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Moyen Orient et Monde - Turquie

Les alévis, fer de lance de la fronde, veulent exister

L’invitation au repas du jeûne dans un grand hôtel stambouliote mercredi avec le président Abdullah Gül n’aura rien changé : les alévis, musulmans libéraux de Turquie, fortement mobilisés pendant la fronde, veulent exister et être entendus. L’association alévie Hubyar Sultan, une des plus importantes dans le pays, a décliné l’invitation. « Les enfants continuent d’apprendre la religion sunnite dans les écoles », explique son secrétaire général Aydin Deniz. « Nous ne pouvons toujours pas bénéficier de financement public pour construire des cemevi (lieux de culte), à la place on construit des mosquées dans nos villages », constate-t-il, amer.
Les alévis forment un groupe hétérodoxe, progressiste et libéral, particulièrement attaché à la laïcité, dont la pratique religieuse est très éloignée de celles des franges traditionnelles de l’islam. Ils sont entre 12 et 15 millions en Turquie, selon des estimations. « La contestation autour du parc Gezi (à Istanbul, à l’origine d’une contestation antigouvernementale en juin) nous a permis avec d’autres de manifester notre mécontentement, et nous continuerons à le faire jusqu’à notre reconnaissance par l’État », annonce fièrement Ali Aydin.
Pour marquer leur désaccord avec la politique du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), au pouvoir, et hausser un peu plus le ton, les principales associations alévies ont décidé de boycotter le repas du jeûne en présence du président Gül. Comme un pied de nez au gouvernement, leurs membres sont allés partager ce repas important pendant le mois de ramadan avec les musulmans anticapitalistes, au parc Yeniköy, dans le nord d’Istanbul, sur la rive européenne. Une façon de montrer que sunnites et alévis peuvent être réunis.
Partie de la volonté de sauver les arbres du parc Gezi contre le projet de construction d’un centre commercial, la contestation s’est muée en un vaste mouvement antigouvernemental. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a été accusé par les opposants d’autoritarisme et de vouloir « islamiser » le pays. Pour Osman, 42 ans, chauffeur de taxi : « Il a tenté de diviser en pointant du doigt la pseudo-responsabilité de certaines communautés. Parfois, c’était le fait des juifs, parfois, c’était le fait des alévis. » « Erdogan doit comprendre qu’il ne peut pas diviser ce pays », relève-t-il.
Les alévis se disent aussi bien irrités par les références répétitives du pouvoir aux sultans sanguinaires de la période ottomane que par les dernières déclarations du Premier ministre. Trois jours avant le début des mouvements place Taksim, le nom donné au troisième pont d’Istanbul reliant les deux rives européenne et asiatique les a heurtés. L’appellation proposée était celle de Yavuz Sultan Selim, sultan responsable du massacre de dizaines de milliers d’alévis. Un choix ressenti comme une provocation. Les déclarations la semaine dernière du Premier ministre ont encore jeté de l’huile sur le feu. « Si être alévi, c’est aimer Ali (le gendre du prophète Mohammad que les alévis vénèrent), alors je suis le premier des alévis car j’aime Ali », déclarait M. Erdogan, musulman pieux de confession sunnite, réfutant ainsi le schisme.
L’exclusion pour les alévis n’est pas seulement confessionnelle, mais aussi économique et sociale. Pour Elise Massicard, sociologue à l’IFEA (Institut français d’études anatoliennes) et chercheuse associée au CERI (Centre d’études et de recherches internationales), « les alévis se sentent laissés pour compte, ils ne profitent pas de l’expansion économique, ils sont exclus des réseaux d’affaires et n’ont pas accès au pouvoir ». Dans des quartiers populaires d’Istanbul largement peuplés d’alévis comme Gazi, la révolte a été forte pendant le mouvement. « Ces jeunes, sans emploi, n’ont plus rien à perdre », explique-t-elle. « Il suffit de mentionner la ville d’où tu viens ou le quartier dans lequel tu vis pour comprendre que tu es alévi, et là toutes tes chances de devenir fonctionnaire d’État s’évanouissent », explique Dursun Önal, 41 ans, responsable d’une boutique de textile. « Mon épouse a menti pendant des mois à ses employeurs pour ne pas être ennuyée », avoue-t-il.
(Source : AFP)
L’invitation au repas du jeûne dans un grand hôtel stambouliote mercredi avec le président Abdullah Gül n’aura rien changé : les alévis, musulmans libéraux de Turquie, fortement mobilisés pendant la fronde, veulent exister et être entendus. L’association alévie Hubyar Sultan, une des plus importantes dans le pays, a décliné l’invitation. « Les enfants continuent...

commentaires (1)

Et cela a lieu dans un pays qui se considère géré par un parti islamiste dit "modéré". Eh bien merci d'avant d'avance, une telle modération nous nous en passerons bien volontiers!

Pierre Hadjigeorgiou

12 h 39, le 26 juillet 2013

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Commentaires (1)

  • Et cela a lieu dans un pays qui se considère géré par un parti islamiste dit "modéré". Eh bien merci d'avant d'avance, une telle modération nous nous en passerons bien volontiers!

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 39, le 26 juillet 2013

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