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Liban - Urbanisme

Le jardin des Jésuites toujours en proie à une polémique urbaine

C’est juste un sursis dont le jardin des Jésuites bénéficie. La polémique entre les défenseurs du site, appelé à être détruit au profit d’un parking souterrain, et la municipalité de Beyrouth bat son plein.

Une aire de jeux appelée à disparaître si la municipalité maintient son projet.

Vendredi, il y avait foule au festival « Les arbres jouent de la musique » à Jeitaoui, mais pas autant que l’espéraient les organisateurs, opposés à un projet municipal de construction d’un parking souterrain sur l’emplacement du jardin des Jésuites, dans le quartier qui porte le même nom. Il n’en demeurait pas moins que la fête était particulièrement réussie. « C’est une action qui a servi », d’après Raja Noujaim, très impliqué dans le combat.


Tout commence le 7 juillet, vers 6h30, lorsque les riverains sont interloqués en voyant des hommes relevant des échantillons du sol du jardin. Ils se révéleront être des employés de la société de conseil Team International, mandatée par la municipalité de Beyrouth pour réaliser des études sur le terrain (même si, selon l’un des activistes, ils avaient d’abord prétendu réaliser une étude universitaire). La population a fortement réagi à cette brusque découverte, qu’elle a considérée comme étant un nouvel exemple du manque de transparence de la part des pouvoirs publics en général, et de la municipalité en particulier.


Un des collaborateurs réguliers de cette dernière cite d’ailleurs son « absence de moyens de communication ». Une page web « toujours en construction, avec un unique numéro de téléphone », bien souvent aux abonnés absents, en est aussi une preuve évidente, selon lui. Interrogé sur ce manque de transparence pour lequel la municipalité est critiquée, Rachid Achkar, membre du conseil municipal de Beyrouth, répond avec justesse : « Comment partager avec le public l’information si elle n’existe pas encore ? »

 


Le plan de la municipalité
Tout d’abord, le projet de parking souterrain au jardin des Jésuites fait partie d’un plan plus large de réaménagement de l’ensemble du quartier de Jeitaoui. Il est le fruit d’une coopération entre la municipalité et la région Île-de-France qui dure depuis 1999. Éric Bouvard en est le représentant ici, à Beyrouth, et il nous renseigne sur le cheminement du projet : « Nous avons identifié onze projets potentiels, sur des sites ou des axes, et la municipalité en a choisi quatre. » Le projet de réaménagement du quartier des Jésuites en fait partie. Pour lui, il ne s’agit « pas seulement d’un projet de parking, mais du réaménagement de tout le quartier pour améliorer la qualité de vie de ses habitants ». Celui-ci prévoit notamment de « mieux gérer l’ensemble de l’espace public », toujours selon Éric Bouvard, c’est-à-dire agrandir les trottoirs, réduire l’espace de circulation dédié aux voitures et installer des pistes cyclables. Du coup, ces aménagements vont « diminuer inévitablement l’espace de stationnement, d’où la nécessité de construire un parking ».


Mais pourquoi précisément sous le jardin ? Éric Bouvard indique qu’il s’agit des seules parcelles disponibles dans le quartier. Parallèlement, la municipalité tient visiblement à réaménager le jardin, indépendamment d’un éventuel problème de stationnement. Elle juge le parc « fermé sur lui-même », d’après M. Achkar. « Il n’invite pas à la détente et au partage. Le concept est obsolète. Le jardin nécessite une ouverture et un partage avec la zone urbaine périphérique », ajoute-t-il.
Malgré tout, il règne dans ce jardin une atmosphère paisible et préservée, avec ses habitués.

 

(Repère : Jardin des Jésuites : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la polémique...)

 


Des protestations nombreuses
Les riverains ainsi que certaines associations et des membres de la société civile s’opposent à ce remodelage, d’abord et surtout à cause de leur attachement au patrimoine historique et culturel beyrouthin et libanais. Le lieu fait depuis longtemps partie de la vie et de l’économie de la ville. Au temps des jésuites, au XIXe siècle, le site comportait une église et une ferme, sur un plateau environ cinq fois plus large que le jardin actuel. Des ruines romaines, des pierres de taille assez massive, sont originellement issues du site. Les mosaïques byzantines qui s’y trouvent avaient été ramenées en catastrophe dans les années soixante du sud du pays. Triste coïncidence, elles étaient également menacées à cause d’un projet d’aménagement. D’autoroute, cette fois.


Le patrimoine naturel du jardin, riche en cyprès centenaires, suscite également des passions, comme celle de Pascale Saad de Green Cedar Lebanon. La municipalité assure avoir prévu « deux zones, au nord et au sud du jardin, dédiées à la conservation des arbres qui resteront en place ou seront replantés in situ ». Pour les zones au-dessus d’un éventuel futur parking, l’équivalent d’un étage serait dédié à de la terre végétale.

 


Un plan alternatif
Quoi qu’il en soit, plusieurs activistes rencontrés opposent des arguments techniques au projet : le jardin (et donc le parking) n’est desservi que par des rues étroites. La construction d’un parking souterrain « va créer un embouteillage énorme ! », s’insurge Mme Saad.


Des membres du mouvement d’opposition réunis dans une « Coalition civile pour la protection du jardin » travaillent à un plan alternatif. Bien qu’Éric Bouvard indique qu’il n’existe aucune parcelle autour du jardin, Raja Noujaim, à l’origine de l’étude alternative, a pu identifier deux ensembles. Ceux-ci sont aujourd’hui loués par leurs propriétaires en tant que parkings privés. Raja Noujaim suggère qu’ils pourraient être expropriés (comme cela a pu être le cas ailleurs dans la ville). M. Bouvard, quant à lui, indique que cette démarche est « extrêmement compliquée, coûteuse et nécessite un décret ». L’étude a été réalisée par des volontaires en observation directe et en faisant du porte-à-porte. « Au très grand maximum, on estime que le quartier peut avoir besoin de 150 places de parking supplémentaires au cours des prochaines années, en tenant compte du projet de réaménagement mis au point par la région Île-de-France », déclare M. Noujaim.


Celle-ci juge leur estimation insuffisante, car ne se concentrant que sur les immeubles mitoyens au jardin. La municipalité prévoit pour sa part un parking « d’environ 300 places », souligne M. Achkar.
Plusieurs personnes, chez les activistes comme parmi les collaborateurs de la municipalité, évoquent la possibilité que la ville de Beyrouth décide de faire un parking avec une plus grande capacité. Or le quartier des Jésuites « n’est pas un lieu de transit, mais ils vont en faire un, s’indigne Raja Noujaim, et cela va porter la pression du trafic d’une partie de la ville sur un petit quartier ».
Mais jusqu’à nouvel ordre, les protestations civiles n’ont pas abouti, comme cela avait été le cas pour le jardin de Sanayeh.

 



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