En novembre 2012, un jeune couple libanais, Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche, s’est marié civilement au Liban. Une première, qui a fait un énorme tapage médiatique. Ce mariage, reconnu et validé par les ministères de la Justice et de l’Intérieur, est désormais enregistré dans les registres d’état civil. Il a été contracté par deux conjoints initialement de religion musulmane (l’un sunnite, l’autre chiite), qui ont rayé la mention de leur appartenance religieuse sur les registres officiels. Conformément à la loi 60 LR, ils ont donc le droit de se marier civilement au Liban.
Le mariage de Khouloud et Nidal fera-t-il jurisprudence ? A-t-il institutionnalisé le mariage civil au pays du Cèdre ? Deux points de vue divergents s’affrontent sur la procédure, mais se rejoignent sur le droit au mariage civil.
Les pour, qui ont lancé l’initiative du mariage civil contracté par le jeune couple, ont mis les autorités devant le fait accompli et n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. En l’absence d’une loi domestique, ils soutiennent ferme que ce mariage est régi par la loi française. À leur tête, l’écrivain et chercheur Talal Husseini, jeune frère de l’ancien président du Parlement, Hussein Husseini, et responsable du Centre civil pour l’initiative nationale.
Les contre, en revanche, estiment que ce mariage a plus servi la liberté de croyance que le mariage civil et le statut personnel. Parmi eux, l’avocat et expert Ibrahim Traboulsi et la militante pour un code libanais pour le statut personnel, Ogarit Younan. Ils assurent que ce mariage a consacré le système confessionnel et le droit de barrer la mention de sa religion. Et estiment qu’en l’absence d’une législation libanaise pour le statut personnel, qu’ils jugent indispensable, le mariage du jeune couple reste soumis à la charia, les deux partenaires étant, au départ, de confession musulmane.
Quoi qu’il en soit, le débat est ouvert.
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Qu’on soit pour ou contre la procédure du jeune couple, qu’on considère ce mariage civil comme un fait accompli ou juste une mesure permettant aux Libanais de barrer la mention de leur religion, Khouloud et Nidal ont réussi à faire bouger les choses. Ils témoignent de la volonté d’une jeunesse d’aller au-devant des lois pour faire valoir son droit à se marier civilement au Liban. Et se démarquent ainsi de lois communautaires contraignantes, inadaptées à la réalité, qui limitent les libertés individuelles et refusent encore à la femme libanaise l’égalité des droits qu’elle revendique. Il n’en reste pas moins que pour se marier civilement au Liban, les jeunes couples doivent encore rayer la mention de leur religion sur les registres d’état civil. Jusqu’à quand ?
L’escalade semble être aujourd’hui le mot d’ordre d’une société civile avide de changement et qui n’a plus peur de briser les tabous.
Aujourd'hui, l'avis de Talal Husseini.
Prochain article : Les points de vue d'Ibrahim Traboulsi et Ogarit Younan.
Pour mémoire
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commentaires (5)
Si les religieux souhaitent vraiment conserver leurs ouailles dans leur giron, ils leur suffirait de s'abstenir de contrer le mariage civil, et de garder leur porte et leur coeur grands ouverts pour leur procurer avec bienveillance assistance, soutien et réconfort en cas de besoin.
Paul-René Safa
00 h 02, le 19 juillet 2013