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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Vols à main armée

La révolution dévore souvent ses propres enfants, et celle de Syrie n’échappe guère actuellement à ce saisissant, mais assez fréquent, phénomène de cannibalisme. Avec la sécession que viennent d’opérer non moins de 13 groupes islamistes, c’est un sérieux revers, tant politique que militaire, qu’essuie l’opposition au régime Assad : et cela même si ce drastique régime amaigrissant devrait, en toute logique, la rendre plus fréquentable – et donc plus digne de soutien – aux yeux de l’Occident.

Bien plus motivés et résolus que leurs anciens camarades de lutte, car amenés à croire qu’ils meurent pour Allah, sont effectivement les combattants jihadistes. Ils sont grassement financés. Ils disposent de surcroît, dans l’immensité du monde arabo-musulman, d’une réserve inépuisable de chair à canon. Forts de tout ce qui précède, ils sont massivement présents sur les fronts les plus sensibles. Et non contents de vandaliser des lieux de culte chrétiens, ils ont souvent croisé le fer avec leurs compagnons d’armes, jugés impies car œuvrant pour un système démocratique et pluraliste.

Non moins désastreux est le coup que porte ce divorce à la représentativité réelle des courants libéraux et démocratiques. Et donc à leur capacité de négocier avec de solides atouts en main, au cas où se réunirait enfin, à Genève, une conférence internationale sur la Syrie : éventualité que favorise grandement l’accord russo-américain miraculeusement intervenu jeudi sur une résolution onusienne relative à la destruction de l’arsenal chimique syrien.

On nous a volé notre révolution, se lamentait ce même jour le chef de l’opposition, Ahmad Jarba. Le fait est que cette révolution a été volée deux fois plutôt qu’une : le premier larron n’étant autre que Bachar el-Assad qui, en exerçant une répression barbare contre de jeunes auteurs de graffitis, puis contre des manifestants, a acculé à une fort inégale confrontation armée un soulèvement se voulant, à l’origine, rigoureusement pacifique et populaire.

Cela dit, on retrouve étrangement parmi les organisations ayant fait dissidence quelques-unes qui, dans un passé récent, en Irak, en Syrie même ou bien au Liban, se sont prêtées aux machiavéliques manipulations d’une dictature baassiste qui se pose comme seule alternative au chaos régional. Brille cependant par son absence, au nombre des Treize, l’une des affiliées les plus remuantes d’el-Qaëda, l’EIIL, alors qu’y figure en bonne place al-Nosra, autre et non moins sulfureuse composante de l’hydre que créa Oussama Ben Laden. De plus en plus étrange, non ?

Au Liban, les choses se passent d’une manière tragiquement plus simple. On n’y a pas exactement volé la révolution du Cèdre, mais on s’est ingénié à étouffer, au moyen d’une contre-révolution supervisée par Damas et Téhéran, le premier bourgeon du printemps arabe. Depuis, on s’est surpassé en rapines à main ostensiblement armée. Sous couvert de résistance à l’occupation israélienne, la dérive milicienne a tourné au phagocytage méthodique de l’État. On a dessaisi ce dernier de l’exclusivité de la détention de matériel militaire. On lui a ravi la décision de paix ou de guerre, et donc le terrible droit de disposer de la vie et des biens du peuple tout entier. On s’est doté d’un réseau de télécommunications privé. Et c’est la Constitution que l’on entreprend de s’approprier maintenant en la défigurant outrageusement au passage, en déniant leurs prérogatives aux présidents Sleiman et Salam, en allant jusqu’à menacer d’occuper les divers ministères et même le Sérail si venait à être formé un gouvernement contraire à leurs exigences.

Ce qu’on n’a pas volé, en définitive, c’est une bien peu flatteuse image de marque...

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

La révolution dévore souvent ses propres enfants, et celle de Syrie n’échappe guère actuellement à ce saisissant, mais assez fréquent, phénomène de cannibalisme. Avec la sécession que viennent d’opérer non moins de 13 groupes islamistes, c’est un sérieux revers, tant politique que militaire, qu’essuie l’opposition au régime Assad : et cela même si ce drastique régime...

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