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À La Une - Liban - Enquête

L’arak : un marché bien portant malgré les défis

Notre boisson nationale est toujours aussi plébiscitée par le marché local et la diaspora, malgré des coûts de production élevés, ou encore la concurrence des alcools étrangers et des productions « maison » non contrôlées.

« La prolifération des araks dits “baladi” dans les restaurants, en dehors de tout contrôle régulateur, constitue une concurrence déloyale ouverte et un danger pour la santé des consommateurs », prévient Faouzi Issa, œnologue et propriétaire du Domaine des Tourelles (arak Brun).

L’arak. Un alcool anisé qui fait partie intégrante de la tradition libanaise de convivialité et de gastronomie, et qui accompagne harmonieusement nos mezzés. Mais qu’est-ce que l’arak au juste ?


« L’arak traditionnel libanais est ancré dans les coutumes locales ; il est traditionnellement fabriqué par les particuliers pour leur consommation personnelle. Ses origines remontent à des centaines d’années et il tire sa spécificité du fait qu’il est fabriqué à partir de la variété autochtone de raisin blanc, appelée obaidy, et de graines d’anis vert – contrairement à d’autres boissons anisées de la région comme l’ouzo, le raki ou encore le pastis, qui utilisent plutôt l’anis étoilé, la badiane... » explique à L’Orient-Le Jour le PDG de la société Solifed (Wardy, Ghantous & Abou Raad), l’ancien ministre Salim Wardy. « Attention de confondre avec le “baladi”, qui implique souvent l’absence de toute norme technique de production », met en garde, pour sa part, Faouzi Issa, œnologue et propriétaire du Domaine des Tourelles (arak Brun).


Le processus de fabrication est long et complexe. Après les vendanges, les raisins sont pressés et le jus récolté est laissé à fermenter. « Le vin obtenu est ensuite triplement distillé dans des alambics, ou des colonnes de distillation pour une meilleure qualité, ce qui permet d’isoler les alcools de meilleure qualité qui sont ensuite conservés et vieillis dans une jarre en terre cuite pendant un an », précise M. Wardy. L’alcool obtenu est ensuite assemblé puis redistillé une troisième et dernière fois ; c’est à ce moment que sont ajoutées les graines d’anis, « pour que le goût de ce dernier s’exprime entièrement, relève-t-il. Enfin, l’on rajoute de l’eau distillée pour rectifier le degré d’alcool, jusqu’à atteindre les 53° requis ».

Diaspora
Il est difficile de traduire le marché de l’arak en chiffres car il est quasiment impossible de comptabiliser les innombrables productions faites maison ; mais selon les producteurs interrogés par L’Orient-Le Jour, la consommation se porterait plutôt bien : « Le Domaine des Tourelles produit annuellement 350 000 cols de vin et d’arak. Notre arak, réputé mondialement, porte le nom d’“arak Brun” (en hommage à la famille Brun qui a fondé le Domaine des Tourelles en 1868), explique M. Issa. Brun est une “success story” exceptionnelle qui dure depuis plus d’un siècle », se félicite-t-il.


« Quelque 400 000 bouteilles de nos marques, Ghantous & Abou Raad, l’une des plus vendues sur le marché, et Wardy, sont vendues chaque année. Ghantous & Abou Raad est très populaire et représente environ 80 % de nos ventes. C’est un gros succès », se réjouit, de son côté, M. Wardy qui précise que la production totale d’arak avoisinerait les 5 à 6 millions de bouteilles annuellement, dont quelque 50 % sont exportées à l’étranger. Plus encore, il semblerait probable que l’arak soit peut-être le seul et unique produit non importé au Liban, car uniquement fabriqué localement et sans équivalent ailleurs. Une spécificité qui représente aussi un handicap à l’exportation, les consommateurs d’arak se limitant aux Libanais et aux ressortissants arabes.


« L’arak est une boisson “ethnique” ; les marchés à l’étranger qui sont le plus porteurs sont forcément ceux où la diaspora est particulièrement présente », note M. Wardy. Soit « les États-Unis, le Canada, Dubaï, l’Irak, la Jordanie, la France et l’Australie », résume M. Issa. Sans compter le Brésil, potentiellement porteur, mais dont les taxations sont prohibitives en raison des accords du marché commun Mercosud ou Mercosul visant à protéger la production sud-américaine.
« La bouteille d’arak y est taxée à hauteur de 300 %, déplore M. Wardy. Un accord bilatéral d’échanges commerciaux pourrait selon lui abaisser cette taxation à 70 %. Une préoccupation également à l’ordre du jour chez les producteurs de vin, qui ont récemment fait part de leurs ambitions brésiliennes ... »

Éparpillement
Outre certains problèmes sur le plan de l’exportation, la production d’arak est confrontée à de nombreux problèmes, dont notamment l’absence de régulation.
« La prolifération des araks dits “baladi” dans les restaurants, en dehors de tout contrôle régulateur, constitue une concurrence déloyale ouverte et un danger pour la santé des consommateurs », prévient M. Issa. Et de poursuivre : « Cet arak est souvent fait avec les outils du bord sans que son producteur ne prenne en considération toutes les normes essentielles à la fabrication d’un bon arak. En d’autres termes, l’alcool obtenu peut être dangereux à la consommation car ce dernier contient des matières toxiques s’il n’est pas proprement distillé, et si les différentes matières premières utilisées ne sont pas adéquates (d’où souvent le mal de tête qu’on ressent après avoir bu ce genre d’arak) ! » À noter que l’alcool frelaté peut potentiellement provoquer de graves problèmes de santé, voire la mort...


En outre, les producteurs d’arak sont confrontés à « des coûts de production élevés, à l’obligation d’importer certains matériaux comme les bouteilles à col haut dont le prix oscille entre 1,25 et une trentaine de dollars, la taxation sur l’alcool, etc », note M. Wardy. Sans oublier « que les nouvelles générations ont plus tendance à boire les alcools importés (whisky, vodka, tequila...) que la boisson nationale de leur pays, et il faut en outre tenir compte de la concurrence des alcools internationaux, due à la baisse des tarifs douaniers et à un phénomène de mode mondial », souligne M. Issa.


Face à ces obstacles, les producteurs ont peu de recours. « Une politique de subvention étatique, comme celle qui est pratiquée en France par exemple, constituerait une solution », affirme M. Wardy. « Si l’Autorité de développement des investissements au Liban (IDAL) pouvait inclure les boissons alcoolisées dans son programme de soutien aux exportations, ce serait un soutien significatif... », conclut-il.

 

 

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