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À La Une - Liban

Bilan sanitaire plutôt positif malgré les défis de l’afflux massif de réfugiés syriens

Les conditions de vie déplorables dans lesquelles vivent les réfugiés syriens font craindre à de nombreux spécialistes une sérieuse crise sanitaire dans les pays hôtes. Cependant, trois ans après le début de la crise syrienne, les épidémies ont pu être évitées au Liban, grâce, selon les responsables sanitaires libanais, à un système de santé solide.

Une dame syrienne s’approvisionne en eau. Souvent, les réfugiés syriens n’ont pas accès à une eau salubre.  Photo Ibrahim Chalhoub/AFP

Un article publié le 29 juin dernier dans la revue médicale The Lancet mettait en garde contre la « catastrophe humanitaire et sanitaire régionale » que représente la guerre en Syrie. Les auteurs de cet article, Adam Coutts, du département de sociologie à l’Université de Cambridge en Grande-Bretagne, et Fouad M. Fouad, professeur en santé publique à l’Université américaine de Beyrouth, attribuent les raisons de ce cri d’alarme notamment à « la destruction de la majorité des établissements sanitaires en Syrie » et au fait que ceux du Liban et de Jordanie sont submergés par l’afflux massif des réfugiés syriens. Et pour cause. À la mi-août, ils étaient plus de 688 000 à s’être inscrits auprès du bureau libanais du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Plus de 130 000 autres prévoient de le faire, sans oublier ceux qui ne désirent pas s’inscrire, pour des raisons multiples, souvent d’ordre politique. Les autorités libanaises estiment en fait que plus d’un million et demi de Syriens ont trouvé refuge au Liban, fuyant la violence dans leur pays.
Adam Coutts et Fouad M. Fouad affirment que « le flux des réfugiés syriens, dont le nombre dépassera les 3,5 millions selon les Nations unies, paralyse les systèmes de santé publique dans les pays avoisinants et pourrait causer leur effondrement ». Ils ajoutent que « les salaires et les investissements étrangers baissent, l’assainissement urbain et l’approvisionnement en eau potable font défaut, les écoles et les établissements sanitaires sont surpeuplés ». « Même si les soins de santé primaire et secondaire sont assurés gratuitement pour les réfugiés syriens au Liban, ces derniers sont quand même obligés de faire des dépenses qui sont souvent au-delà des moyens d’un grand nombre d’entre eux », ajoutent les auteurs de l’article, intitulé « La réponse à la crise sanitaire syrienne, pauvre et mal organisée ». Ils précisent dans ce cadre que le HCR couvre jusqu’à 75 % des frais de soins de santé secondaire, mais n’assure pas les frais de traitements lourds comme la chimiothérapie, la transfusion sanguine ou la dialyse. Les réfugiés doivent eux-mêmes couvrir ces frais ou recourir à cet effet à des ONG locales.
Adam Coutts et Fouad M. Fouad concluent en lançant un appel à la communauté internationale pour « considérer sérieusement l’aggravation de la situation humanitaire et sanitaire comme une menace pour la sécurité de la région et pour les propres intérêts des pays ».

Des scénarios inquiétants...
Les mises en garde des auteurs de l’article du Lancet trouvent écho chez le directeur général du ministère de la Santé, le Dr Walid Ammar, qui confie à L’Orient-Le Jour que « les conditions d’hygiène, de malnutrition et d’assainissement dans lesquelles vivent les réfugiés syriens sont les principaux défis à relever, mais aussi la situation financière des hôpitaux gouvernementaux qui risquent de s’effondrer, puisqu’aucun tiers-payant ne couvre les frais hospitaliers des réfugiés ». « Les hôpitaux gouvernementaux ont besoin urgemment de financement, au risque de ne plus pouvoir accueillir les patients, quelle que soit leur nationalité, insiste-t-il. C’est le discours que je tiens d’ailleurs devant les donateurs internationaux. »
D’un point de vue santé publique, les professionnels de la santé craignent « la résurgence d’épidémies liées aux conditions de vie et d’hygiène déplorables dans lesquelles vivent les réfugiés syriens », comme « le choléra ». Le Dr Asaad Kadhum, coordinateur médical de Médecins sans frontières (MSF), l’une des principales ONG œuvrant auprès des réfugiés syriens à Tripoli, dans la Békaa et à Saïda, affirme qu’aucun cas n’a été signalé à ce jour, « mais dans le cadre d’une préparation à une urgence sanitaire, tous les scénarios doivent être envisagés ». « Le choléra est l’un de ces scénarios en Syrie, où la population n’a pas accès à une eau salubre », constate le spécialiste, qui insiste en outre « sur la vigilance et sur la nécessité de prendre les mesures nécessaires » pour pouvoir faire face aux risques sanitaires qui pourraient émerger.
Il note par ailleurs qu’au début de la crise syrienne, il y a trois ans, « nous ne craignons pas vraiment l’apparition d’épidémies ». « Même au niveau des vaccinations, nous étions tranquilles, d’autant qu’en Syrie, ils ont un bon programme d’immunisation, poursuit le Dr Kadhum. Mais comme la guerre tardait, le programme de vaccination ne fonctionnait plus. Les nouveaux venus n’étaient donc pas vaccinés, ce qui augmente le risque d’épidémies. »
« Nous venons de sortir d’une épidémie de rougeole (152 cas diagnostiqués jusqu’au début du mois d’août, selon les chiffres du ministère de la Santé), observe le Dr Ammar. Celle-ci était prévue, l’afflux des Syriens a constitué un élément favorable supplémentaire à son émergence. »

Multirésistance aux traitements
La tuberculose figure également au nombre des maladies fortement diagnostiquées, avec 375 cas au cours des sept premiers mois de l’année 2013, selon les chiffes du ministère de la Santé. Parmi ces cas, « 182 ont été détectés chez des non-Libanais, dont 58 Syriens ». « La tuberculose représente un sérieux problème, d’autant que la majorité des cas enregistrés sont multirésistants aux médicaments, le traitement devient donc plus difficile », signale le Dr Ammar. Des cas d’hépatite A (78 cas jusqu’au début du mois d’août 2013) ont également été enregistrés, ainsi que des cas de leishmaniose cutanée (351 cas au cours des sept premiers mois de l’année en cours, la majorité à la Békaa), une maladie transmise par la piqûre de la femelle du phlébotome (petit insecte qui ressemble à un moucheron). En cette période de chaleur également, les maladies diarrhéiques causées par le manque l’hygiène et d’assainissement constituent un risque d’épidémies. Une vague de poux a été aussi enregistrée dans certaines régions.
« Je suis certainement inquiet, mais je suis également tranquille, puisque les mesures qu’on a prises jusqu’à présent ont prouvé être efficaces », affirme le Dr Ammar. Rappelant que le Liban a été l’un des rares pays qui ont pu faire face efficacement à la pandémie de H1N1, le Dr Ammar indique que dès le début de la crise syrienne, les mesures nécessaires ont été prises par le ministère de la Santé pour faire face aux risques sanitaires. « Nous avons vacciné plus de 400 000 enfants contre la polio, la rougeole, la coqueluche et d’autres maladies, signale-t-il. Nous avons assuré les médicaments pour traiter la leishmania et publié des recommandations à l’intention des conseils municipaux pour lutter contre le phlébotome. De plus, à travers notre système de surveillance épidémiologique, nous réussissons à détecter les cas de maladies contagieuses assez précocement et nous procédons à des isolements lorsque cela s’avère nécessaire. Nous collaborons avec les ONG locales et internationales pour assurer une couverture de l’ensemble du territoire. »
Et le Dr Ammar de réitérer : « Le système de santé libanais est très solide. En fait, l’Organisation mondiale de la santé m’a contacté pour une étude sur la résilience de notre système de santé, précisément parce qu’on n’a pas eu d’épidémies, malgré le grand nombre de réfugiés dans un pays si petit. D’ailleurs, les maladies diagnostiquées jusqu’à présent étaient toutes prévues et plus ou moins contrôlées. »

 

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