Un documentaire produit par la télévision publique MDR rappelle qu’à la fin des années 1980, Berlin-Est et Berlin-Ouest se livraient une concurrence acharnée pour attirer les grands noms de la musique mondiale, sur fond de libéralisation des régimes communistes. Pink Floyd, Michael Jackson ou David Bowie étaient venus jouer côté ouest, suffisamment près du Mur pour être à portée d’oreille des fans de l’Est, même si ceux-ci risquaient de se faire arrêter s’ils s’approchaient trop. Côté est, les jeunesses communistes tentaient de distraire une nouvelle génération de plus en plus remuante en faisant venir Depeche Mode, Joe Cocker ou James Brown, les gloires locales n’arrivant plus à contenter les foules.
Pour sauver les apparences face à la vieille garde du parti, qui ne voyait pas d’un bon œil la venue de ce rejeton de l’Oncle Sam, fut-il une idole de la classe ouvrière, le concert de Springsteen avait été annoncé comme une « manifestation de solidarité avec le Nicaragua ». Après que le Boss eut menacé d’annuler le concert, les affiches furent finalement arrachées, mais les billets, devenus pièces de collection, en portent encore mention. Plusieurs heures avant l’événement, des dizaines de milliers de fans sans tickets se présentèrent sur les lieux. Ils finirent par forcer les barrières – un acte de révolte peu fréquent. Dès les premières minutes du concert, quand Springsteen entonna son fameux Born in the USA, la foule reprit la chanson en chœur, agitant des drapeaux américains cousus main. Un peu plus tard, le rocker tira de sa poche un bout de papier froissé pour lire « c’est génial d’être à Berlin-Est », traduit dans un allemand phonétique par son chauffeur.
« Je ne suis pour ou contre aucun gouvernement. Je suis venu ici jouer du rock’n’roll dans l’espoir qu’un jour toutes les barrières soient détruites », poursuivit-il, avec son accent américain très prononcé. « Tout le monde à très bien compris ce qu’il voulait dire – faire tomber le Mur. C’était ce qu’on avait espéré entendre toute notre vie », a raconté Jörg Beneke, l’un des spectateurs, cité dans le livre. Un souhait qui devait se réaliser moins d’un an et demi plus tard, sans qu’une goutte de sang ne soit versée.
« La seule présence de Springsteen à Berlin-Est était un message » d’espoir, juge Jochen Staadt, historien à l’Université libre de Berlin, également cité dans Rocking the Wall. « Ceux qui ont vu le concert, en live ou à la télé, se sont dit : “Si ce genre de choses peuvent se produire ici et maintenant, peut-être que davantage encore est possible bientôt”. »
(Source : AFP)
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