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À La Une - Interview

Ahmad Toameh face au « défi » d’el-Qaëda en Syrie

Selon le chef du nouveau gouvernement provisoire de l’opposition, « les Syriens veulent fondamentalement la liberté, pas un despotisme plus grand ».

Ahmad Toameh.

Le chef du nouveau gouvernement provisoire de l’opposition syrienne promet de lutter contre l’influence des combattants liés à el-Qaëda qui ont exploité, selon lui, le vide politique créé par la disparition de l’autorité du régime de Bachar el-Assad dans une large partie de la Syrie.

 

L’islamiste modéré Ahmad Toameh a accordé dimanche sa première interview depuis son élection, ce week-end, par la Coalition nationale syrienne (CNS) au poste de Premier ministre par intérim. Il a insisté sur le fait qu’il y avait désormais urgence pour les opposants de tenir tête à el-Qaëda, à la fois sur le plan idéologique en démontrant que démocratie et islam ne sont pas incompatibles, et sur le plan pratique en rétablissant des services publics efficaces dans les régions tenues par les rebelles.


« En plus des destructions, des morts et des déplacements forcés infligés par le régime, le peuple souffre maintenant du comportement des militants (liés à el-Qaëda) », déplore ce membre de la déclaration de Damas, un groupe d’opposants historiques qui avait contesté pacifiquement le régime de M. Assad avant le début de l’insurrection en 2011. « Les Syriens veulent fondamentalement la liberté, pas un despotisme plus grand », dit encore celui qui fut jeté dans les geôles de M. Assad de 2007 à 2010, après avoir professé la tolérance tout au long de sa carrière politique.


Ahmad Toameh est le plus haut dirigeant de l’opposition à s’opposer ainsi publiquement au Front al-Nosra, la branche syrienne d’el-Qaëda, dont les combattants souvent mieux armés et organisés que ceux de l’Armée syrienne libre (ASL) ont pris un poids croissant au sein de la rébellion à mesure que le conflit s’enlisait. Sa prise de distance fait écho à celle du chef d’el-Qaëda, l’Égyptien Ayman al-Zawahiri, qui vient d’appeler dans un message audio les jihadistes combattant sur le sol syrien à ne pas pactiser avec les groupes rebelles « alliés de l’Occident ».


Les opposants syriens, en particulier ceux qui sont issus de la mouvance islamiste, ont jusqu’à présent rechigné à critiquer ouvertement le Front al-Nosra, qui a remporté d’importantes victoires militaires à Raqa, mais aussi dans les provinces d’Alep et d’Idleb. Des manifestations ont cependant éclaté à Raqa après l’enlèvement par des militants liés à el-Qaëda d’opposants libéraux, et des combats ont opposé la semaine dernière des jihadistes à l’ASL dans la province orientale de Deir ez-Zor, dont est originaire Ahmad Toameh.


Pour le nouveau Premier ministre intérimaire, l’opposition doit répondre au « défi idéologique » d’el-Qaëda pour convaincre les Syriens qui ont rejoint l’organisation jihadiste de leur erreur. « S’ils refusent (de la quitter), nous devrons trouver d’autres moyens de garantir la sécurité des Syriens et de leur assurer une vie digne », dit Ahmad Toameh. Selon lui, nombre de Syriens qui ont rejoint le Front al-Nosra, rebaptisé cette année l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL), ne l’ont pas fait par conviction idéologique, mais parce que c’est le groupe qui fournit le plus d’armes, ainsi que des produits alimentaires de base aux habitants des zones qu’ils contrôlent. « On leur a mis dans la tête que la religion ne peut avoir sa place que dans un État religieux. Ce n’est pas ce que dit l’islam », insiste l’opposant.


Ahmad Toameh entamera dans les prochains jours la formation de son gouvernement, qu’il entend baser dans le nord de la Syrie, malgré les risques de bombardements par les forces de M. Assad. « Il y a eu tellement de gens à mourir pour la liberté que nous devons partager ce risque », explique-t-il. Le Premier ministre par intérim se fixe comme premier objectif de prendre le contrôle des postes frontaliers avec la Turquie, pour l’instant aux mains de multiples groupes insurgés, afin de sécuriser les lignes d’approvisionnement. « À partir de ce moment-là, nous pourrons progressivement rétablir la sécurité dans les zones libérées et relancer les services de base, le système de santé et l’éducation », veut-il croire.

 

 

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