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À La Une - Syrie

Syrie : Ultimes passes d'armes avant le passage à l'acte

Poutine demande des « preuves convaincantes » ; Paris et Washington tentent de mobiliser la communauté internationale.

Des militants pacifistes ont interrompu hier le secrétaire d’État américain John Kerry qui participait à une audition publique à la Chambre des représentants. Jason Reed/Reuters

De Washington à Moscou, en passant par Paris, l’effervescence diplomatique suscitée par les événements en Syrie n’a pas connu de répit hier.


Le président russe Vladimir Poutine a exigé des « preuves convaincantes » d’un éventuel recours aux armes chimiques par son allié syrien, affirmant que son pays serait dans ce cas prêt « à agir le plus résolument et sérieusement possible ». Il a néanmoins souligné que ces preuves « ne doivent pas se baser sur des rumeurs ou des informations reçues par les services secrets lors d’écoutes, de discussions, etc. ». Il a en outre jugé, dans une mise en garde au Congrès américain, qu’une frappe sans l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU serait une « agression ». M. Poutine a également indiqué que la Russie avait suspendu ses livraisons à Damas de batteries sol-air S300, des systèmes de défense antiaérienne et antimissile perfectionnés. Moscou a par ailleurs souligné les conséquences « catastrophiques » que pourrait avoir une attaque occidentale, si un missile venait à frapper – volontairement ou involontairement – un réacteur nucléaire de recherche situé près de Damas.


De son côté, le président américain Barack Obama doit s’entretenir aujourd’hui et demain à Saint-Pétersbourg avec ses homologues français et chinois et avec le Premier ministre japonais pour tenter de rallier davantage de partenaires à sa politique syrienne. En revanche, aucune rencontre bilatérale n’est prévue avec M. Poutine. M. Obama a affirmé hier que c’était au monde entier de faire respecter la « ligne rouge » interdisant le recours aux armes chimiques et a appelé ses partenaires à ne pas rester silencieux face à la « barbarie » en Syrie. Le président américain a ainsi prévenu la communauté internationale que sa « crédibilité » était en jeu, l’exhortant implicitement à soutenir sa décision de principe de frappes contre le régime de Bachar el-Assad. « Ce n’est pas moi qui ai fixé une ligne rouge. Le monde entier a fixé une ligne rouge quand des gouvernements représentant 98 % de la population mondiale ont dit que le recours à des armes chimiques était odieux et ont adopté un traité interdisant leur utilisation même en cas de guerre », a-t-il avancé. M. Obama, qui a plaidé personnellement auprès d’élus depuis samedi, décrochant le soutien de hauts responsables républicains, s’est dit persuadé que le Congrès voterait en faveur d’une résolution autorisant des frappes limitées.


Pour sa part, afin de convaincre les élus, le secrétaire d’État John Kerry a brandi la menace iranienne, assurant que l’inaction était plus risquée qu’une intervention. Pour satisfaire les plus réticents, un nouveau texte a été élaboré limitant toute intervention à 60 jours, avec la possibilité d’une extension à 90 jours, et interdisant le déploiement de soldats américains pour des « opérations de combat ». Dans l’après-midi, la commission des Affaires étrangères du Sénat a adopté ce projet de résolution. Le texte sera transmis en séance plénière au Sénat, qui reprend ses travaux lundi prochain.

 

(Lire aussi : Des islamistes s’emparent d’une entrée de Maaloula)


Offensive française
Entre-temps, la France, contrainte d’attendre le vote du Congrès américain, s’est lancée dans une offensive diplomatique pour convaincre les autres Européens, plutôt réticents, de lui apporter un soutien concernant les frappes en Syrie. Dans un discours hier à l’Assemblée nationale lors d’un débat sans vote sur l’opportunité de représailles contre le régime Assad, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a dit « compter sur le soutien » des pays européens et du Moyen-Orient, notamment ceux qui sont membres de la Ligue arabe, devant des députés divisés sur le bien-fondé d’une intervention. Le ministre a balayé l’idée que la France soit isolée. « Nous sommes dans une coalition que nous essayons d’élargir », a-t-il insisté. Le fait d’intervenir « va favoriser une solution politique » en Syrie, a promis le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, une prédiction répétée avec insistance par M. Ayrault devant les parlementaires français. « Ne pas réagir serait mettre en danger la paix et la sécurité de la région tout entière », a encore plaidé M. Ayrault.


Toutefois, Alain Marsaud, député UMP de la 10e circonscription des Français établis hors de France, a réaffirmé que Paris se retrouve totalement isolé sur le plan européen et bien seul en réalité dans son opération envisagée de « punition » du régime Assad. « Je ne voudrais pas que l’emploi de la force par la France ait pour conséquence de tuer des Français ou nos alliés libanais à Beyrouth ou ailleurs », a-t-il fait valoir. « Il apparaît aujourd’hui que l’objectif de l’affaiblissement militaire du régime syrien, lequel a obtenu la réaffirmation de soutiens de plus en plus effectifs, ne peut être le moyen de conduire à une table de négociations (...). La poursuite d’une action exclusivement militaire ne conduira pas à une solution politique, gage de retour à la paix civile et de respect des minorités (...). L’existence de l’État libanais comme la présence chrétienne dans la région n’y survivraient pas », a encore dit M. Marsaud.


Ailleurs dans le monde et plus proche de nous, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a répété que son pays était disposé à faire partie d’une coalition internationale contre la Syrie, sans toutefois préciser si une telle adhésion impliquait une intervention militaire. À Londres, le Premier ministre David Cameron a défendu le principe de frappes militaires américaines en estimant qu’en leur absence, le régime syrien commettra de nouvelles attaques à l’arme chimique. Il a redit que la Grande-Bretagne ne participerait à aucune intervention militaire, conséquence du vote négatif des parlementaires britanniques sur la question. Voix discordante, le groupe international des « Anciens » (Elders) dirigeants, dirigé par l’ex-secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, s’est prononcé contre une intervention militaire.

 

(Lire aussi : Vote au Congrès américain sur la Syrie : les scénarios possibles)


À Damas enfin, le régime a réaffirmé qu’il ne cèdera pas face aux menaces occidentales même si cela devait dégénérer en « Troisième Guerre mondiale ». Le gouvernement compte sur ses alliés comme la Russie et l’Iran face à l’axe franco-américain, a affirmé le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Moqdad. Il a également indiqué que Damas avait pris « toutes les mesures » pour faire face à une attaque. « La Syrie, en vertu de la Charte de l’ONU, a le droit de riposter à une telle agression qui n’a aucune justification dans le droit international », a-t-il assuré. « Personne ne peut prédire la situation dans la région après le début de cette agression », a encore prévenu M. Moqdad. Le vice-ministre s’en est pris violemment à la France, l’accusant d’être « inféodée » à Washington. « Il est honteux que le président français (dise) si le Congrès approuve, je vais en guerre, sinon je n’irai pas, comme si le gouvernement français n’avait pas son mot à dire (...). La France mérite mieux que ça », a-t-il affirmé.


Concernant l’attaque chimique, M. Moqdad a réaffirmé que le gouvernement syrien « ne peut pas avoir utilisé sous aucune forme de telles armes, si elles existent, contre son propre peuple. Ces substances chimiques sont parvenues aux terroristes à travers la Turquie, il y a aussi deux kg de sarin venus de Libye qui ont été saisis ».

 

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