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Moyen Orient et Monde - Éclairage

En Égypte, le rôle phare de l’armée dans la transition marquée par la violence

Les militaires resteront en position de « garde-fou » dans un pays où la sécurité est une préoccupation importante, selon certains observateurs.
L’Égypte s’est engagée dans une transition devant aboutir début 2014 à des élections, mais l’armée risque fort de conserver un rôle phare pour mater toute éventuelle radicalisation des islamistes violemment réprimés par les autorités, estiment les experts. Jeudi, le ministre de l’Intérieur Mohammad Ibrahim a réchappé à un attentat, et samedi, une bombe a été désamorcée sur une voie ferrée le long du canal stratégique de Suez. Depuis le pic de violence mi-août avec la dispersion dans un bain de sang des campements d’islamistes, l’état d’urgence a été réinstauré, de même qu’un couvre-feu nocturne, élargissant les prérogatives de l’armée.
Or, l’institution militaire, qui a destitué et arrêté le chef d’État islamiste Mohammad Morsi et installé un président et un gouvernement sous la houlette de fait de son chef Abdel Fattah al-Sissi, ne s’effacera que « si la situation de crise se résorbe », estime Jean-Noël Ferrié, spécialiste de l’Égypte. Et ce retrait pourrait n’être que partiel dans un pays dirigé par des présidents issus de l’armée durant près de 60 ans, ajoute le politologue. « La question aujourd’hui est de savoir si l’armée est présente en tant que collectif ayant un programme ou si elle se place dans la continuité, en ayant des militaires à la retraite à des postes-clés dans l’économie ou l’administration », note-t-il.
Alors que le calendrier de la transition a été mis en marche avec le début de la révision de la Constitution, qui précède la tenue d’élections législatives et présidentielle début 2014, l’armée et la police poursuivent sans relâche la répression des islamistes. Après la dispersion dans le sang des rassemblements pro-Morsi au Caire, l’armée multiplie les annonces sur ses offensives dans la péninsule instable du Sinaï, parlant régulièrement de « plus grande opération » et faisant état de la mort de dizaines de « terroristes jihadistes ». Pour Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), cette rhétorique est « dangereuse » car elle permet aux forces de l’ordre de « s’octroyer un permis de réprimer brutalement ».

« Sauveur et non fossoyeur »
Depuis le 3 juillet, plus d’un millier de personnes ont été tuées, des partisans de M. Morsi pour l’immense majorité, et plus de 2 000 membres de sa confrérie des Frères musulmans ont été arrêtés. Or, pour les spécialistes, une frange des islamistes, estimant que l’élection démocratique des Frères musulmans et de M. Morsi en 2012 a été « volés », pourrait se radicaliser et lancer une campagne d’attentats, complétant ainsi « une prophétie autoréalisatrice », selon M. Bitar qui met en garde contre un « cercle vicieux entre répression et violence politique ». Pour lui, il est nécessaire pour éviter cet engrenage « de reconstituer rapidement ne serait-ce qu’une ébauche d’espace politique libéral et démocratique où toutes les composantes de la société pourraient s’exprimer librement ».
C’est ce qui pourrait se dessiner avec le lancement des travaux du « Comité des 50 », chargé de réviser la Constitution, qui inclut deux figures islamistes et seulement deux représentants de l’armée et de la police, face à une majorité de personnalités issues des courants libéraux et de la gauche, selon Jean-Noël Ferrié. Pour ce politologue, « c’est un comité qui représente globalement toutes les tendances et remet ainsi les pendules à l’heure » dans le pays où la Constitution était accusée d’ouvrir la voie à l’islamisation de la législation. Les Frères musulmans toutefois refusent de dialoguer avec les autorités « illégitimes » et sont donc toujours de fait écartés de la transition. M. Morsi avait été élu en juin 2012, alors que l’armée, portée aux nues lorsqu’elle avait pris les rênes du pays pendant 16 mois après la révolte du début 2011, était conspuée dans les rues. Pour M. Ferrié, « cet épisode a échaudé l’armée donc elle a tout intérêt à ne pas diriger directement. Il vaut mieux apparaître comme le sauveur du pays que comme son fossoyeur ». Les militaires, estime-t-il, resteront en position de « garde-fou » dans un pays où la sécurité est une préoccupation importante, avec la crise économique. Quoi qu’il en soit, l’omniprésence de l’armée inquiète les militants des droits de l’homme qui voient se multiplier les procès militaires. Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à railler les propos du président par intérim Adly Mansour qui a assuré qu’« aucun civil n’a récemment été jugé par un tribunal militaire », le jour même où la justice militaire annonçait avoir condamné 52 Frères musulmans, dont un à la réclusion à perpétuité.
(Source : AFP)
L’Égypte s’est engagée dans une transition devant aboutir début 2014 à des élections, mais l’armée risque fort de conserver un rôle phare pour mater toute éventuelle radicalisation des islamistes violemment réprimés par les autorités, estiment les experts. Jeudi, le ministre de l’Intérieur Mohammad Ibrahim a réchappé à un attentat, et samedi, une bombe a été désamorcée...

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