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Liban - Colloque Deuxième partie

Cet amoureux de la vie à l’envergure internationale...

Dans l’après-midi, le symposium organisé à l’occasion du cinquantenaire de la mort d’Émile Boustani, à l’hôtel al-Bustan à Beit-Méry, s’est poursuivi avec des tables rondes qui se sont penchées sur le côté humanitaire du philanthrope et son rôle politique à l’échelle régionale et internationale. La cérémonie a été clôturée par la remise du prix Émile Boustani au professeur Edgar Choueiri.

Le militant Ayman Mehanna a modéré une table ronde réunissant le président de l’AUB, Peter Dorman, l’ancien ministre Damien Kattar, l’expert en médias Nabil Dajani, et les hommes d’affaires Georges Asseily, Issam Chammas, Ramsay Khoury et Sami Salman.  Photo Michel Sayegh

On aura beau parler longuement d’Émile Boustani comme entrepreneur et politicien influent sur la scène locale, et auquel était destinée la présidence de la République s’il n’avait pas péri en ce tragique jour de mars 1963. N’empêche qu’Émile Boustani faisait partie de cette catégorie d’hommes dont les dimensions dépassent celles de leur pays. Fervent supporteur des causes arabes et citoyen du monde, il avait fait usage des excellentes relations d’amitié qu’il entretenait de par le monde, pour devenir, somme toute, un ambassadeur du Liban. Mais derrière le personnage politique et l’homme d’affaires pragmatique, se cachait, à en croire ceux qui l’avaient connu, un véritable caractère flamboyant et jovial, voire amoureux de la vie. Et c’est cet aspect humain d’Émile Boustani qu’a voulu révéler au grand jour la troisième table ronde du symposium organisé à l’occasion du cinquantenaire de sa mort, à travers les témoignages de Nina Jidedjian, Samir Khalaf et Asma Andraos.


« Il avait l’habitude de se lever tôt, raconte l’historienne Nina Jidedjian, sa voisine à Yarzé. Depuis sa chambre, il observait grâce à un télescope son entourage et m’espionnait aussi. Toujours jovial, débordant d’humour, je me souviens de lui cuisinant avec son chapeau de chef, ou encore en train de danser. On ne pouvait pas ne pas aimer Émile Boustani. Je me souviens encore du jour où il s’est plaint auprès du président Camille Chamoun des travaux de construction que ce dernier entamait dans la colline en-dessous de nous en lui disant : « Arrêtez ces travaux. Nina Jidedjian n’arrive pas à dormir! » Et l’historienne d’ajouter : « Émile Boustani ne cessait de répéter : “Donnez-moi dix ans, et je transformerai le Liban en paradis.” »


Pour sa part, Asma Andraos, activiste et directrice du bureau de communication et des relations publiques de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, a raconté quelques anecdotes se rapportant à Émile Boustani, et qui lui ont été confiées par sa fille Myrna. Parmi celles-ci, Asma Andraos raconte comment Émile Boustani, encore étudiant à l’AUB, avait monté un dispositif pour espionner le dortoir des filles, et qu’il ne s’empêchait pas de le céder à ses camarades en contrepartie de quelques sous. Comment aussi, il avait établi avec son ami de toujours, Nemr Toucan, une liste de « ces hommes déplaisants », où figuraient, entre autres, ceux qui portaient des chaussettes blanches. Ou encore comment il tentait, lors de déjeuners mondains, de convaincre quelques invités des bienfaits d’être végétarien, pour leur chiper leur morceau de viande. « Sa vitalité était contagieuse. Tout le monde se sentait mieux quand Émile était dans les parages », a-t-elle ajouté. De son côté, Samir Khalaf a mis en valeur l’importance qu’Émile Boustani accordait à la danse, « la plaçant au rang de la métaphysique, de l’astronomie et de la philosophie ». M. Khalaf a sur ce plan lu un extrait d’une pétition présentée par Boustani à l’époque à l’administration de l’AUB, pour réclamer l’ouverture d’un club de danse.

 


Éducation et philanthropie
C’est ensuite une table ronde modérée par l’activiste Ayman Mehanna, et réunissant le président de l’AUB, Peter Dorman, l’ancien ministre Damien Kattar, l’expert en médias Nabil Dajani, et les hommes d’affaires Georges Asseily, Issam Chammas, Ramsay Khoury et Sami Salman, qui s’est penchée sur l’aspect philanthrope de la vie d’Émile Boustani et son éducation. M. Dorman a noté sur ce plan que Boustani était soucieux de rapprocher l’Occident et le monde arabe, et qu’il avait servi d’ambassadeur pour l’AUB en étant un citoyen engagé et un leader responsable qui se souciait de l’avenir des jeunes de sa région. « Il avait compris l’importance de donner à la communauté dans laquelle il vivait, en assurant notamment l’éducation à un grand nombre de jeunes », explique M. Dorman. Pour Damien Kattar, Émile Boustani avait compris, il y a très longtemps, l’importance de la liberté dans l’éducation et de l’éducation au quotidien. « Il défendait, en son temps, l’idée de passer d’un environnement lucratif à un environnement non lucratif, et celle d’un système économique libre », a-t-il ajouté, mettant l’accent sur « l’échelle de valeurs qui distinguait Émile Boustani ».


La dernière table ronde, modérée par la journaliste Gisèle Khoury, a finalement discuté du rôle politique joué par Émile Boustani sur les scènes arabe et internationale, notamment son soutien pour la cause palestinienne, sa relation avec la presse, avec la Grande-Bretagne aussi et son travail dans le secteur pétrolier. Le diplomate anglais Sir Alan Munro a noté sur ce plan qu’« Émile Boustani a œuvré pour la coopération entre le monde arabe et la Grande-Bretagne, à une époque où Beyrouth était le nerf de la diplomatie anglaise au Moyen-Orient » et que « la Grande-Bretagne lui est redevable pour cela ». Le militant pour le dialogue islamo-chrétien, Mohammad el-Sammak, a pour sa part expliqué comment Émile Boustani a participé depuis l’Égypte à la chute du gouvernement Eden en Grande-Bretagne dans les années 50, « sans se soucier des critiques qui l’accusaient d’être un ami de la colonisation ». « Il a fait du marketing pour la cause arabe et a réussi à convaincre les Anglais de la soutenir pour leur propres intérêts », a-t-il poursuivi. De son côté, l’économiste Marwan Iskandar a exposé le travail d’Émile Boustani dans le secteur pétrolier, rappelant le schéma qu’il avait proposé et qui consistait à allouer 5 % des revenus arabes du secteur, pour créer un Fonds de développement arabe. Le diplomate anglais Richard Beeston et l’homme d’affaires Walid Boustani, représentant le responsable politique jordanien, Marwan el-Moasher, ont également prononcé des allocutions de circonstance.

 


Parallèle avec Rafic Hariri
Le symposium dédié à Émile Boustani a enfin été clôturé par un documentaire sur sa vie et par un discours du Dr Philip Khouy, prévôt associé de l’université MIT, intitulé « Ce qui aurait été différent si Émile Boustani était encore en vie » et qui a été lu par Peter Dorman. L’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, a ensuite remis le prix Émile Boustani qui récompense d’importantes réalisations faites par un Libanais, au premier lauréat, le professeur Edgar Choueiri, physicien de renommée internationale. Fouad Siniora a établi, dans son discours, une comparaison entre Émile Boustani et l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, « qui sont tous les deux sortis de la misère vers le succès et ont veillé au bien-être de leur environnement, avant de périr de manière tragique ». « Les deux hommes ont cru en un Liban ouvert, en la diversité et en la capacité de l’être humain », a-t-il ajouté, estimant que « certaines parties au Liban et à l’extérieur veulent délibérément saper les réalisations des Libanais dans le monde, en matière d’ouverture, de modération et de neutralité, et ternir la bonne réputation qu’ils ont construite pendant des décennies ». Et de dire : « Nous ne devons pas avoir peur du monde ni faire peur au monde. Le Liban n’est pas fondé sur les idées partisanes ou tribales étroites en perpétuel conflit. Le Liban est un message, comme avait dit le pape Jean-Paul II. Un message de coexistence et d’acceptation de l’autre. Un message d’harmonie, de modération et d’ouverture, de concurrence positive dans le domaine des réalisations et de la créativité ».

 

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commentaires (4)

FANTASMAGORIE "libaniste".......... SIMPLISTE !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 36, le 09 septembre 2013

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Commentaires (4)

  • FANTASMAGORIE "libaniste".......... SIMPLISTE !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 36, le 09 septembre 2013

  • DONNEZ-MOI DIX ANS ET JE TRANSFORMERAI LE LIBAN EN PARADIS ! MAIS D'AUTRES L'ONT TRANSFORMÉ EN PURGATOIRE VOIRE MÊME EN ENFER POUR TOUS LES LIBANAIS !!!

    SAKR LOUBNAN

    10 h 14, le 09 septembre 2013

  • ça va de soi : ""...revenait sur le cinquantenaire de sa tragique disparition"", à corriger bien sûr.

    Charles Fayad

    09 h 12, le 09 septembre 2013

  • "...Depuis sa chambre, il observait grâce à un télescope son entourage et m’espionnait aussi. Toujours jovial, débordant d’humour, je me souviens de lui cuisinant avec son chapeau de chef, ou encore en train de danser. On ne pouvait pas ne pas aimer Émile Boustani. Je me souviens encore du jour où il s’est plaint auprès du président Camille Chamoun des travaux de construction que ce dernier entamait dans la colline en-dessous de nous en lui disant : « Arrêtez ces travaux. Nina Jidedjian n’arrive pas à dormir! »" Rien que cet extrait me met de bonne humeur par ces temps moroses. Tout y est dit ou presque de cet homme de légende parti de rien pour rejoindre les sommets. Dans mes souvenirs d’enfance, l’itinéraire d’Emile Boustani m’était toujours raconté pour me servir de modèle à suivre. Que dans l’éditorial de M. Issa Goraieb "Un parcours en béton" (OlJ, 13 mars 2013) revenait sur le cinquantenaire de son tragique disparition, et dans le livre que lui a consacré Desmond Stewart "Orphan with a hoop" écrit dans l’esprit des années 60, c’est ce côté bon enfant de doux rêveur qui fait partie des traits de la personnalité d’Emile le bâtisseur. Dans le livre on l’admire sur des photos, dont l’une, jovial dans sa cave à vin à Yarzé. Quel destin brisé… Arrêtez ces guerres, on n’arrive pas de dormir.

    Charles Fayad

    08 h 54, le 09 septembre 2013

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