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Économie - Quatre questions à...

« L’on ne peut pas blâmer les réfugiés syriens de tenter de subsister »

Thierry Benlahsen, coordinateur régional des urgences, Handicap International

Le Liban est l’un des pays au Moyen-Orient dans lequel l’organisation non gouvernementale Handicap International est présente depuis longtemps, soit 1987, indique le coordinateur régional des urgences,Thierry Benlahsen.

Pouvez-vous présenter l’organisation non gouvernementale (ONG) Handicap International ?
Handicap International est une ONG indépendante et impartiale créée en France en 1982. Sa création découle d’un mouvement d’indignation contre la situation rencontrée, à l’époque, au Cambodge par plusieurs milliers d’amputés, conséquence du conflit qui avait ravagé le pays ; rien n’avait été prévu pour les aider à subvenir à leurs besoins. Pendant les 30 années qui ont suivi, Handicap International s’est développée et a étendu ses activités à plus de 60 pays à travers le monde. Elles comprennent un travail de plaidoyer afin de bannir toutes les formes de bombes contre les personnes : bombes à sous-munitions, mines antipersonnel... Handicap International a d’ailleurs initié la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel (aussi appelée Convention d’Ottawa), déposée en 1997 auprès du secrétaire général des Nations unies et entrée en vigueur le 1er mars 1999 – une initiative pour laquelle l’ONG a été lauréate du prix Nobel de la paix en 1997. Sur le terrain, notre travail comprend le soutien aux réfugiés, comme dans le camp de Dadaab au Kenya, la sensibilisation au danger des mines et l’aide directe aux handicapés, comme au Rwanda, en Haïti ou au Liberia, une présence auprès des familles de handicapés, comme en Colombie ou au Burundi, le soutien aux victimes des maladies « oubliées », comme la lèpre ou la filariose au Burkina Faso, en plus d’une action directe de déminage comme au Laos, au Mozambique et au Liban. En résumé, nous nous engageons à suivre et aider les personnes depuis la crise la plus aiguë jusqu’aux problèmes de développement les plus chroniques, en tentant toujours de rendre une autonomie et une dignité aux personnes vulnérables.


Quel est votre rôle précis au Liban ? Quel est le nombre de vos bénéficiaires et à combien s’élève, en moyenne, le montant mensuel de l’aide que vous octroyez aux familles?
Le Liban est l’un des pays au Moyen-Orient où nous sommes présents depuis longtemps, soit 1987. Nous sommes actifs à Beyrouth, Saïda, dans l’ensemble du Liban-Nord et dans la région de la Békaa. Nous œuvrons à l’inclusion des personnes en situation de handicap ainsi qu’à la prise en charge des activités de soutien psychosocial aux familles vulnérables dans les camps palestiniens. De plus, au-delà de ces programmes sur le long terme, et malheureusement en raison de l’instabilité chronique qui affecte le pays, nous sommes également intervenus plusieurs fois au Liban dans l’urgence : en 1998 ou encore en 2006 – une année qui a vu la naissance d’un vaste programme de déminage qui continue jusqu’à aujourd’hui et qui s’étend jusqu’au caza de Batroun. Enfin, depuis mai 2012, nous apportons aussi une réponse à l’urgence générée par le conflit syrien, à travers plusieurs programmes. En premier lieu, nous effectuons l’identification et l’évaluation des besoins des 15 à 20 % des personnes les plus vulnérables parmi les réfugiés syriens (blessés, handicapés, personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques). Il convient de souligner que ce sont souvent ces personnes qui, malheureusement, passent à travers les mailles du filet humanitaire, n’étant pas assez informées ou en mesure de se déplacer... Nous faisons en sorte de nous assurer qu’ils puissent avoir accès à une aide humanitaire. Sur le plan des besoins spécifiques, nous apportons un soutien direct à ces personnes en leur fournissant des aides à la mobilité (fauteuils roulants, béquilles, etc) et des soins de réadaptation fonctionnelle (physiothérapie, aide au déplacement). Nous fournissons également des prothèses et des orthèses, ainsi qu’un accès à des soins psychosociaux. Sur un plan plus général, nous essayons d’apporter une réponse aux besoins de base des réfugiés : biens alimentaires et non alimentaires de première nécessité, isolation thermique de leur logement en hiver...

En ce qui concerne le nombre total de nos bénéficiaires, il englobe trois blocs distincts ; nos données concernent la période allant de l’été 2012 à aujourd’hui :
- les personnes blessées : nous en avons accompagné 1 650 ;
- les familles dont au moins un membre a des besoins spécifiques : 4 500 ;
- les personnes bénéficiant de la distribution de produits alimentaires et non alimentaires : nous totaliserons 80 000 bénéficiaires en janvier 2014.
Sur le plan du montant mensuel de l’aide octroyée par famille, il peut aller de 200 dollars, soit la valeur d’un kit de produits non alimentaires, à 500 dollars pour pallier les besoins spécifiques d’une personne.


Comment financez-vous vos activités ?
Grâce aux généreuses contributions de nos donateurs privés et des grands donateurs institutionnels, dont l’Union européenne (UE), les coopérations suisse, belge, luxembourgeoise, l’Agence canadienne de coopération et de développement international ...


Selon vous, quel est l’impact économique des réfugiés syriens au Liban ?
Il est extrêmement difficile à analyser. Mais nous devons prendre en compte deux particularités. En premier lieu, toutes les strates socio-économiques sont représentées au sein des réfugiés syriens. Un agriculteur de Homs et un cadre supérieur damascène sont différemment armés pour subvenir à leurs besoins ; leurs mécanismes de résilience ne sont pas les mêmes. En outre, contrairement à ce qui a pu se passer au Liban pendant la guerre civile, les Syriens ont beaucoup moins de possibilités d’alterner entre leur chez-soi et leur mouvement de fuite. De fait, beaucoup de réfugiés sont dans l’impossibilité de retourner chez eux ; or le niveau de destruction en milieu urbain est énorme. Pour résumer, un grand nombre de réfugiés ont tout perdu. Ces deux particularités font qu’un nombre impressionnant de Syriens ont beaucoup de mal à assurer leur subsistance, d’autant que le coût de la vie au Liban est bien plus élevé que chez eux ; leurs économies leur permettent de tenir quelque temps, mais le moment viendra où il faut nourrir sa famille. Une situation qui, d’ailleurs, génère parfois des charges supplémentaires pour les nombreux Libanais qui accueillent leurs proches et amis syriens. Tout cela pour dire que le marché libanais est aujourd’hui inondé par une main-d’œuvre bon marché et incapable d’absorber tout le monde. D’autres Syriens ont été contraints de monter leurs propres marchés clandestins de subsistance, comme l’illustre la multiplication des magasins illégaux, déplorée par les organismes économiques libanais.

Au final, l’on ne peut pas blâmer les réfugiés syriens de tenter de subsister. Le plus grand défi à venir pour le gouvernement libanais sera donc de soutenir l’intégration économique de ces réfugiés, qui sont là pour rester. La communauté internationale et les États membres des Nations unies doivent s’engager à accompagner le Liban à cet égard, sous peine de se retrouver très rapidement dans une impasse...

 

 

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