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Moyen Orient et Monde - Reportage

« La réalité, c’est celle de l’inégalité scolaire en Turquie »

Les écoles privées, menacées de fermeture, se défendent face au gouvernement.

« La réalité, c'est celle de l'inégalité scolaire en Turquie » : fier de diriger une école privée de cours de soutien et d'aider les élèves de classe moyenne, Necmi Aras ne comprend pas les raisons qui poussent le gouvernement à vouloir fermer les dershane. « Les riches peuvent payer des cours particuliers à domicile, envoyer leurs enfants dans des écoles à l'étranger, les inscrire dans les meilleurs établissements », énumère M. Aras, 40 ans, directeur de l'un de ces établissements voués à être supprimés d'ici à 2015. « Pour les autres, reste nos dershane : le seul moyen en Turquie de pallier aux disparités » sociales.


À quelques pas de la place Taksim, dans une rue bordée de bars et d'établissements nocturnes, Fem Dershane accueille dans un décor flambant neuf près de 800 élèves, qui se préparent aux examens d'entrée à l'université. Ce samedi matin, l'angoisse se lit sur tous les visages : l'école a organisé un concours blanc. « Les filles, vous êtes séparées des garçons pour l'examen, allez au 4e étage », lance un des responsables pédagogiques à des lycéennes au regard médusé. Le concours national d'entrée dans les universités turques est déterminant pour les lycéens, car si leurs résultats ne sont pas satisfaisants, ils peuvent être envoyés dans des universités où ils ne désirent pas étudier et très probablement dans une discipline qu'ils n'ont pas choisie.

Au cours des 30 dernières années, les établissements de préparation pour ces examens se sont massivement développés, chaque famille estimant qu'il faut y passer pour réussir. Les quelque 3 800 établissements scolaires, réputés proches de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, représenteraient pour cette organisation une manne financière. Le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP) a annoncé en novembre un projet controversé de fermer ces écoles. La nouvelle n'a pas manqué de mettre le feu au poudre entre le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et la confrérie. Influente dans la police et la magistrature turques, la puissante organisation est accusée d'être à l'origine du « complot », dans une allusion à l'affaire de corruption et de malversations qui ébranle le gouvernement islamo-conservateur depuis plus de deux semaines.

 

Ai-je l'air d'un imam ?
Moyennant 2 500 livres turques (900 euros environ), les élèves suivent en moyenne 12 heures de cours particuliers ou en groupe, le soir et les week-ends. Une somme que le directeur de Fem Dershane juge dérisoire par rapport aux « 20 000 livres déboursées pour des cours de soutien privés ». « C'est irréel et mensonger de penser que nous pouvons financer la confrérie compte tenu de notre budget de fonctionnement », explique M. Aras. « La confrérie ne dirige pas cet établissement », assure-t-il, même si « dans ces écoles, il va de soi que nous apprécions la pensée de notre prédicateur Fethullah Gülen ». Aucun cours de religion n'est dispensé dans ces écoles. « Regardez-moi, ai-je l'air d'un imam ou d'un radical religieux ? », demande amusé le directeur vêtu d'un costume. Grâce à « la rigueur et la qualité de l'enseignement dispensés », en comparaison avec les lacunes et inégalités du système éducatif sur tout le territoire, ces écoles attirent de nombreux élèves, affirme-t-il.


Les soutiens de ces écoles critiquent le projet de fermeture pris par le gouvernement sans concertation aucune, selon eux. « Fermer les dershane ne sera pas une solution », plaide M. Aras. « Tant que des inégalités de moyens persisteront entre les écoles du pays, nous aurons vocation à exister. »
La crainte des parents semble très réelle. « Je ne touche que le salaire minimum », explique une mère souhaitant garder l'anonymat et qui confesse « faire des économies à tous les niveaux pour que (son) enfant bénéficie de ces cours. Compte tenu du mauvais niveau des écoles publiques, nous n'avions pas d'autres choix », explique la quinquagénaire voilée, convaincue de l'efficacité des ces établissements payants. « Le gouvernement devrait prendre exemple sur ce qui se fait dans ces dershane », dit-elle.

« La réalité, c'est celle de l'inégalité scolaire en Turquie » : fier de diriger une école privée de cours de soutien et d'aider les élèves de classe moyenne, Necmi Aras ne comprend pas les raisons qui poussent le gouvernement à vouloir fermer les dershane. « Les riches peuvent payer des cours particuliers à domicile, envoyer leurs enfants dans des écoles à l'étranger, les...

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