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À La Une - En dents de scie

Des hommes et des dieux

Mohammad Azakir/Reuters

Trente-quatrième semaine de 2013.
Non : il n’y aura pas cette communion œcuménique ni ce baptême laïc dans le sang vomi et les chairs calcinées qui feront que dans les deux camps, l’on se réveille, l’on se rende compte qu’on fait partie de la même communauté de destins. Non : il n’y aura pas cette union sacrée autour de la douleur, infinie, autour des mutilations, autour de ce gargantuesque khalas. Non : il n’y aura pas ces mères de Tripoli et de Roueiss qui marcheront ensemble, main dans la main, hijab bien collé et/ou cheveux au vent, pour hurler leurs silences, leurs plaies, leurs vides, vite rejointes par celles d’Achrafieh ou de Baakline. Non : il n’y aura pas Saad Hariri et Hassan Nasrallah qui, de leurs bunkers respectifs, se connecteront enfin, sur Skype ou ailleurs, et filmeront leur dialogue pour le diffuser sur toutes les chaînes locales, sur tous les réseaux sociaux. Non : il n’y aura pas de retour au Liban des miliciens/mercenaires du Hezbollah qui laisseront le gang des Assad tuer et gazer seul ; il n’y aura pas d’immersion dans une absolue distanciation des sunnites libanais de tout genre qui laisseront leurs frères syriens se battre seuls. Non : il n’y aura jamais de leçons qui s’apprennent, jamais (plus), donc, de nation – ni même de pays.
Oui : sunnites et chiites libanais, dans leur immense majorité, se détestent désormais en pleine lumière et se crachent cette haine au visage. Oui : nous y sommes, dans le tsunami des répercussions de la guerre syrienne, nous y sommes jusqu’au amygdales et, surtout, nous y sommes seuls. Oui : la planète qui se tamponne, ou presque, de cette néo-Shoah initiée par le régime syrien dans la Ghouta damascène a très peu de chances de perdre son temps, au-delà des mots, avec cette chronique
libanaise d’un suicide annoncé. Oui : les options qui restent à la disposition des Libanais se comptent sur les doigts d’une demi-main – et encore. Oui : la seule chose à faire est que Tammam Salam, ce midi, du palais de Baabda, propose une formule d’une petite douzaine de femmes et d’hommes agréée par tous les partis et que ce gouvernement se mette immédiatement au travail – et encore : cela n’arrêtera sûrement pas la bête.
Mais cela pourrait l’ennuyer profondément. La contrarier. La brider. Amoindrir ses violences. Parce que, que ce soient les takfiristes ou les alaouites, le Mossad ou les SR argentins, le Hezbollah ou le courant du Futur, ou cent et un autres commanditaires-exécutants, les criminels ne se contenteront pas de Roueiss et de Tripoli. Loin de là. La prophétie Rifi suivie des prédictions de Cassandre désœuvrée de Fayez Ghosn s’avéreront. Nécessairement. Et puis mourront encore et encore, dans un sinistre tango digne de tous les Guinness Books of World Records, des chiites qui n’ont rien à voir avec les mercenaires du Hezb, des sunnites qui n’ont rien à voir avec les takfiristes, des Libanais qui ont juste eu le malheur d’être... nés au Liban. Qu’est-ce qu’on fait ? On transpose tout le monde dans les zones chrétiennes et druzes ? Et qui a dit que ces zones-là seront épargnées ?
Non : il n’y a en réalité pas d’irakisation du Liban – il n’y en a pas eu, il n’y en aura pas. Oui : il y a re-libanisation de ce pays à la géographie maudite par tous les dieux et bourré d’hommes et de femmes qui n’ont rien compris et ne comprendront jamais rien; il y a sur-libanisation du Liban ; il y a le retour à cette guerre des autres de Ghassan Tuéni.
Sauf que cette fois, les autres sont, aussi, libanais.

 

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