Lorsque les canons se seront tus, les Syriens devront reconstruire leur pays mais aussi se reconstruire eux-mêmes. Pour les aider dans ce processus, des juristes réfléchissent déjà à la mise en place d'un tribunal pour juger les crimes de guerre.
En deux ans et demi de conflit, plus de 110.000 personnes ont péri. Et, si la fin n'est pas en vue, un panel de juges et de juristes travaillent déjà à la conception de cette cour, qui devra permettre aux victimes de se faire entendre.
"C'est totalement inédit", explique à l'AFP David Crane, architecte principal d'une feuille de route d'une trentaine de pages, dans laquelle est exposé le fonctionnement de ce futur Tribunal spécial pour la Syrie.
"En général, la communauté internationale observe et attend. Une fois qu'une solution politique a été trouvée et que la tuerie s'est arrêtée, tout le monde peine à trouver la marche à suivre", souligne M. Crane. Mais dans le cas de la Syrie, "je me suis dit: +tenons-nous prêts+". Et de recruter une douzaine de juristes pour élaborer un "point de départ" aux discussions sur le futur tribunal.
David Crane est aujourd'hui professeur à l'université de Syracuse, aux États-Unis, mais il a officié par le passé en tant que procureur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui a condamné l'ex-président libérien Charles Taylor à 50 ans de prison pour crimes contre l'humanité, commis lors de la guerre civile (1991-2002).
Pour commencer, et donc instruire les crimes, David Crane s'est lancé avec l'opposition syrienne, des ONG et ses partenaires à l'université dans un inventaire des atrocités commises depuis le début du conflit. La liste occupe trois volumes et continue de s'allonger.
Les experts ont aussi dressé des ébauches d'actes d'accusation, visant le président syrien Bachar el-Assad et dix de ses "hommes de main", mais aussi des commandants des forces rebelles et des combattants étrangers.
David Crane ne veut pas s'étendre sur les charges qui seraient retenues contre eux et tient à souligner qu'il reviendra aux futurs procureurs de s'accorder sur les chefs d'accusation.
Selon lui, au début du conflit, 90% des crimes étaient commis par le régime. Désormais, il pense que l'opposition et les forces fidèles à Bachar el-Assad portent chacune pour moitié la responsabilité de ces crimes.
Pour l'heure, la composition de la future cour n'a pas été fixée, ni même le rôle qu'exercerait la Cour pénale internationale (CPI). Mais David Crane et ses collègues penchent tout de même pour un tribunal, où siègeraient deux juges syriens et un juge étranger.
La cour siègerait en Syrie, car "nous nous sommes rendus compte en Sierra Leone qu'une cour qui siège là où des crimes ont été commis est bien plus efficace", souligne M. Crane.
L'un des sujets épineux qui n'a pas fini de l'occuper est la possibilité ou non d'avoir recours à la peine de mort. La CPI ne la prévoit pas, et il est probable que toute autre juridiction appelée à se prononcer fasse de même. Mais, du point de vue syrien, nombre de proches de victimes "veulent être vengés", dit-il.
David Crane a fait part de ses projets à la CPI et au département d'État américain, qui s'est dit prêt à soutenir toute initiative permettant aux Syriens de voir les responsables de crimes rendre des comptes.
"Ce qui s'est passé en Syrie a heurté nos consciences: qu'il s'agisse de l'utilisation d'armes chimiques ou de la mort de 100.000 personnes", souligne un haut responsable de la diplomatie américaine sous couvert d'anonymat.
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commentaires (5)
TRÈS RENTABLES CES TRIBUNAUX ! DE TOUT POINT DE VUE ! PEUT-ON EN ACHETER UN ?
SAKR LOUBNAN
17 h 45, le 16 octobre 2013