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Liban - Agriculture

Au Liban, une apiculture traditionnelle en pleine mutation

Le Liban n’est que peu touché par le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles, phénomène multifactoriel qui touche les espèces européennes, ravageant les colonies d’Europe et surtout des États-Unis. L’État doit néanmoins moderniser ce secteur encore très traditionnel.

Abdel Nazer Masri œuvre depuis sept ans à la construction d’un centre apicole.

À Salima (Mont-Liban), les apiculteurs s’organisent autour de l’énergique Abdel Nazer Masri. Depuis sept ans, il travaille à la construction d’un centre apicole « pour nous, les apiculteurs », dit-il, proposant conférences, formations et accès à un matériel coûteux. Le centre rural et forestier du Haut-Metn est né d’une coopération entre la coopérative des apiculteurs de cette région (qui représente plus de 2 500 ruches et une petite centaine d’apiculteurs) et l’AFDC (Association pour la forêt, le développement et la conservation), sur un terrain mis à disposition par la municipalité. Un accueil chaleureux, un miel paradisiaque et Rayan, sept ans, « le plus petit agriculteur du Liban » comme ils l’appellent. Il s’occupe, avec son père, des cinquante-deux ruches que recèle le centre.


Une fois le long labeur des butineuses terminé, le miel peut se déguster directement « en rayon » : dans (et avec) la plaque de cire alvéolée où les abeilles le stockent naturellement. Conditionné en pot, « il peut être conservé pendant des milliers d’années : on en a même retrouvé dans les pyramides égyptiennes », explique à L’Orient-Le Jour Ramzi Moughrabi, du département apicole du ministère de l’Agriculture. Aujourd’hui, on obtient ce résultat par centrifugation à l’aide d’un extracteur (grande cuve cylindrique dans lequel on place les plaques pour en extraire le miel).
Mais ce matériel est très coûteux, en particulier pour l’écrasante majorité des apiculteurs qui pratiquent l’activité en amateurs ou en complément d’une autre profession. La coopérative du Haut-Metn leur permet d’économiser ces frais en proposant les machines du centre à ses membres. Ainsi, il y a peu de temps, trois cuves de plusieurs dizaines de kilos attendaient que leur propriétaire vienne les récupérer.

 


Un secteur encore très morcelé
Malgré ces initiatives utiles et très ciblées, le secteur tarde à se moderniser. Dany Obeid, apiculteur concerné par la cause du secteur, estime à 95 % la proportion d’amateurs dans l’apiculture. Il s’agit donc d’un secteur très morcelé, « très mal ordonné », selon M. Obeid. « Il n’y a pas de syndicat, juste quelques coopératives, mais elles ne sont pas structurées à l’échelle nationale », poursuit-il.


Pour M. Moughrabi – qui représente à lui seul l’ensemble du département apicole du ministère –, les coopératives manquent d’efficacité car « elles ne travaillent pas de façon professionnelle ». Ainsi, la priorité est donnée à la formation professionnelle, dans le cadre d’un effort de modernisation voulu par les autorités. Le ministère ne souhaite pas effacer complètement l’aspect ancestral et traditionnel de l’apiculture, mais tient également à la professionnaliser, toujours selon le responsable. « Nous voulons aider les apiculteurs moyens à devenir de bons apiculteurs, à travers un institut technique d’apiculture par exemple », dit-il. Le centre de Salima y travaille aussi de son côté, proposant des formations et congrès annuels.


Dans l’objectif de rendre ce produit local compétitif sur le marché international, « on travaille sur la qualité et la quantité », explique M. Moughrabi. « Il faut planter de nouvelles prairies pour augmenter la production et donc diminuer les prix », poursuit-il. Il veut également travailler sur l’affinement de la race locale d’abeilles, Apis meliferasyriaca, de plus en plus métissée par des importations caucasiennes, égyptiennes et iraniennes.

 


Une qualité « exceptionnelle » malgré un prix élevé
Mais au-delà du fait que son prix reste bien plus élevé que celui des productions industrielles de certains pays, le miel du Liban tire son avantage compétitif de sa qualité exceptionnelle, grâce à la topographie et la biodiversité hors pair qui caractérisent le pays. Mais cette qualité est, comme ailleurs, mise en danger par un usage excessif et inapproprié de pesticides. Après avoir testé les miels de trente régions libanaises, le ministère a modifié le traitement qu’il distribue contre la varroa (maladie commune mais dévastatrice si elle n’est pas traitée), pour le remplacer par une substance naturelle. De plus, une décision ministérielle du 16 juillet instaure une limite maximale de résidus non naturels autorisée et les standards Libnor déterminent des critères de qualité pour tous les produits alimentaires du pays. Si M. Moughrabi a proposé au ministre Hussein Hajj Hassan un projet de label « naturel » pour le miel libanais, il n’a pas encore obtenu de réponse.


Le responsable souligne aussi le peu de marge de manœuvre du département qui n’a pas de budget propre. Seul un budget est prévu pour la varroa. Fixé à l’avance par le ministre, ce budget ne peut être modulé par le département apicole. Par ailleurs, ce dernier essaie d’obtenir que le ministère plante un maximum d’arbres mellifères (eucalyptus, cerisiers, acacias...) sur les 40 millions prévus par un projet de reboisement. Ces plantes sont productrices du nectar que les abeilles transforment en miel.


Alors que le commerce du miel se fait aujourd’hui surtout entre connaissances et voisins, le magasin L’Atelier du miel vient d’ouvrir ses portes rue Chéhadeh, à Achrafieh. À en croire l’un des cofondateurs, il est « l’un des seuls uniquement dédiés au miel » au Liban. Les propriétaires y vendent leur propre production. L’accent est mis sur la diversité et l’aspect naturel du produit : dans une optique de qualité, ils conservent 95 % de leur miel afin de nourrir les abeilles durant l’hiver, évitant ainsi l’utilisation de compléments artificiels. Une nouvelle tendance qui pourrait faire des émules et aider à développer le secteur.

 

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