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À La Une - Sécurité

À la peur des attentats s’ajoute désormais, au Liban, la crainte des frappes contre le régime syrien

Après les attentats de Roueiss et de Tripoli qui ont paralysé la vie économique du pays, la vie tente de reprendre son cours. Mais la peur règne à Beyrouth, en cette période de rentrée scolaire, à l’heure où la menace de frappes contre la Syrie semble se préciser.

Le mouvement dans les principaux quartiers commerçants de la capitale reste timide en raison des appréhensions nées des derniers attentats et de la perspective d’une escalade dans la guerre syrienne.

Hamra, un jour de semaine ordinaire. La rue principale grouille de voitures qui klaxonnent à qui mieux mieux. Des piétons se promènent sur les larges trottoirs. Quelques familles arabes font du lèche-vitrine. Aux terrasses des cafés, des clients sirotent leur latte. Certains lisent le journal, d’autres, attablés en groupe, bavardent et refont le monde. Les restaurants, par contre, sont déserts. Pas le moindre client à l’heure du déjeuner, en cette chaude journée estivale. Pas grand monde non plus dans les magasins qui affichent pourtant d’alléchants soldes.


De rares commerces tirent leur épingle du jeu : la librairie de toujours qui travaille plus ou moins normalement en cette période de rentrée scolaire, et qui semble plus touchée par « l’essor du marché du livre scolaire usagé » que par la crise sécuritaire ; et une enseigne internationale de vêtements à bas prix qui affiche déjà 30 % de rabais sur la nouvelle collection d’automne. « Achetez deux pièces, nous vous offrons la troisième », indiquent deux grands panneaux en arabe et en anglais, qui ornent la vitrine du magasin. « Habituellement, nous sommes en soldes deux fois par an. Mais cette année, c’est la quatrième fois, affirme Ali, l’un des directeurs, car la baisse de fréquentation est sensible. Notre chiffre d’affaires est en baisse de 30 à 40 % », déplore-t-il.

 


Absence de mesures concrètes
Il faut dire que Hamra craint les attentats, comme l’ensemble du pays. De même que les répercussions dramatiques de la crise syrienne. L’animation qui règne n’est qu’une façade. « La rentrée scolaire est habituellement une période de grande affluence », note le manager, montrant les quelques clientes qui recherchent minutieusement les bonnes affaires. En période d’insécurité, les gens rechignent à la dépense. « Estimons-nous heureux. Hamra, avec sa clientèle arabe, syrienne ou irakienne aisée, est mieux nantie que d’autres régions, ou même que les malls, désertés par la clientèle », constate-t-il. « Mais sommes-nous à l’abri ? » ne peut-il s’empêcher de demander, faisant un geste en direction de la file de voitures garées dans la rue et évoquant, non sans inquiétude, l’absence de mesures concrètes de surveillance des parkings du quartier.


Car le malaise est palpable. Un petit groupe d’occidentaux qui marche à vive allure attire l’attention. Les touristes ont bel et bien déserté le pays. « Nous attendons en vain la clientèle », note la propriétaire d’une célèbre boutique de lingerie. « Ma première cliente est entrée à midi, poursuit-elle. Elle a acheté quelques sous-vêtements. Et dire que nous ne désemplissions pas. Les hôtels environnants regorgeaient de ressortissants arabes ou occidentaux. Aujourd’hui, ils sont vides. La saison entière a été catastrophique à cause de la crise syrienne. La porte ne s’ouvre plus que pour laisser entrer les mendiants qui quémandent à longueur de journée. »
Des propos confirmés par la clientèle de cette boutique. « Non seulement nous avons peur, mais nous sommes terrorisés », affirme Mona, « une survivante qui refuse de baisser les bras », comme elle se présente. Et qui continue de vivre normalement. « Advienne que pourra », dit-elle, fataliste, craignant « les répercussions de la crise syrienne sur le Liban et le fanatisme qui en découle, même au niveau des médias ».

 


Crainte d’un embrasement régional
Et pourtant, les terrasses des cafés ne désemplissent pas, contrairement aux restaurants. « Les deux jours qui ont suivi les attentats, nous avons accusé une nette baisse de fréquentation », reconnaît la responsable d’un café. Mais aujourd’hui, la vie reprend progressivement son cours, surtout en journée. « Le quartier se vide toutefois, en soirée », précise-t-elle. Un habitué lit son journal, sirotant son café. A-t-il peur ? « Non. À chacun son destin », dit-il, philosophe. Il évite pourtant les lieux où il y a trop de monde. Mais demeure fidèle à Hamra, en toutes circonstances. « La situation est mauvaise », regrette toutefois ce médecin à la retraite, qui craint « un embrasement régional », avec les menaces de frappes occidentales contre le régime syrien. Et il ne manque pas d’accuser les médias « de jeter de l’huile sur le feu ».


Attablé dans ce même café, avec sa grand-mère, Jad, un garçon de 10 ans, est impatient de repartir au Canada où il vit. « Mes parents ne me laissent pas faire grand-chose ici, indique-t-il. Je dois toujours rester dans leur champ de vision. » L’enfant se remémore les étés où la famille sillonnait le Liban, du Nord au Sud. Désormais, on m’autorise juste à aller à la plage. De son côté, sa tante, mère d’un bébé, ne supporte plus la précarité de la situation. « On n’en peut plus de rester confinés dans les appartements. Cela fait 4 ou 5 jours que je n’ai pas mis les pieds à Hamra, par peur des attentats. Je voudrais tellement quitter le pays », dit-elle.


Il faut dire que la psychose ambiante est alimentée par les messages SMS envoyés en masse il y a quelques jours, conseillant aux usagers d’éviter les centres commerciaux. Sans parler des prévisions catastrophes de la voyante Leila Abdel Latif, qui ont encore plus sapé le moral des Libanais. « La montagne reste le lieu le plus sûr, estime la jeune mère. Mais encore faut-il ne pas craindre de prendre la voiture. »

 

 

(Pour mémoire : C’est surtout au Liban qu’Assad concrétiserait ses menaces contre la France...)

 


L’excès de zèle qui dérange
Achrafieh. Ce même jour de la semaine. La place Sassine est calme. Trop calme pour un jour ordinaire. Pas d’embouteillage ni d’attente au carrefour. Juste quelques klaxons qui mettent un peu d’ambiance. Même les piétons se font tirer l’oreille. Ils boudent les cafés du quartier, grouillant d’étudiants ou d’hommes d’affaires, d’ordinaire. Pianotant sur son téléphone portable, Petra, la jeune serveuse d’un café de la place, attend désespérément le client. La peur des attentats est évidente. Mais elle est loin d’être l’unique raison. « Les gens évitent de dépenser leur argent en cette période de crise régionale », estime la jeune femme. « Ils craignent les frappes contre la Syrie, voire une guerre régionale », observe-t-elle. Résultat, la direction doit se résoudre à jeter d’importantes quantités de nourriture.
Même calme plat au kiosque d’Achrafieh. C’est pourtant jour de Loto. « D’habitude, la queue s’étire jusqu’à la rue », raconte la caissière. « Je suis le baromètre du quartier, note le propriétaire. Le travail est au plus bas depuis les attentats. La psychose a paralysé le marché. » Une psychose palpable que décrit une mère de famille. « Je ne sors pas de la maison, dit-elle. Je limite aussi les déplacements de mes enfants. » Il faut dire que les rumeurs n’arrangent pas les choses. « Il paraît qu’ils ont trouvé une voiture suspecte dans Achrafieh, raconte-t-elle. Il paraît aussi que le centre commercial d’à côté a reçu des menaces. »


À la terrasse d’un autre café à l’enseigne internationale, quelques tables sont occupées. La clientèle est principalement jeune. Ici, on ne semble pas trop souffrir de la crise. Mais on est vigilant. La veille, une voiture garée a semé la panique. Et puis les forces de l’ordre sont aux abois. « Cela rassure les gens », souligne le responsable. Mais un étudiant déplore les excès de zèle aux barrages sécuritaires. « Ils m’ont retenu une bonne demi-heure, hier en soirée, à Tabaris, raconte-t-il. Ils ont fouillé ma voiture de fond en comble. Devant ma colère, ils m’ont menacé de m’emmener au poste de police. J’ai dû faire intervenir quelqu’un de haut placé. »


Quelques tables plus loin, une mère et son petit garçon mangent un snack. Ils habitent un quartier de Beyrouth, jugé « moins sûr ». « Je pensais ne pas ressentir le stress en zone chrétienne », avoue Nisrine, une expatriée qui passe ses vacances au Liban. « Mais je réalise que la peur des attentats règne partout. Même place Sassine, les cafés sont vides », constate-t-elle, déçue. La jeune femme n’ose plus se rendre dans les centres d’achat ni même chez son coiffeur, pourtant sous la maison. « Nos nerfs nous lâchent », regrette-t-elle.


À la peur des attentats s’ajoute désormais la crainte d’une guerre régionale. La psychose s’installe, à chaque coin de rue. Renforcée par les bandes colorées qui ornent les quartiers, interdisant le stationnement des voitures, et par les contrôles sécuritaires, qui touchent désormais les piétons. La rentrée scolaire approche à grands pas. Et avec, monte l’inquiétude des parents et des institutions, soucieux de gérer la crise au mieux, sans pour autant plonger les élèves dans la panique.

 

 

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