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Liban - Éclairage

Le Liban sur la corde raide

Si les deux camps ne se décident pas à renouer le dialogue entre eux, le Liban va droit vers le vide institutionnel. C’est par ces termes qu’un diplomate arabe en poste au Liban résume la situation actuelle. Selon lui, les Libanais se font des illusions s’ils croient que ce qui se passe à Tripoli restera limité au Nord. La tension communautaire et politique est palpable dans tout le pays. Même s’il n’y a pas de possibilité de confrontation généralisée, la déstabilisation itinérante doit être prise au sérieux et constitue une véritable menace, non seulement pour la stabilité, mais aussi pour la relance économique du pays, devenue particulièrement pressante.


Selon ce diplomate, les Libanais refusent d’agir en se disant qu’avec les perspectives de solution de la crise syrienne, ce n’est pas la peine de prendre la moindre initiative puisqu’un règlement en Syrie, par le biais de la tenue de la conférence de Genève 2, aura forcément des répercussions sur le Liban. Mais il ajoute que les Libanais ne devraient pas attacher beaucoup d’espoirs sur une solution rapide du conflit syrien, car même si le cadre général de la solution est devenu clair et accepté par les Américains et les Russes, le conflit est encore appelé à se prolonger. Le diplomate arabe va même jusqu’à dire que la poursuite du conflit arrange de nombreuses parties. D’abord, les États-Unis, et avec eux l’Occident en général, ne sont pas mécontents de voir les jihadistes du monde entier venir en Syrie pour y combattre, d’autant que le régime syrien est en train de les tuer. Ce qui règle quelque part le problème que pourrait poser leur retour dans leurs pays d’origine. C’est sans doute cynique, mais la politique se fait rarement avec des bons sentiments. Dans ce contexte, le maintien en place du régime est devenu indispensable, mais en même temps, il ne faut pas non plus que ce régime devienne trop fort, et dans ce sens, la poursuite des combats l’affaiblit et le rendra plus malléable le moment venu.


Pour l’instant, et en dépit de la multiplication des déclarations sur la nécessité d’une solution politique, celle-ci est encore loin d’être imminente. Pour une raison très simple, c’est qu’en principe, elle prévoit une période transitoire, sur laquelle les parties concernées devraient se mettre d’accord. Au début, notamment après Genève 1, l’Occident refusait la participation du régime à cette conférence. Un an et demi de combats féroces plus tard, il a accepté l’idée de la participation du régime. Mais c’est maintenant du côté de l’opposition que le bât blesse. Les parties sollicitées pour participer à ce dialogue sont d’abord en conflit entre elles, et ensuite, elles ne sont plus représentatives sur le terrain. Si par exemple, dans le cadre du dialogue entre l’opposition et le régime, un cessez-le-feu est conclu, pour faciliter la tenue des pourparlers, les représentants de l’opposition sont-ils en mesure de le faire appliquer sur le terrain ? La réponse est non, selon le diplomate arabe, car les forces qui contrôlent le terrain sont les jihadistes du Front al-Nosra et de l’État islamique en Irak et au Levant. Et ces groupes n’obéissent certes pas au Conseil national syrien, à la Coalition nationale syrienne ou encore à l’Armée syrienne libre qui a perdu le contrôle de nombreuses régions du pays, sans oublier le fait que son chef d’état-major, le général Sélim Idriss, est en conflit ouvert avec le chef de cette armée, le colonel Riad al-Assaad. En même temps, les Américains et leurs partenaires refusent de convier des représentants des groupes jihadistes à la conférence de Genève et l’Arabie saoudite, qui pourrait avoir une influence sur eux, refuse d’appuyer la tenue de cette conférence dans un proche avenir. Comment, dans ce cas, cette conférence pourrait-elle se tenir ?


Le principe en a beau être acquis, les données militaires et politiques ne sont pas encore favorables à sa tenue. Il faut donc encore du temps, et malheureusement du sang, pour que de véritables négociations puissent prendre place et pour que les parties concernées soient enfin prêtes à les mener. L’annonce de la visite prochaine du secrétaire d’État américain John Kerry en Arabie saoudite est certes, dans ce contexte, un signe positif. Mais la solution n’est pas encore mûre.
C’est pourquoi, estime le diplomate arabe, les Libanais doivent être vigilants et faire des concessions mutuelles pour sauver leur pays du chaos qui l’attend. À cause notamment de l’afflux probable de déplacés syriens, dû à la prolongation du conflit. Faute de moyens pour les loger et les aider à survivre, ces déplacés pourraient venir grossir les rangs des désœuvrés, des désespérés et des miliciens en puissance. La situation est donc grave et le diplomate arabe ne comprend pas la légèreté avec laquelle les Libanais abordent des questions aussi importantes. Il se demande comment les prises de position peuvent être plus importantes que le sauvetage de la patrie, qui est aujourd’hui sur la corde raide. À bon entendeur salut.

 

 

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Si les deux camps ne se décident pas à renouer le dialogue entre eux, le Liban va droit vers le vide institutionnel. C’est par ces termes qu’un diplomate arabe en poste au Liban résume la situation actuelle. Selon lui, les Libanais se font des illusions s’ils croient que ce qui se passe à Tripoli restera limité au Nord. La tension communautaire et politique est palpable dans tout le...

commentaires (3)

Soyons optimiste ...! car nous vivons des situations étranges depuis longtemps...Le vide constitutionnel sera vite comblé par le vide journaliste ...!

M.V.

15 h 24, le 01 novembre 2013

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Soyons optimiste ...! car nous vivons des situations étranges depuis longtemps...Le vide constitutionnel sera vite comblé par le vide journaliste ...!

    M.V.

    15 h 24, le 01 novembre 2013

  • MADAME SCARLETT HADDAD, SUPERBE ANALYSE ! FÉLICITATIONS POUR CE REPORTAGE ! C'EST DE LA VRAIE ANALYSE QU'AUCUNE SOURCE, DE QUEL CÔTÉ QUE CE SOIT, NE VIENT POLLUER... PRIÈRE DE CONTINUER SUR CE VRAI CHEMIN... BONNE JOURNÉE.

    SAKR LOUBNAN

    13 h 02, le 01 novembre 2013

  • Bien dit, nous allons droit vers la catastrophe, mais il faut en convaincre vos protégés qui par leur faits ont conduit le pays a la dérive! S'ils remettent leurs armes a l’état ils n'en seront qu'agrandi aux yeux du peuple et éviteront la catastrophe a venir. Mais ils sont tellement noyés dans les magouilles et les meurtres qu'ils ont peur pour leur tête. Alors nous allons droit vers la guerre et cette fois ce ne sera pas 1975 mais bien pire car les tenant des armes et des idéologies fakihiste ou baasiste ont si bien remontés les esprits contre eux ou des siens contre les autres que l'explosion sera d'une sauvagerie inégalées. Que Dieu nous protège!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 01, le 01 novembre 2013

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