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Culture - Salon du livre

Quelle place dans le dictionnaire pour meuf, boloss et kif ?

La langue française s’enrichit chaque année de nouveaux mots. Se renouvelle-t-elle ou perd-elle ainsi son âme ? Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel à l’Académie française, Michael Edwards et Dominique Fernandez (membres) ont débattu hier de ce phénomène.

L’Académie se veut la garante de la protection de la langue commune. Photo Michel Sayegh

Nonophobe, branchitude, kif, chelou, choupiner, texoter, meuf, bof, boloss. Autant de mots nouveaux qui vont avec l’air du temps. Même le printemps dans le dictionnaire ne signifie plus uniquement saison, mais réfère à des révolutions. Que fait l’Académie française dans ces cas-là? Suit-elle les vents qui tournent? C’est ainsi que Michèle de Freije a lancé le débat qui a eu lieu samedi au Salon du livre.
Instaurée par Richelieu en 1636, l’Académie trouve normal qu’une langue évolue, sinon elle mourrait tout comme le latin, mais elle a une politique commune quant à la gestion de ces mots tout comme son propre dictionnaire qu’elle (ré)édite depuis des années.

Enrichissement et appauvrissement
Rappelons d’abord ce que Maurice Druon avait dit en 1986 alors que, élu secrétaire perpétuel de l’Académie française en 1985, il a été à l’initiative de la publication, sous forme de fascicules, de la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française. «La confection d’un dictionnaire, surtout quand il doit être une référence pour des centaines de millions d’usagers d’une langue de par le monde, est une marche de longue haleine, où chaque pas rencontre une embûche, une rigole, un caillou. La langue, comme la mer, toujours recommencée... » Cette récente édition, que plus d’un demi-siècle sépare de la précédente, a connu un formidable accroissement du vocabulaire lié au développement des sciences et des techniques, à l’évolution des mœurs et des modes de communication. « Ce sont près de 60000 mots qui la composent, ce qui représente un accroissement d’environ 28000 mots par rapport à la huitième édition, précise Carrère d’Encausse. L’Académie se veut la garante de la protection de la langue commune. Ainsi, la suppression d’un terme répond à des critères précis. Il ne doit plus être en usage depuis longtemps. C’est le cas de certains termes scientifiques ou techniques aujourd’hui obsolètes.» Et de poursuivre: «Quant aux différents dictionnaires sur le marché, précisons qu’ils sont commerciaux. Si Le Robert satisfait les cruciverbistes, d’autres doivent remplir des conditions de volumes et de pagination. C’est pourquoi ils gardent des termes et en chassent d’autres, contrairement à l’Académie qui jouit d’un petit “cimetière” de mots. En effet, nous accueillons beaucoup de mots et n’en rejetons que très peu, car comment pourrait-on permettre aux jeunes de connaître leur patrimoine linguistique?»
Le dictionnaire se montre donc bienveillant envers les termes nouveaux et aussi envers certains termes étrangers, pour peu qu’ils correspondent à un besoin réel de la vie moderne et qu’il n’existe pas déjà un terme français rendant compte de la même réalité comme «computer» qui est devenu ordinateur. Il demeure néanmoins que certains critères doivent être respectés. «Il faut ainsi que le mot soit bien constitué. Or le mot meuf ne l’est pas», signale l’académicienne en rigolant comme ayant l’air de s’excuser. Le mot introduit ne doit pas être non plus un phénomène de mode.
«Nous ne sommes pas un dictionnaire conservateur», dit Michael Edwards, ce poète franco-britannique qui a séduit les Immortels par son âme française. Citant Fénélon, il rappelle que si les Anglo-Saxons ne se refusent rien et piquent sans se gêner dans la langue française, les Français, eux, ont plutôt des réserves: «Il faut que le mot choisi soit doux, contrairement à boloss qui est vulgaire», dit-il. Ce à quoi Fernandez s’opposera. «Certains mots sont rocailleux et rugueux, dit-il, non pas musicaux. Ils sont quand même très expressifs.»
Par ailleurs, ce qui inquiète Hélène Carrère d’Encausse est non pas l’enrichissement du dictionnaire, «car nous gérons ce phénomène parfaitement tant à l’échelle nationale qu’à celle de l’Académie qui consacre beaucoup de temps à étudier chaque terme nouveau. Ce qui est en fait inquiétant, répète-t-elle, c’est l’appauvrissement de la langue française.» «Un jeune d’aujourd’hui a un vocabulaire de 400 mots. Il ne consulte aucun dictionnaire», raille-t-elle encore. Pour cette Immortelle, il y a toujours eu le verlan, l’argot, la langue parlée par les bandes en France, mais il y avait toujours par ailleurs deux juges de paix qui agissaient en arbitres: l’école et les parents qui sont aujourd’hui impuissants. Alors devant ce constat tragique que faire? La question reste encore posée.
Nonophobe, branchitude, kif, chelou, choupiner, texoter, meuf, bof, boloss. Autant de mots nouveaux qui vont avec l’air du temps. Même le printemps dans le dictionnaire ne signifie plus uniquement saison, mais réfère à des révolutions. Que fait l’Académie française dans ces cas-là? Suit-elle les vents qui tournent? C’est ainsi que Michèle de Freije a lancé le débat qui a eu lieu...

commentaires (2)

ÉVOLUER... OUI ! MAIS VERS LE MEILLEUR... QUAND C'EST VERS LE PIRE... CE N'EST PLUS ÉVOLUER MAIS RÉGRESSER ! LA BEAUTÉ DE L'OEUVRE RÉSIDE AUSSI BIEN DANS LE SUJET QUE DANS LA LANGUE ! SI L'UN DES DEUX Y FAIT DÉFAUT, L'OEUVRE S'APPAUVRIT ET SOUVENT NE VAUT RIEN !

SAKR LOUBNAN

15 h 51, le 11 novembre 2013

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Commentaires (2)

  • ÉVOLUER... OUI ! MAIS VERS LE MEILLEUR... QUAND C'EST VERS LE PIRE... CE N'EST PLUS ÉVOLUER MAIS RÉGRESSER ! LA BEAUTÉ DE L'OEUVRE RÉSIDE AUSSI BIEN DANS LE SUJET QUE DANS LA LANGUE ! SI L'UN DES DEUX Y FAIT DÉFAUT, L'OEUVRE S'APPAUVRIT ET SOUVENT NE VAUT RIEN !

    SAKR LOUBNAN

    15 h 51, le 11 novembre 2013

  • ces mots c'est de l'argot, je les vois mal entrer dans le dictionnaire

    Talaat Dominique

    11 h 47, le 11 novembre 2013

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