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À La Une - Syrie

« Les Kurdes ne veulent pas que les forces islamistes dominent leurs régions »

Vers la création d’un gouvernement autonome temporaire.

Une trentaine de combattants islamistes et kurdes ont été tués cette semaine, ce qui a abouti à l’expulsion des fondamentalistes de Qamishli, une ville frontalière avec la Turquie. Photo AFP

Les combats contre les jihadistes implantés dans le Nord syrien prouvent la volonté des Kurdes d’instaurer une autonomie territoriale et économique sur une région où ils sont majoritaires, à l’instar de leurs frères d’Irak, selon des analystes. Une trentaine de combattants islamistes et kurdes ont été tués cette semaine en deux jours de heurts, qui ont abouti à l’expulsion des fondamentalistes dans une ville frontalière avec la Turquie. 

 

« Les Kurdes poursuivent des intérêts qui leur sont propres, en l’occurrence éliminer les obstacles à l’établissement d’une entité proto-étatique dans le nord de la Syrie. Or les jihadistes sont l’un des principaux obstacles », assure Thomas Pierret, expert de la Syrie et des mouvements islamistes. Pour lui, « les Kurdes exploitent un contexte défavorable aux jihadistes, notamment l’hostilité croissante de la part de l’Armée syrienne libre (ASL) et de la population ainsi que des grandes puissances ».


Ces accrochages surviennent en effet au moment où les tensions se sont exacerbées entre l’ASL – rebelles soutenus par des pays arabes et occidentaux – et le Front el-Nosra et l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), deux groupes affiliés à el-Qaëda qui combattent également le régime de Damas. D’ailleurs, ces combats surviennent alors que des responsables kurdes ont annoncé hier que les Kurdes de Syrie prévoient de créer un gouvernement autonome temporaire pour administrer les régions où ils sont majoritaires dans le nord du pays ravagé par la guerre. 


« Nous pensons que la crise en Syrie n’est pas près de se terminer, donc nous avons besoin de créer une entité autonome démocratique dans le Kurdistan occidental », a déclaré Saleh Muslim, chef du Parti de l’union démocratique (PYD), émanation syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme « terroriste » en Turquie. La région que le PYD appelle « le Kurdistan occidental » correspond aux territoires à majorité kurde dans le nord de la Syrie, notamment la province de Hassaka et des parties de la province d’Alep. La création de ce gouvernement « a été notre projet depuis 2007 », a ajouté M. Muslim, insistant sur son aspect temporaire. « Une fois qu’il y aura un accord large sur l’avenir de la Syrie, nous mettrons fin à cette autonomie », a-t-il avancé.

 

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Les heurts de ces derniers jours coïncident également avec le premier anniversaire du départ de l’armée de Bachar el-Assad de neuf localités kurdes qui sont alors passées entre les mains de cette communauté. Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a mis en garde hier les Kurdes contre toute velléité autonomiste car elle « aura pour effet d’envenimer les combats, et d’aggraver la situation intenable en Syrie ». En fait, il s’agit d’une bataille pour le contrôle de cette région. « Il y a de bonnes raisons de croire que cette intention de déclaration d’autonomie a retenti comme un signal d’alarme pour les islamistes, car cette région isolée était devenue très importante, notamment pour les jihadistes qui peuvent la transformer en un refuge et bénéficier des revenus de champs pétroliers qui s’y trouvent », souligne M. Lister.


L’écrivain et analyste politique kurde syrien Farouq Hajji Moustapha confirme que « les Kurdes ne veulent pas que les forces islamistes dominent leurs régions ». « Les déclarations d’islamistes disant vouloir créer leur État dans le nord de la Syrie ont suscité de grandes craintes chez les Kurdes, c’est pour cela qu’ils sont prêts au combat et à protéger les puits de pétrole contre toute partie étrangère », ajoute-t-il. Les Kurdes représentent environ 15 % de la population syrienne et sont surtout présents dans le Nord. Ils usent en Syrie de la même stratégie que leurs frères irakiens, qui ont profité des crises successives en Irak pour imposer au pouvoir central de Bagdad une autonomie complète. « Ils savent mettre de côté leurs divergences et s’unir quand ils font face à des problèmes », souligne Farouq Hajji Moustapha. 

 

Mais « il est trop tôt pour dire que les jihadistes sont en train de perdre », relève M. Pierret, même s’ « il est clair qu’ils font face à des milices kurdes bien armées et déterminées (...) et que l’ASL n’est pas mécontente de voir l’EIIL prendre des coups ». Selon M. Lister, lancer une bataille pour expulser les jihadistes placera l’YPG dans une situation difficile, même si cette milice est « militairement, logistiquement et tactiquement nettement supérieure à ce qu’elle était il y a un an, peut-être grâce à l’aide du PKK ». 

 

En tout cas, un autre expert du Moyen-Orient, Aron Lund, relève que l’état-major de l’ASL et l’opposition syrienne ont appelé « les différents groupes de l’ASL à ne pas se laisser entraîner dans ces combats secondaires ». Dans un communiqué commun publié jeudi, ils « condamnent les combats entre frères » avant de les mettre en garde « de ne pas tomber dans le piège des affrontements internes suscités par le régime assassin » de Bachar el-Assad.

 

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