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Liban - Reportage

La mode du tatouage triomphe au Liban

Le tatoutage, plus qu’une mode, un moyen d’expression pour les jeunes et les moins jeunes.

Les tatouages revendiquant l’appartenance religieuse sont légion au Liban (tatouage : Hady Beydoun).

Dans son bureau situé au dernier étage d’une tour de Beyrouth, Hady Beydoun s’apprête à tatouer un jeune homme pour la première fois. Ce dernier est un peu tendu. Avant de se mettre au travail, Hady allume la sono qui se met à hurler un morceau de métal. La séance durera une dizaine de minutes. Après s’être longuement regardé dans la glace, le nouveau tatoué repart ravi.


La musique permet à Hady de faire abstraction de ce qui l’entoure pour se plonger complètement dans le dessin. Le style varie selon son humeur, mais le rituel est systématique.


Ils sont une dizaine d’artistes à se partager le marché du tatouage libanais, en pleine explosion depuis une vingtaine d’années. S’il divise encore aujourd’hui les familles, il est désormais visible sur toutes les plages du pays. La société libanaise accepte progressivement cette nouvelle mode dont elle ne connaissait que le « henné ». Les jeunes restent les adeptes privilégiés du tatouage, mais force est de constater que la mode se propage d’une génération à l’autre.

 

Micheline, fondatrice de Frimousse Tattoo, raconte en souriant qu’elle voit désormais des jeunes convaincre leurs parents de venir avec eux pour se faire tatouer.

 

La calligraphie arabe séduit les Libanais, mais aussi

de nombreux touristes étrangers.



Les débuts n’ont pas été faciles pour les pionniers du tatouage libanais. Il y a seulement 20 ans, le tatouage était encore très subversif. C’est d’ailleurs ce qui a encouragé les tatoueurs à se lancer dans l’aventure. La plupart d’entre eux ont été formés en Europe avant de revenir exercer au Liban. Le tatouage libanais reste très influencé par l’Europe, les États-Unis et l’Asie, mais ici, on note une forte demande pour la calligraphie arabe ainsi que pour les tatouages à connotation religieuse.


Personne n’imagine la folie des Libanais pour le tatouage prendre fin prochainement, bien au contraire. Mais selon Vej, responsable de la boutique de tatouage House on Mars, la créativité artistique est en danger au Liban. « Comment créer et être inspiré lorsqu’on ne sait jamais ce qu’il peut se passer demain ? Cette inquiétude permanente et destructrice fait fuir de nombreux artistes », déclare t-il.



Le plus esthétique possible
Les « artistes » veulent exprimer leur créativité. Chaque artiste a son style. David préfère réaliser les détails en noir et gris, et Hady des portraits : « Ce sont les tatouages les plus difficiles, ils sont donc passionnants à réaliser. » Dans sa petite arrière-boutique de la rue Hamra, Vej se spécialise dans la calligraphie. Il affirme avec force qu’il refuse systématiquement de reproduire des motifs politiques ou sataniques, « pour ne pas choquer et conserver ma neutralité », précise t-il. Le tatoueur cherche à découvrir les goûts, les envies et les motivations du client, avant de lui proposer une esquisse du tatouage. « Je prends mon temps avec les clients, pour savoir ce qu’ils veulent le plus précisément possible », déclare David Der-Yeghiayan.


Les nouveaux venus sont souvent hésitants, il faut donc les guider dans leur choix. Les conseils portent sur la taille, la forme, les couleurs, mais surtout sur l’emplacement du tatouage. Hady Beydoun cherche à rendre le tatouage le plus esthétique possible en fonction du corps et du motif. Mais il refuse de tatouer les mains et le visage d’un novice. « Il pourrait le regretter, ces endroits sont réservés aux habitués. » Il en va de même pour les grands tatouages, qui nécessitent parfois cinq à six semaines de travail.

 

Mark s’est fait tatouer une représentation du ciel dans le dos.

 


Il y a ceux qui agissent sur un coup de tête et ceux qui y réfléchissent depuis des années. Ceux qui le montrent et ceux qui le cachent. Ceux qui n’en font qu’un seul et ceux qui créent de véritables fresques sur leur corps. Pour beaucoup, le premier tatouage date de l’adolescence. Hadrien, 41 ans, se rappelle l’avoir fait suite à une déception amoureuse. Pour Mark, 33 ans, c’était plutôt un acte de rébellion contre son père, avant de devenir une passion. Se faire tatouer permet d’affirmer sa personnalité.


Mystérieux ou explicite, le tatouage raconte une histoire, un deuil, une idée, un rêve ou une passion. Il est enfin une création artistique qui n’a de limite que l’imagination. Mark a ainsi transformé son corps en une véritable toile. Le bas de son corps représente la mer, tandis qu’au-dessus de la ceinture, il a tatoué sa vision du ciel (voir photo). C’est un tatouage en construction, il le modifie régulièrement et ne sait pas encore à quoi il finira par ressembler.



Des copies de modèles en vogue
Le tatouage est par essence définitif, il vieillira avec celui qui le porte. Dalal, tatouée à six reprises, déconseille aux jeunes d’agir sur un coup de tête. Elle se rappelle en riant d’un tatouage fait avec des amis et représentant un cochon. Elle a depuis décidé de le recouvrir par un autre tatouage, qui était, lui, plus réfléchi ! Bien souvent, les mineurs sont tentés d’agir sans le dire à leurs parents. Si certains professionnels exigent une autorisation parentale et refusent de réaliser des motifs trop voyants, tous n’ont pas les mêmes scrupules, au risque de s’exposer à la fureur des parents...
Pour tous ceux qui regretteraient un tatouage devenu gênant au fil des années, le faire recouvrir par un autre est la solution la plus efficace. En effet, effacer un tatouage est coûteux et compliqué. Il est possible de recourir à la chirurgie laser ou de procéder à une greffe de peau. Mais ces opérations peuvent être risquées et ne s’avèrent pas toujours entièrement efficaces.


Aujourd’hui, certains tatoués, et parmi eux Hadrien, regrettent que le tatouage soit devenu un simple ornement esthétique comme les vêtements. « Ils sont juste destinés à montrer que l’on est à la pointe de la mode, et n’ont plus guère de sens pour ceux qui les portent. » La plupart des tatouages que l’on peut voir au Liban sont des copies de modèles en vogue.


Le tatouage permanent consiste en l’introduction de pigments à une profondeur de 0,6 à 2 mm. À ce jour, l’activité n’est pas réglementée au Liban. Les tatoueurs bénéficient d’une liberté totale en ce qui concerne l’âge des clients et les précautions sanitaires. Pour satisfaire la clientèle, les professionnels s’efforcent de suivre les règles d’hygiène appliquées en Europe. Les aiguilles sont à usage unique, et l’ensemble du matériel est stérilisé. Mais ces règles d’usage n’étant pas obligatoires, elles ne sont pas toujours respectées.


Cela est d’autant plus gênant que les dermatologues soulèvent plusieurs risques d’infections locales et virales, si les précautions d’hygiène ne sont pas appliquées lors du tatouage. Quant aux réactions allergiques à l’encre, elles sont difficiles à prévoir avant le tatouage, et peuvent se manifester des années plus tard, par des démangeaisons et des des gonflements. Dans certains cas, le retrait du tatouage par chirurgie sera inévitable. Une vigilance accrue s’impose donc en cas de peau sensible ou de grains de beauté. En cas de doute, il convient d’aller consulter un dermatologue.


Les encres de mauvaise qualité, très utilisées il y a vingt ans, peuvent causer des brûlures durant une IRM (Imagerie par résonance magnétique) et rendent l’image obtenue inutilisable. Par ailleurs, les jeunes filles ignorent souvent que durant l’accouchement, le médecin refusera souvent de pratiquer une anesthésie péridurale à une femme tatouée dans le bas du dos. Et ce pour éviter toute infection.


Au Liban, le danger est bien réel car l’activité est devenue très accessible. Le kit complet du parfait tatoueur peut s’acheter sur Internet pour environ 2 000 USD. Nombreux sont les Libanais qui en profitent pour tatouer leurs proches, ou pour arrondir les fins de mois. Les précautions sanitaires qui s’imposent seront alors plus ou moins respectées. Alors que certains tatoueurs « de rue » changent d’aiguille pour chaque client, ils peuvent n’avoir aucun scrupule à utiliser une seule aiguille pour tatouer plusieurs fois la même personne. D’autres ne stérilisent pas leur matériel ou encore ne se renseignent pas sur les problèmes de peau du client. Les risques d’infection sont alors multipliés. Il convient donc de se renseigner sur les garanties prises par chacun, avant de franchir le pas.

 

 

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