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Liban - Réforme

À la Maison de l’avocat, les effets juridiques du mariage civil au Liban se précisent

 « Vous avez pris notre parti sur le chemin de l'état civil », a lancé Khouloud Succariyé au juge Marwan Karkabé, qui préside le Haut Conseil consultatif, lors d'une conférence organisée par l'association Youth for Development.

Vue d’ensemble des intervenants : de droite à gauche, l’avocate Zeina Obeid, cofondatrice de Youth for Development, le juge Sami Mansour, le bâtonnier Georges Jreige, le juge Marwan Karkabé et le notaire Joseph Béchara.

Le précédent du contrat de mariage civil conclu au Liban en novembre 2012 par Khouloud et Nidal, et sa validation par les ministères de l'Intérieur et de la Justice après l'avis favorable du Haut Conseil consultatif affilié au ministère de la Justice, a consacré au Liban l'option de pouvoir conclure un mariage civil. En l'absence d'un code commun relatif au statut personnel, les effets du contrat ainsi conclu au Liban sont définis par la loi civile étrangère que choisirait le couple. Non seulement plusieurs Libanais, mais aussi des étrangers, ont déjà conclu un contrat de cette nature depuis sa légalisation.
Ce sont ces constantes relatives aux effets juridiques du mariage civil conclu au Liban qui ont été dégagées lors de la conférence organisée sur ce thème à la Maison de l'avocat, à l'initiative de la jeune association Youth for Development, et de sa cofondatrice, l'avocate stagiaire Zeina Obeid.

 

L'enthousiasme civil
Plusieurs zones d'ombre persistent néanmoins, d'autant que le contrat civil de mariage doit être précédé de l'annulation de la mention de la confession sur l'extrait d'état civil. Cette condition préalable a nourri un scepticisme chez certains vétérans de la société civile, qui ont vu dans la validation du contrat de mariage civil local un pas vers l'instauration de la confession laïque, prévue par l'arrêté n° 60 LR de 1936, mais non vers l'élaboration d'une loi unifiée sur le statut personnel.


Mais s'il est un constat certain qui s'est dégagé de la conférence, c'est l'enthousiasme d'une salle comble, où jeunes et moins jeunes, juristes, politiques et chercheurs, multipliaient les questions sur les aboutissements pratiques de l'alliance civile, confiants que le processus d'édification d'un état civil a déjà été amorcé. « Le Haut Conseil consultatif a reconnu un droit aux citoyens », a souligné Khouloud Succariyé Darwiche, présente avec son mari Nidal dans l'audience. « Vous avez pris notre parti sur le chemin de l'état civil », a-t-elle ajouté, se tournant vers le juge Marwan Karkabé, qui préside ce conseil.


Intervenant à la conférence, ce dernier a valorisé l'importance de l'avis consultatif, qui a « couronné dix ans de lutte pour le mariage civil au Liban ». Résumant l'esprit de cet avis, le magistrat a souligné que « la juridiction civile est la juridiction de droit commun en la matière ». Écartant toute approche de confrontation avec les tribunaux chériés ou religieux, il a fait remarquer qu'en Italie, « un mariage religieux peut être doublé d'un mariage civil, le prêtre étant mandaté d'authentifier en même temps un mariage civil ».

 

Le raisonnement du notaire Béchara
Si le juge Sami Mansour, ancien directeur de l'École d'études judiciaires, a décrit le caractère naturel et évident de consacrer l'option d'un mariage civil au Liban, il n'a pas manqué néanmoins de souligner « la nécessité d'un support légal pour encadrer cette percée ».
À cet égard, le bâtonnier Georges Jreige, parrainant la conférence, a réaffirmé, avec une détermination remarquée, « la tradition de l'ordre des avocats en faveur d'un état civil ».
La conclusion du premier mariage civil a été soutenu inéluctablement par une profonde maîtrise des nuances juridiques. « L'audace, alliée à un maniement de la science juridique par le notaire Joseph Béchara qui a scellé le premier contrat de mariage civil au Liban aurait permis cette réforme », comme l'a relevé l'avocat Fadi Barakat, membre du conseil de l'ordre.


Intervenant à la conférence, Joseph Béchara a exposé le raisonnement qu'il a suivi pour justifier sa compétence à officialiser le contrat de mariage civil entre Khouloud et Nidal. Il a rappelé d'abord le principe selon lequel « un notaire est chargé d'authentifier tous les documents non interdits par la loi et qui ne relèvent pas des compétences exclusives d'un autre fonctionnaire public ». Seuls ces deux cas sont donc susceptibles d'ôter au notaire sa compétence d'authentifier le contrat de mariage civil. Joseph Béchara s'est donc affairé à prouver leur inapplicabilité au cas de ce contrat. D'une part, « aucun texte ne prévoit l'authentification de ce contrat ni ne l'intègre à la compétence d'un autre fonctionnaire » et, d'autre part, et c'est là le nœud intéressant, « rien dans les textes n'interdit pareil acte ». La démonstration de ce dernier point se fonde sur les textes (la Constitution, qui consacre l'égalité et qualifie « d'absolue » la liberté de croyance ; la Charte universelle des droits de l'homme; et surtout l'arrêté n° 60 LR de 1936, qui prévoit trois catégories de communautés, la troisième étant « la confession de ceux n'appartenant à aucune confession et qui sont soumis à la législation civile sur le statut personnel, sans possibilité de transfert devant une autorité religieuse »).

Joseph Béchara en a ainsi conclu que le contrat civil de mariage, conclu entre deux personnes ayant rayé leur appartenance confessionnelle de l'extrait d'état civil, « relève d'office de la compétence des autorités civiles ». Vérifiant ensuite le « consentement des parties au contrat », exigé par le code de procédure civile, et les conditions de forme générales s'appliquant aux actes contractuels, il a authentifié le mariage de Nidal et Khouloud, et celui de deux étrangers dix mois plus tard.


L'avocate Zeina Obeid avait d'ailleurs posé entre autres la question de savoir si « le consentement des parties, ou leur volonté, suffit en soi à dissiper les entraves que risquerait d'entraîner le système confessionnel qui continue de régir les statuts personnels ». Si les intervenants y ont répondu avec optimisme, démonstration à l'appui, certaines questions posées dans l'audience ont dégagé certaines zones encore inexplorées, propices à une réforme encore plus acerbe : « Le code pénal ne sanctionnant pas l'homosexualité féminine, serait-il possible pour deux femmes, ayant rayé la mention confessionnelle, de conclure au Liban un contrat civil de mariage ? »

 

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