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Culture - La bonne nouvelle du lundi

En mars, les lucioles de Beyrouth éclaireront Brest

Coupures d'électricité, crise économique, malaise social, clivages politiques accrus, tensions communautaires, attentats... Face à l'ambiance générale quelque peu délétère, « L'Orient-Le Jour » se lance un défi : trouver une bonne nouvelle chaque lundi.

« Entretemps 2 ». Photo Greg Demarque

En 1975, Pier Paolo Pasolini avait annoncé la disparition des lucioles, pensées comme les lueurs survivantes des contre-pouvoirs face aux puissantes lumières du pouvoir. Un constat pour le moins pessimiste que le philosophe français Georges Didi-Huberman récuse : les lucioles ont survécu ; pour les voir, il faut juste être à la bonne place ; pour les voir, il faut simplement chercher ailleurs.


La chorégraphe libanaise Yalda Younès a trouvé ses lucioles en les personnes de Nancy Naous, Alexandre Paulikevitch, Danya Hammoud, Maurice Louca, Khouloud Yassine, l'Alif Ensemble, Rania Stephan et Tanya Traboulsi. Ces lucioles éclaireront, en mars prochain, le festival de danse contemporaine DansFabrik à Brest, en France. Yalda Younès est curatrice du volet libanais de ce festival. Si elle a choisi ces Libanais-là, c'est parce qu'« ils ne font pas de compromis dans leur travail et ils ne sont pas encore dévorés par l'industrie du spectacle », explique la chorégraphe.


« Les gros projecteurs, ceux des chaînes de télévision ou des pays du Golfe qui s'accaparent les artistes avec leur argent, éblouissent les lucioles et nous éblouissent, mais ces êtres qui émettent des lueurs et résistent au pouvoir existent si on scrute le fond de la nuit », poursuit la chorégraphe, qui explique avoir trouvé intéressant de faire la comparaison avec le milieu artistique de Beyrouth. « La ville est traversée d'un contre-courant d'êtres qui cherchent, qui vibrent, qui résonnent et qui se retrouvent grâce aux lueurs qu'ils émettent. Car, au Liban, l'artiste est seul, complètement. Il n'a aucun statut. Il n'y a ni formations ni subventions à la création. Un théâtre se loue comme un restaurant. L'artiste, complètement livré à lui-même, doit tout faire, du début à la fin et paie de sa poche pour monter un spectacle », poursuit la danseuse de 36 ans, partie « à la recherche de ces artistes qui arrivent à créer malgré tout ». « Je veux montrer comment ils arrivent à vivre, par pour susciter la pitié, mais pour mettre en valeur leur ingéniosité. Et montrer que d'un endroit faible et fragile peuvent naître des créations très fortes », dit-elle encore.


Ces lucioles libanaises vont donc briller à Brest, le temps du festival DansFabrik organisé par le Quartz de Brest, une des trois plus importantes scènes nationales de France.
C'est Matthieu Banvillet, le directeur de Quartz avec qui la danseuse éprouve une grande affinité artistique, qui a chargé Yalda Younès de « défricher les terres fécondes de l'art chorégraphique de son pays d'origine, celui qui se construit en marge des institutions ».


Le festival, qui en est à sa troisième édition, s'ouvre chaque année sur une région du monde. Après les Balkans et l'Allemagne, c'est donc au tour du Liban, ou plutôt des artistes libanais, d'être à l'honneur.
« Participer à ce festival est très important pour donner une reconnaissance à ces artistes et à leur travail, et pas au Liban », explique Yalda Younès qui considère qu'une fois qu'un Libanais obtient une reconnaissance à l'étranger, « la fierté nationale prend le dessus sans considération pour les propositions artistiques elles-mêmes ».
Alors la danseuse, qui collabore souvent avec Israel Galván, chef de file de la nouvelle vague flamenca, a pris sa mission à contre-pied. Pour dissoudre cette nationalité et parce que Beyrouth est une ville cosmopolite, elle a inclus dans sa programmation des artistes non libanais, comme l'Égyptien Maurice Louca et certains membres de l'Alif Ensemble (Liban, Palestine, Égypte, Irak), qui donneront chacun un concert. Et parce qu'elle trouve dommage de cloisonner les arts, elle a également invité des danseurs, une photographe, une vidéaste et des musiciens.


Ainsi, Danya Hammoud présentera deux pièces, Mahalli, une performance où le corps est pris entre le dilemme de la résistance et de la résignation, et Mes mains sont plus âgées que moi, dans laquelle elle explore le thème de la violence. Avec These Shoes Are Made For Walking (Ces chaussures sont faites pour marcher), Nancy Naous aborde les soubresauts d'un monde arabe chamboulé. Khouloud Yassine se penche, elle, sur le rythme comme essence du mouvement avec Entretemps2 et proposera sa vision de l'amour dans Le silence de l'abandon, en utilisant... ses yeux.
Le danseur « baladi » Alexandre Paulikevitch dévoilera dans Tajwal la relation du corps à la ville. Enfin, Tanya Traboulsi exposera sa série photographique intitulée Home et le film de Rania Stephan, Les trois disparitions de Soad Hosni, une œuvre entre fiction et documentaire consacrée à la « cendrillon du cinéma arabe », sera projeté. Tout un programme !

 

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En 1975, Pier Paolo Pasolini avait annoncé la disparition des lucioles, pensées comme les lueurs survivantes des contre-pouvoirs face aux puissantes lumières du pouvoir. Un constat pour le moins pessimiste que le philosophe français Georges Didi-Huberman récuse : les lucioles ont survécu ; pour les voir, il faut juste être à la bonne place ; pour les voir, il faut simplement chercher...

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