de l'intérêt collectif, cet intérêt collectif ne pourra avoir qu'un seul garant: l'État.

Jean-Pierre Nicolas KHOURI

(1) Les Trente Glorieuses représentent la période de 1945-1975 où l'Occident a connu une croissance inégalée jusqu'alors.

 

Cette manière de voir les choses aurait pu représenter un sujet de réflexion utile pour ceux de nos dirigeants qui avaient la tâche de nous gouverner. Aujourd'hui, elle apparaîtrait peut-être un peu tardive (voir L'Orient-Le Jour du mercredi 5 février 2014).Car le choc de la guerre, les transferts de populations, l'émigration ont détruit pour longtemps la dualité rurale-urbaine qui est...

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