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À La Une - Syrie

Paris avance des preuves inculpant Damas

Une « note de synthèse régionale » implique le régime syrien dans l’attaque chimique du 21 août ; Assad menace d’« une guerre régionale ».

L’attaque chimique du 21 août près de Damas a été perpétrée, selon Paris, par le régime syrien et a fait « au moins 281 » morts, selon des informations des services de renseignements français rendues publiques hier par le gouvernement. Ces éléments figurent dans une « note de synthèse » de 9 pages mise en ligne sur le site de Matignon et présentée par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, aux responsables politiques qu’il a réunis lundi en fin de journée.Thomas Coex/AFP

La France a diffusé hier sur Internet des preuves de la responsabilité, selon elle, du régime syrien dans l’attaque chimique du 21 août, réunies dans une « note de synthèse nationale de renseignement », selon laquelle ce jour-là, « le régime syrien a lancé une attaque sur certains quartiers de la banlieue de Damas tenus par les unités de l’opposition, associant moyens conventionnels et usage massif d’agents chimiques ». « L’attaque du 21 août ne peut avoir été ordonnée et conduite que par le régime », ajoute ce rapport, qui parle d’« emploi massif et coordonné d’agents chimiques contre la population civile ». Une telle opération requiert « un niveau de sophistication qui n’appartient qu’au régime », a précisé une source gouvernementale française, soulignant que l’attaque chimique avait été lancée à partir de zones « tenues par le régime » vers des zones « intégralement tenues par les rebelles ».

« Sur la base d’une analyse méthodique de 47 vidéos originales des événements du 21 août (...) ont été recensés au moins 281 décès », selon la note de synthèse nationale de renseignement. Même si le gouvernement français n’exclut pas que le bilan soit supérieur, cette évaluation est bien inférieure à celle livrée par les États-Unis qui avaient estimé vendredi à 1 429 morts dont 426 enfants le bilan de cette attaque.

 

 

Syrie Synthese Nationale de Renseignement Declassifie 02-09-2013(2)

 

 

 

De son côté, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a déclaré hier que le président français François Hollande « continue son travail de persuasion pour réunir dans les meilleurs délais (une) coalition ». « Il n’est pas question pour la France d’agir seule », a-t-il insisté, confirmant qu’un débat du Parlement demain se ferait « sans vote », contrairement aux procédures britannique et américaine.

 

 

(Pour mémoire : « On était prêts, le ciblage était fait, mais il est bien clair qu’on est obligés de suivre le tempo des Américains »)


Côté syrien, le président Assad a mis en garde une nouvelle fois l’Occident sur les conséquences d’une attaque contre son régime. « Le Moyen-Orient est un baril de poudre et le feu s’en approche aujourd’hui », a-t-il affirmé au journal Le Figaro, dans une rare interview à un média occidental. « Le risque d’une guerre régionale existe », a-t-il ajouté, menaçant Paris de « répercussions négatives (...) sur les intérêts de la France » en cas de frappes. Un peu plus tôt, le délégué permanent de la Syrie aux Nations unies a demandé au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon d’œuvrer en vue d’« empêcher toute agression contre la Syrie », a rapporté hier l’agence officielle SANA.

 

 

(Lire aussi : Hollande "piégé" par Obama, selon la presse française)


Guerre des mots et mises en garde
Parallèlement, Washington et Paris tentaient encore de convaincre leurs opinions de la nécessité de frapper le régime syrien. Le président américain Barack Obama a multiplié à cet égard avec son entourage les appels téléphoniques à destination de membres de la Chambre des représentants et du Sénat pour tenter de convaincre les élus. En outre, le président devrait envoyer aujourd’hui le secrétaire d’État John Kerry et le secrétaire à la Défense Chuck Hagel témoigner devant la commission des Affaires étrangères lors d’une audition ouverte au public. Selon un collaborateur du Sénat s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, le général Martin Dempsey, plus haut gradé américain, participera aussi à l’audition.


Par aileurs, M. Kerry, invité à participer samedi à Vilnius à une réunion de ses homologues des 28 pays de l’Union européenne, pour discuter notamment de la Syrie, a assuré que les États-Unis avaient reçu et analysé des échantillons prouvant l’utilisation de gaz sarin dans l’attaque du 21 août, qu’il a attribuée au régime de Damas, au lendemain d’une réunion de la Ligue arabe appelant la communauté internationale à prendre les mesures de « dissuasion » nécessaires contre le régime de Damas.


À Bruxelles, le secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen a été dans le même sens, se disant « convaincu que non seulement une attaque chimique s’est produite (...) mais que le régime syrien en est responsable », précisant avoir eu accès à des informations « concrètes » classifiées de pays membres de l’Alliance. Côté israélien, le président israélien Shimon Peres a défendu hier la décision de son homologue américain de demander l’aval du Congrès pour une intervention militaire en Syrie, alors que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se dirait plutôt favorable à une intervention de grande ampleur, estimant qu’une action militaire limitée aggraverait les difficultés dans ce pays.

 

(Eclairage : L’étrange coup de poker de Barack Obama)

 


Les alliés de Damas
De leur côté, les soutiens indéfectibles du régime de Damas s’organisent. À trois jours d’un sommet du G20 jeudi à Saint-Pétersbourg – durant lequel aucun tête-à-tête n’est prévu entre Vladimir Poutine et Barack Obama –, la Russie a réitéré son opposition à une frappe contre son allié syrien. La Russie va néanmoins envoyer une délégation parlementaire aux États-Unis pour discuter de la Syrie avec des membres du Congrès américain, ont annoncé hier les dirigeants des deux Chambres du Parlement russe au cours d’une rencontre avec M. Poutine. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a assuré hier qu’une intervention contre Damas pourrait « reporter pour longtemps, voire à jamais, les perspectives » d’une conférence de paix en vue d’un règlement du conflit syrien, et que les informations présentées par les États-Unis et leurs alliés concernant l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien « ne convainquent absolument pas » la Russie.


En Iran, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a affirmé que son pays était « prêt à trouver une solution pacifique » en Syrie, tout en rejetant de nouveau toute intervention militaire étrangère dans ce pays. Même son de cloche pour la Chine, qui s’est déclarée hier « vivement préoccupée » par l’éventualité d’« actions militaires unilatérales » visant le régime de Damas et a continué à affirmer que seule une « solution politique » était envisageable pour résoudre la crise syrienne.

 

(Lire aussi : Mobilisation du Hezbollah en prévision d’une frappe éventuelle en Syrie)

 


Violences continues
Sur le terrain, l’armée loyaliste etait toujours en état d’alerte même si la perspective d’une frappe américaine s’est éloignée, a affirmé hier un haut responsable des services de sécurité, tandis que les violences se poursuivaient. En effet, près de 90 rebelles ont été tués en 48 heures autour de Damas, dont une vingtaine dans une embuscade tendue par l’armée hier, a annoncé l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). « Au moins 29 rebelles, dont des non-Syriens, ont été tués dans une embuscade tendue par les forces spéciales de l’armée et les combattants chiites du Hezbollah » à Adra, au nord-est de Damas, a affirmé dans un communiqué cette organisation qui s’appuie sur un large réseau de militants et de sources médicales et militaires à travers la Syrie. De son côté, l’agence officielle SANA, citant une source militaire, a indiqué qu’« une unité de notre armée valeureuse » avait tué « lors d’une embuscade bien préparée, la majorité des membres d’une unité du groupe terroriste al-Nosra qui tentaient de s’infiltrer vers la route orientale ». L’OSDH a fait état de morts et de blessés du côté de l’armée du régime mais sans être en mesure d’en préciser le nombre, au lendemain de combats qui ont fait pas moins de 46 morts côté rebelles, à Rouheiba, au nord-est de Damas. Onze autres insurgés ont péri lors d’autres combats, dans la province de Damas, toujours selon l’OSDH.

 

(Reportage : À Damas, on se presse dans les jardins publics pour oublier la guerre)

 

Cette ONG a par ailleurs fait état de violents combats à Homs, dans le centre de la Syrie, où l’armée tente de reprendre aux rebelles le centre historique de la ville au prix d’incessants accrochages. Selon l’OSDH, les rebelles avaient abattu un avion de combat dimanche dans la région de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, et le sort de son pilote reste inconnu. L’armée de l’air syrienne a mené le même jour deux raids aériens, visant des positions rebelles à Daraya, au sud-ouest de Damas.


Enfin, la Russie a dépêché un navire de reconnaissance et de surveillance électronique vers la côte syrienne en Méditerranée orientale, tandis qu’un porte-avions américain déployé depuis plusieurs mois dans la mer d’Oman se déplace en direction de la Syrie, vers la mer Rouge, a rapporté de son côté la chaîne de télévision ABC News.

 

 

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