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À La Une - Analyse

Syrie : Moscou parade, Téhéran se rassure, Riyad fulmine...

Après deux ans et demi d’isolement sur la scène internationale, la Russie, un des derniers alliés du président syrien Bachar el-Assad, a provoqué un coup de théâtre diplomatique en mettant sur la table le démantèlement de l’arsenal chimique syrien. Si, par ce coup de maître, le président russe Vladimir Poutine a pris la main sur la Syrie, la partie risque toutefois d’être serrée.


Cette initiative a ainsi donné l’occasion à Moscou de restaurer son prestige en se posant comme un garant du droit international. M. Poutine a enfoncé le clou en publiant hier une tribune dans le New York Times, adressée « aux citoyens et aux personnalités politiques américains : dans la tête de millions de gens sur la planète, on ne considère plus les États-Unis comme un exemple de démocratie, mais comme un joueur qui mise exclusivement sur la force brutale », a-t-il affirmé.


Andreï Baklitski, du Centre de recherches politiques de Russie, convient qu’« à court terme, l’initiative de la Russie convient à tout le monde, elle ne demande rien d’impossible à quiconque ». Mais Moscou risque d’être pris à son propre piège, avertit-il. « Si la Syrie commence à dissimuler des armes chimiques, la réputation de la Russie sera en jeu », déclare-t-il. « Et ce ne sont pas les méchants États-Unis qui insisteront pour que la Syrie remplisse ses obligations, mais la Russie », ajoute-t-il. Dans cette perspective, la Russie est déjà confrontée à la difficile tâche de faire adopter au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution qui convienne à tous, note de son côté M. Loukianov. « La bataille pour la formulation va être ardue. Les pays occidentaux croient sincèrement qu’il faut clairement définir une nouvelle “ligne rouge”, sans laquelle à leur avis Damas mènera la communauté internationale par le bout du nez », explique l’analyste. « Mais la Russie craint de se retrouver dans la situation où tout incident ou accroc dans l’exécution du plan, ce qui est inévitable, pourrait être rapidement interprété comme un prétexte pour une riposte » militaire.

 

(Eclairage : La concession d’Assad pourrait se retourner contre lui)

 


Pas de calendrier
Et cette riposte peut intervenir à tout moment. Car si le président américain Barack Obama a jugé que la proposition russe constituait un signe « encourageant », le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney a refusé de parler d’échéances après lesquelles les États-Unis considéreront que la Syrie aura éventuellement manqué à sa parole. « Je n’ai pas de calendrier à vous communiquer », a-t-il affirmé. « Ce que je peux dire est qu’évidemment, cela prendra un certain temps (...) mais des manœuvres dilatoires ne nous intéressent pas », a ajouté le porte-parole. Sachant que l’absence d’un calendrier pourrait contribuer à un lent échec du plan énoncé par Moscou.
En attendant, ce répit accordé par les États-Unis au régime syrien a conforté la position de l’Iran, resté ferme sur son soutien à Bachar el-Assad et sur la poursuite de son programme nucléaire, estiment les analystes. « Reculade » ou « Retraite totale », « Coup dur et humiliant » pour une Amérique « isolée », la presse conservatrice iranienne jubile depuis que Barack Obama a donné une chance à la diplomatie. Et pour un diplomate occidental en poste à Téhéran, la proposition russe est « surtout un soulagement pour l’Iran » qui craignait une escalade militaire dans la région. « Les Iraniens ont été surpris par l’attaque chimique, ils vont peut-être se poser des questions sur la fiabilité d’Assad », dit-il.

 



(Eclairage : Le grand silence d’el-Qaëda...)

 


« Ce serait du jamais-vu »
La situation est totalement à l’opposé pour les ennemis intimes de l’Iran : les pays du Golfe. En repoussant le projet de frappes militaires contre la Syrie, les États-Unis ont pris à revers l’Arabie saoudite et le Qatar. Ces deux États en pointe dans l’armement des rebelles syriens n’ont nulle intention de renoncer à leur rôle dans un conflit qui leur a déjà coûté des milliards de dollars. Dans ce contexte, estiment des connaisseurs de la région, le Qatar, qui arme les rebelles syriens depuis l’an dernier, et l’Arabie saoudite, devenue cette année leur principal fournisseur, n’ont d’autre choix que de continuer à leur livrer des armes.


Sauf que l’action des dirigeants du Golfe est limitée par leur refus de voir des armes trop perfectionnées finir entre les mains de groupes armés liés à el-Qaëda qui combattent dans les rangs de la rébellion. En outre, certains plaident donc pour une intervention militaire directe des États du Golfe sans soutien des Occidentaux. Ce serait du jamais-vu. « Les États-Unis ont toujours été là pour nous ces cinquante ou soixante dernières années, mais pas à présent. Les stratèges saoudiens doivent réfléchir à ces réalités nouvelles », argumente Jamal Khashoggi, qui dirige une chaîne de télévision appartenant à un prince de la famille royale saoudienne.
La plupart des observateurs ne croient cependant pas à une intervention militaire directe. « Ils ne lanceront évidemment pas de frappes eux-mêmes : ils n’en ont ni les forces ni les effectifs », résume un diplomate arabe.

 

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