Rechercher
Rechercher

Santé

Vaccins de pointe

Wayne C. Koff est vice-président principal et directeur scientifique de l’initiative internationale de vaccin contre le sida.

L'invention des vaccins compte parmi les plus grandes réussites de l'histoire de la santé publique et individuelle. Ils ont permis d'éliminer de la surface de la planète des fléaux comme la variole. Ils sont sur le point d'éliminer la poliomyélite et, chaque année, ils sauvent la vie de millions de personnes, réduisant les souffrances et les coûts causés par des maladies infectieuses.
Mais il reste un grand nombre de maladies pour lesquelles des vaccins n'existent pas encore. De plus, il est peu probable que les stratégies, qui ont précédemment permis la mise au point de vaccins, puissent fonctionner contre des bactéries ou des virus plus complexes, comme le VIH, ayant développé des mécanismes multiples pour échapper au système immunitaire.
Dans l'histoire de la vaccinologie, les progrès biomédicaux et technologiques pourraient marquer la « prochaine génération » de vaccins. Dans les années 1950, une percée permettant de faire croître des virus dans des cultures tissulaires a permis la mise au point de vaccins vivants atténués et des vaccins inactivés contre la rougeole, la poliomyélite et d'autres maladies. Dans les années 1980, la technologie de recombinaison de l'ADN a mené à la mise au point de vaccins contre l'hépatite B et le virus du papillome humain.
Au tournant du siècle, le premier séquençage du génome humain a mené à une « vaccinologie inverse ». Cette méthodologie utilise l'analyse informatique du génome d'un élément pathogène et rend maintenant possible le dépistage d'un plus grand nombre de cibles potentielles de vaccins. Elle a notamment servi à la mise au point d'un vaccin efficace contre la méningite B.
La dernière décennie a été un terreau fertile pour des avancées majeures dans la mise au point de vaccins basés sur la biologie structurale, la biologie synthétique, la biologie systémique et l'étude du système immunitaire. La concrétisation de ces avancées par des vaccins de la prochaine génération continue toutefois d'être entravée par le manque de connaissances sur les réactions du système immunitaire humain qui protège contre des bactéries, des virus ou des parasites spécifiques.
C'est la raison pour laquelle, huit collègues et moi, avons proposé la fondation d'une nouvelle initiative de recherche clinique fondée sur l'immunologie humaine baptisé le « Human Vaccines Project » ou « Projet des vaccins humains ». En février 2014, des scientifiques de renommée et des spécialistes de santé publique se réuniront à La Jolla en Californie, pour élaborer un plan de recherche scientifique visant à évaluer les principaux obstacles actuels à la mise au point de vaccins contre des maladies comme le sida, la tuberculose et le paludisme. Ils tenteront également d'établir les priorités et, plus important encore, de trouver des pistes de solution.
Un tel projet représente un changement de paradigme dans la recherche de vaccins. Le processus actuel est de longue haleine et s'étend parfois sur plusieurs décennies, du concept à la délivrance du brevet. Il a peu de chance de réussir, en raison de la limitation de l'utilisation des cobayes animaux pour prédire la réaction immunitaire et l'efficacité chez l'homme. Il est aussi coûteux, exigeant l'investissement de centaines de millions de dollars pour la création d'un seul vaccin.
Prenons en considération les faits suivants : au cours des dernières années, un grand nombre de vaccins expérimentaux contre le VIH, la dengue, l'herpès, la tuberculose et le staphylocoque doré ont échoué, coûtant plus d'un milliard de dollars. Au cours de la prochaine décennie, un tel investissement, dans le cadre d'une initiative coordonnée pour faire face aux obstacles entravant la création de vaccins, pourrait rapidement accélérer le processus de recherche de solutions concrètes. Cela aura des effets transformateurs sur la santé publique et
individuelle.
Le VIH représente probablement le plus grand défi, car le virus utilise sa grande variabilité génétique pour se cacher du système immunitaire. Grâce à des progrès récents, des chercheurs ont toutefois réussi à déceler des régions fortement conservées de ce virus mutant. Ils ont pu déterminer leur structure moléculaire et ils ont commencé à concevoir des vaccins de prochaine génération capables de susciter des anticorps qui ciblent ces régions dans le but d'empêcher l'infection à VIH. Mais la création d'un vaccin contre le VIH, ou contre plusieurs autres maladies, est encore limitée, vu que les essais sur les animaux ne peuvent pas trop nous renseigner sur les moyens de susciter les réactions immunitaires nécessaires chez l'homme.
Deux développements récents pourraient accélérer la création de vaccins et réduire radicalement les coûts. En biologie synthétique, la conception rapide de vaccins à acide nucléique signifie que plusieurs vaccins expérimentaux peuvent progresser rapidement du concept aux essais cliniques. En biologie des systèmes, des technologies hautement productives ont augmenté le nombre de paramètres génétiques et immunologiques évalués dans les essais cliniques. Cette méthodologie a permis de prédire l'efficacité des vaccins expérimentaux de nouvelle génération contre la fièvre jaune et la grippe dans les premiers jours d'immunisation, par rapport aux délais habituels en mois ou en années.
Chaque année, les vaccins sauvent déjà les vies de deux à trois millions de personnes, évitent la souffrance humaine, allègent le fardeau placé sur les systèmes de santé et favorisent un progrès économique et social plus rapide. Les modèles montrent que, même partiellement efficace, l'ajout d'un vaccin contre le sida à l'arsenal actuel de procédures de prévention et de traitement pourrait grandement réduire le taux d'infection par le VIH.
Comme l'a récemment écrit le lauréat du prix Nobel de la paix Desmond Tutu, l'un des grands militants au sein de la campagne mondiale contre le VIH et le sida : « Nous devons profiter de la majorité des progrès scientifiques réalisés au cours des dernières cinquante années. Ces avancées ont fait que les vaccins développés contre d'autres maladies curables soient l'investissement le plus puissant et le plus rentable en matière de santé publique qui ait jamais eu lieu. »
C'est cette idée qui guide le Human Vaccines Project – un concept que l'on ne pouvait même pas imaginer il y a une décennie. Aujourd'hui, les progrès technologiques observés dans la découverte de vaccins et dans l'étude des systèmes immunitaires nous permettent d'explorer de façon réaliste cette méthode qui changerait complètement la donne en matière de prévention des maladies. Le congrès de février en Californie pourrait bien nous rapprocher à grands pas d'un monde dépourvu de maladies infectieuses débilitantes et mortelles.

© Project Syndicate 2013. Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier.

L'invention des vaccins compte parmi les plus grandes réussites de l'histoire de la santé publique et individuelle. Ils ont permis d'éliminer de la surface de la planète des fléaux comme la variole. Ils sont sur le point d'éliminer la poliomyélite et, chaque année, ils sauvent la vie de millions de personnes, réduisant les souffrances et les coûts causés par des maladies...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut