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Liban - Interview

La municipalité se veut « à l’écoute du secteur privé et de la société civile »

Nadim Abou Rizk, vice-président du conseil municipal de la capitale, rejette « les a priori » sur la réhabilitation des espaces verts.

Le vice-président du conseil municipal de Beyrouth, Nadim Abou Rizk, expose les plans prévus pour réaménager les espaces verts de la capitale.

L’observation des changements urbains à Beyrouth laisse une impression d’un modernisme qui ravage le patrimoine des bâtiments et des jardins tout à la fois. Des tours hissées entre des maisons d’arcades et de pierre jusqu’aux parcs, de Sanayeh à Jeïtaoui, remodelés, réinventés, parfois sur la base d’un plan controversé (le réaménagement de parkings souterrains par exemple) qui se voit opposer une ferme résistance civile.
Soucieux de faire le point sur les détails des projets de réaménagement des espaces verts à Beyrouth, Nadim Abou Rizk, vice-président du conseil municipal de la capitale, a veillé à accorder à L’Orient-Le Jour une entrevue pour évoquer le plan global « Beyrouth bitjannen ». Ce plan, coétabli avec la région Île-de-France, prévoit « l’accroissement des espaces verts, une nouvelle vision pour les grands jardins à Beyrouth et la réhabilitation des jardins existants ». Le fil conducteur de ce plan est la détermination de la municipalité à « coopérer avec le secteur civil ».


Cette collaboration s’articule d’abord sur une élaboration participative des plans de réaménagement urbain. La municipalité a déjà recouru à l’expertise du secteur privé à ce niveau. C’est ainsi que la réhabilitation du jardin du président René Moawad à Sanayeh a été confiée au groupe Azadea, pour la création du plan dont l’exécution vient par ailleurs d’être entamée. « Nous invitons le secteur privé à prendre en charge la réhabilitation des espaces publics », insiste Nadim Abou Rizk.

 

La rue de Damas, telle qu'elle sera aménagée dans le cadre du projet des liaisons douces, dont la municipalité de Beyrouth a achevé l'élaboration en mai 2013.

 


« Les liaisons douces »
Le savoir-faire de ce secteur intéresserait surtout la municipalité pour l’entretien et l’administration des lieux publics, après leur réhabilitation. « Tout ce qui est pris en charge par le privé est mieux respecté », souligne le responsable municipal.


C’est le privé qui devrait donc être le garant du maintien écologique de la forêt des Pins, que la municipalité a récemment pris la décision de rouvrir (voir par ailleurs).
En outre, Nadim Abou Rizk valorise la collaboration avec les universités, surtout pour le réaménagement de liaisons douces (faciliter le déplacement des vélos et des piétons ; favoriser les espaces verts au niveau des artères...). Déjà, la municipalité a achevé en mai dernier une étude pour un projet de liaisons douces au niveau de toute la rue de Damas.


La municipalité aurait déjà confié à l’Université américaine de Beyrouth le projet de réaménagement de la rue Jeanne d’Arc ; à l’Université libanaise, le réaménagement urbain de la Quarantaine ; et enfin, à l’ALBA, la réhabilitation des escaliers de Saint-Nicolas. La municipalité envisagerait dans ce cadre de créer un observatoire urbain affilié à la municipalité, afin de regrouper les expertises déjà présentes dans les différentes universités.

 

Le jardin du président René Mowad (Sanayeh) aujourd'hui.

 

 

Le projet du jardin du président René Moawad tel qu'il doit se présenter après les travaux de réhabilitation, qui viennent d'être lancés.

 


Entre modernisme et mémoire
Mais existe-t-il vraiment une planification urbaine au Liban ?
Cette question étonne le responsable municipal. « Certainement que cette planification existe », asserte-t-il, sauf qu’elle obéit aux critères de zoning et non à une vision globale de la ville. Par exemple, la hauteur d’un bâtiment est fixée selon la superficie du lot de terrain, mais aussi selon la largeur de la plus grande artère qui borde cette parcelle, explique Nadim Abou Rizk. Il affirme en outre que les permis de construction accordés aux tours sont « conformes aux critères objectifs de la loi, auxquels la municipalité ne peut déroger ».
En même temps, la municipalité ne se cache pas de l’approche moderne qu’elle visionne pour la ville. « Je ne comprends pas l’attachement de certains pour un banc délabré, surtout quand les personnes qui s’opposent à sa réhabilitation avaient oublié son existence », affirme Nadim Abou Rizk avec réalisme. Quid de la mémoire collective dans un jardin de la ville ? « Si Georges Eugène Haussman n’avait pas réinventé la structure de Paris, la ville aurait-elle été ce qu’elle est aujourd’hui ? »


demande le responsable, mettant l’accent en même temps sur le souci de préserver les vestiges précieux du passé. Il en va ainsi de la mosaïque byzantine au jardin des Jésuites, « aujourd’hui rayée par les traces de craie des enfants ». Cette approche sera reproduite au niveau du jardin de Saint-Nicolas, « dont la statue traditionnelle sera préservée et la fontaine élargie pour un plus bel effet ». Cette approche s’applique aux jardins de René Moawad (Sanayeh) ; William Hawi ; Sioufi ; Mgr Élias Audi ; et même le jardin de la Quarantaine, « cette partie de Beyrouth restée intacte », que la municipalité compte réhabiliter selon un modèle inspiré de l’art industriel.
Le risque que cette vision soit contestée impose une communication profonde et précise avec les acteurs civils, à savoir les habitants concernés et les ONG. Or, c’est cette communication qui semble manquer, si l’on remarque déjà l’absence d’un site Web actif de la municipalité. C’est le mohafez de Beyrouth, qui rend exécutoires les décisions de la municipalité, qui aurait refusé de signer la décision de créer un nouveau site Web, explique Nadim Abou Rizk.

 

 


Réhabilitation des transports publics
Indépendamment des limites aux compétences du conseil municipal, ces failles communicationnelles expliqueraient en tout cas la vive polémique entourant le projet de réaménagement du jardin des Jésuites et d’un parking souterrain. « Ce projet a essuyé une attaque virulente avant même d’avoir été parachevé », précise-t-il. Il explique que le parking souterrain envisagé ne sera accessible qu’aux résidents du quartier et ne devrait pas, en principe, conduire à une congestion de la circulation. « Une étude d’impact sur le trafic est en cours et nous sommes prêts, si cela s’avère nécessaire, à revenir sur le projet », déclare-t-il, moquant la thèse selon laquelle la présence d’un parking sous un jardin en ferait un bac à fleurs et non un espace à fonds perdu. Il fait état par ailleurs de l’expropriation, par la municipalité, de cinq parcelles de terrain pour des immeubles-parkings, et annonce un projet de réhabilitation des transports publics, précisément les réseaux de bus... À suivre.

 

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