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Liban - Sécurité

Double attentat « à l’irakienne » contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth

Plus de 24 morts et 147 blessés : tel est le lourd bilan, encore provisoire, du double attentat-suicide qui a visé l’ambassade d’Iran, hier matin, à Bir Hassan, dans le secteur chic de la banlieue sud de Beyrouth.

La rue touchée par le double attentat. Photos Nasser Traboulsi

Des immeubles dévastés. Des balcons effondrés. Des volets déboîtés. Des vitres brisées. Images de désolation d’une rue du quartier cossu de Bir Hassan, dans la banlieue sud de Beyrouth, la rue Mohammad Fakih, appelée communément rue des Ambassades, car elle regroupe les ambassades d’Iran, du Yémen et du Maroc. Une heure trente plus tôt, peu après 9h30, ce quartier résidentiel qui abrite aussi le Golf Club de Beyrouth, la télévision al-Mayadeen et la caserne Henri Chéhab, est secoué par un double attentat-suicide qui vise l’ambassade d’Iran. Les incendies ont déjà été éteints. Les blessés, les morts évacués. Parmi ces derniers, le conseiller culturel de l’ambassade iranienne, cheikh Ibrahim Ansari, qui n’a pas survécu, de même que cinq gardiens de l’ambassade et un technicien d’Ogero, Abdel Nasser Zanit.

 

Une victime est évacuée.REUTERS/Hasan Shaaban


À l’abri des badauds, au sein d’un périmètre de sécurité de plus d’une centaine de mètres, les enquêteurs et experts sont à pied d’œuvre, à la recherche du moindre indice qui leur permettrait d’identifier les coupables. Parmi eux, le juge Sakr Sakr, commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire. L’armée libanaise veille, postée sur des chars aux coins de rue. Les miliciens du Hezbollah aussi, armés jusqu’aux dents, reconnaissables à leurs brassards jaunes. Idem pour les membres des services de sécurité ou de renseignements, massivement présents. Des dizaines d’ambulances de la Croix-Rouge libanaise, de voitures de pompiers, de secouristes sont encore sur les lieux du drame. On n’a pas fini de ramasser les restes humains.
Tout ce monde procède dans le calme. Un calme étrange, entrecoupé de crissements de vitres qu’on balaie ou qu’on brise, pour éviter qu’elles ne fassent davantage de victimes. La presse locale et internationale est à l’affût de la moindre information. Mais les gens sont peu bavards, invités au silence par les membres du Hezbollah, aux aguets.



Deux explosions, deux kamikazes
Assis dans l’enceinte d’un immeuble de grand luxe qui a perdu ses vitres, trois agents de la municipalité de Ghobeiry attendent patiemment. « Nous avons coupé le courant électrique dans le secteur. Nous attendons les ordres », dit l’un d’eux. « Notre tour viendra dès que les enquêteurs auront fini de recueillir les indices et de ramasser les restes humains, dit l’autre. Nous pourrons alors nettoyer la scène. » Petit à petit, les langues se délient. « Nous avons entendu une petite explosion, suivie de tirs nourris. La grosse explosion a eu lieu quelques minutes plus tard. Elle était nettement plus forte », racontent-ils.

 


View Liban : Explosion près de l'ambassade d'Iran à Beyrouth in a larger map


Dans les détails, le premier kamikaze, un homme à moto portant une ceinture d’explosifs, s’est fait exploser à l’entrée de l’ambassade d’Iran. Un véhicule 4x4 le suivait, à distance. Le personnel de sécurité de l’ambassade a alors tiré dans sa direction pour l’empêcher d’avancer. « Mais ils n’ont pas réussi à le neutraliser », constate un entraîneur sportif du Golf Club, venu aux nouvelles. Quelques minutes plus tard, « le véhicule en marche explosait » dans la même zone, une explosion « actionnée par le conducteur ». Des informations confirmées dans la soirée par la direction de l’orientation de l’armée qui a affirmé que la première charge était de 5 kg d’explosifs et la seconde de 50 kg. Quant au véhicule, c’était un 4x4 gris de marque Blazer.
« Cette seconde explosion, très fortement ressentie, a été particulièrement meurtrière », note un des trois agents municipaux. Meurtrière à tel point qu’elle a fait au moins 24 morts et plus de 147 blessés, selon un bilan provisoire. « Elle est la cause de tous les dégâts que vous voyez », observe-t-il, geste à l’appui. Trois immeubles à proximité de l’ambassade, particulièrement touchés, révèlent des dégâts considérables. « Mais la charge n’était pas particulièrement forte, estime-t-il. Autrement, tout le quartier aurait été dévasté. »

 


Peu après l'attentat. Photo Reuters


Les suppositions vont bon train. On assure que la moto n’était qu’une diversion pour permettre à la voiture de pénétrer dans l’enceinte de l’ambassade. Le site Lebanon Debate véhicule de son côté une autre version des faits. Il indique que le premier kamikaze est descendu de son engin pour tenter de pénétrer à pied dans l’enceinte de l’ambassade. C’est alors que le personnel de sécurité de l’ambassade lui a tiré dessus, provoquant la première explosion. La voiture piégée et le deuxième kamikaze ont fait le reste. Mais cette version n’a pas été confirmée officiellement.
Une habitante d’Ouzaï, Reem, accourue sur les lieux « pour prendre des nouvelles de sa fille, pensionnaire au sein d’un établissement éducatif », mais aussi « pour voir », raconte qu’on a retrouvé sur les lieux « le corps démembré d’une femme ». « À cette heure-ci, j’aurais dû nettoyer les vitres d’un appartement où je fais le ménage, à proximité de l’ambassade. Fort heureusement, ma patronne n’avait pas besoin de moi aujourd’hui », dit-elle, heureuse d’être en vie.



Un dispositif sécuritaire allégé
Un autre habitant de Bir Hassan se remémore la scène, raconte les voitures qui brûlaient, la fumée dense, les blessés qu’il a aidés à se relever. « On a retrouvé les restes du kamikaze à un kilomètre du lieu de l’attentat », assure-t-il. Mais il est rapidement invité à se taire par un membre du Hezbollah.


Widad, une habitante de la rue ravagée, est encore sous le choc. « J’habite deux immeubles plus loin que les immeubles dévastés. J’ai cru mourir au moment de la seconde explosion », raconte-t-elle, par téléphone, à L’Orient-Le Jour. Car elle a été éjectée par le souffle vers l’intérieur de sa chambre à coucher. « J’étais à la fenêtre, la première explosion venait de me réveiller, précise-t-elle. Je voyais les gens courir. Les voisins racontaient qu’un missile avait atteint l’ambassade d’Iran. C’est alors qu’a eu lieu la deuxième explosion. »

Cette mère de famille est effondrée. L’image des morts et des blessés la hante. « Heureusement que mes enfants étaient à l’école, dit-elle. Ils n’ont pas vu cette scène d’horreur. Je me suis d’ailleurs gardée de les ramener trop tôt. » Widad est aussi soulagée. Le double attentat aurait pu avoir lieu au moment du ramassage scolaire. Elle était pourtant certaine que son quartier était des plus sécurisés. Un quartier habité à 80 % par des Libanais d’Afrique nantis, « surnommé quartier des Ambassades ». Elle-même et son époux ont quitté l’Afrique où ils étaient établis pour rentrer au Liban. Aujourd’hui, elle a des doutes. « Les ambassades ne devraient-elles pas bénéficier d’une immunité ? »
Elle constate alors le relâchement des mesures de sécurité à l’ambassade d’Iran. Durant la période de Achoura, la route était fermée à la circulation par des barrières. « Récemment, ils ont allégé le dispositif pour permettre aux bus scolaires de circuler, observe-t-elle. La route n’est donc fermée qu’à partir de l’après-midi. Car la rue de l’ambassade d’Iran est incontournable pour les habitants du quartier. C’est dans cette brèche sécuritaire qu’ont choisi de s’engouffrer des terroristes sans foi ni loi, faisant des dizaines de victimes innocentes. »

 

 

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commentaires (4)

ATTENTAT CONDAMNABLE !

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 25, le 21 novembre 2013

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • ATTENTAT CONDAMNABLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 25, le 21 novembre 2013

  • Double attentat « à l’irakienne » qui fait vraiment peur car il inaugure une nouvelle phase du terrorisme qui s'est bien implantée au Liban et qui peut maintenant viser toutes les régions libanaises sans exception . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    11 h 26, le 20 novembre 2013

  • LA BARBARIE exercée en Saine Syrie par ces bääSSdiotistes et leurs Milices affidées d'ici et d'à côté, ont conduit tout droit à cet Œil pour Œil et Dent pour Dent....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 18, le 20 novembre 2013

  • La manchette, bien élaborée, le dit correctement : Double attentat "à l'irakienne". Coincidence : la veille même le chef du parti des Forces libanaises, Samir Geagea, disait dans sa conférence de presse : "par son implication dans la guerre en Syrie, le Hezbollah a fait venir "l'irakisation" au Liban". Fort malheureusement les crimes monstres de ces "jihadistes" kamikazes, assoiffés de paradis et de 70 vierges, ne s'arrêteront plus.

    Halim Abou Chacra

    03 h 49, le 20 novembre 2013

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