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À La Une - Éclairage

Tammam Salam a le souffle long

Le Premier ministre libanais désigné, Tammam Salam.

Cela fait déjà plus de trois mois que Tammam Salam est attelé à sa besogne difficile de former un gouvernement appelé à succéder au cabinet monochrome de Nagib Mikati. Trois mois dont il faut soustraire, bien sûr, quarante jours perdus à élucubrer autour d’une loi électorale qui n’a jamais vu le jour. Et si Tammam Salam n’a pas encore déclaré forfait face au puzzle qui s’offre à lui, c’est bien pour ne pas décevoir tous les Libanais qui ont vu en sa désignation une brèche d’espoir dans la jungle de la politique locale. Et tant que la rue continuera à le soutenir dans sa lutte face aux conditions que lui posent les politicards, Tammam Salam continuera à leur tenir tête, sans concession aucune.
Dans les milieux rapprochés du Premier ministre désigné, l’on affirme en effet que M. Salam a le souffle long, fort du soutien populaire qui a accompagné sa désignation. Il est confronté aujourd’hui à deux conditions qui lui rendent la tâche plus difficile : le tiers de blocage, revendiqué par le 8 Mars à titre posthume, et le refus de la participation du Hezbollah au cabinet, recommandé par un 14 Mars prêt à rester en dehors du gouvernement s’il le faut.


Il semblerait pourtant qu’il soit hors de question que M. Salam se désiste de ses propres convictions, selon des sources proches du Premier ministre. Si pour lui la condition posée par le 14 Mars ne doit pas être prise trop au sérieux, et qu’il estime réellement que le 14 Mars ne s’y attachera pas si le Hezbollah venait à abandonner le tiers de blocage, Tammam Salam voit dans la condition du tiers de blocage un vrai obstacle. En effet, le Premier ministre refuserait d’entamer sa mission avec un gouvernement qui risquerait d’exploser à n’importe quel moment. Il serait même allé jusqu’à assurer aux pôles du 8 Mars qu’il constituait lui-même une garantie pour eux et qu’il démissionnerait immédiatement si leurs ministres venaient à quitter le gouvernement, dans une ultime tentative de les persuader.


Une autre conviction à laquelle s’attache Tammam Salam : la formation d’un cabinet qui ne réunisse pas des figures provocatrices, mais aussi la rotation au sein du gouvernement, de façon à briser la rigidité de la répartition des portefeuilles ministériels entre les communautés. En effet, il n’y a aucune raison de ne pas confier, par exemple, le ministère des Finances à un chiite, et le ministère des Affaires étrangères à un maronite, une idée encore contestée par de nombreuses parties attachées à leur butin acquis au fil des ans.


Il semblerait aussi que le Premier ministre ait perçu dans la dernière proposition de Nabih Berry « beaucoup de bonne volonté, mais qui a été contrée par ses alliés ». En effet, en annonçant le démembrement du 8 Mars et l’abandon du tiers de blocage, M. Berry aurait voulu faciliter la tâche de M. Salam. Mais le Hezbollah restant attaché aux cinq ministres chiites dans un gouvernement de 24 membres, et le courant aouniste revendiquant quatre ministres (au minimum), le retour à la case départ était inévitable.

 


Consacrer le vide
Face au jeu qui se bloque, le vide institutionnel pourrait bien s’instaurer. Et dans les milieux de Mousseitbé, l’on pense à voix haute qu’il est possible que le 8 Mars veuille consacrer le vide dans le pays jusqu’à l’échéance présidentielle. Un vide à la présidence de la République impliquerait que le cabinet en place – en d’autres termes celui de Mikati – reprendrait le contrôle du pays de façon très constitutionnelle. Mais même à ce prix, Tammam Salam n’est pas prêt à faire des concessions, rapportent des sources proches du Premier ministre. Selon celles-ci, Tammam Salam craint de faire face à de nouvelles conditions concernant la répartition des portefeuilles et le choix des ministres, s’il venait à accorder au 8 Mars le tiers de blocage. Pour lui, toute sa crédibilité serait en jeu s’il venait à participer à ce genre de marché.


Pourtant, Tammam Salam a été très clément au départ. Rappelons que la première formule présentée par le Premier ministre comprenait 9 ministres centristes, 8 quatorze-marsistes et 7 huit-marsistes. Face au refus du 8 Mars, M. Salam a proposé que le 14 et le 8 Mars se répartissent équitablement 14 ministres, contre 10 ministres centristes. Suite au second refus du 8 Mars, qui a jugé les 7 ministres insuffisants côté chrétien, si cinq d’entre eux devaient être chiites, Michel Sleiman a proposé de soustraire un chiite au tandem Hezbollah-Amal, quitte à conférer un ministre chrétien au général Aoun. Et face au troisième refus du 8 Mars, M. Salam a proposé la formule 3x8, elle-même contestée. Et c’est bien la dernière formule que compte proposer Tammam Salam, qui s’entête et ne compte pas céder davantage.


Jusqu’à quand ? « Personne n’est pressé. Jusqu’à ce que l’on commence à sentir que les gens ont perdu patience et qu’ils perdent confiance en M. Salam, affirment des sources proches du Premier ministre. Alors, M. Salam prendra avec le président de la République la décision d’imposer un changement, à travers par exemple la formation d’un cabinet neutre, qui n’est pas pour autant chose facile. » Que Tammam Salam démissionne ou qu’il s’éternise à son poste font aussi partie des choix, pour l’instant rejetés, du Premier ministre, qui sait que la situation sécuritaire va de mal en pis et requiert la formation imminente d’un cabinet.


Mais en attendant le forcing de MM. Sleiman et Salam, un changement pourrait être déclenché par les données internationales et régionales. L’on pouvait compter autrefois sur un changement signé Walid Joumblatt, mais ce serait peut-être trop espérer. Si Walid bey fait de son mieux pour aider Tammam Salam, il n’est pas du tout prêt à faire face au Hezbollah. Car l’incident des deux roquettes tirées depuis la montagne sur la banlieue sud n’est que trop récent, la crise syrienne n’a pas pris le bon tournant, et les druzes de Syrie n’ont pas répondu présents à l’appel du seigneur de Moukhtara.

 

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