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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

(Gas)pillages

Ce n’est pas tous les jours qu’un membre du gouvernement crie au scandale, à la vue du gaspillage (un terme poli pour dire malversations) dont sont victimes les deniers de l’État : lesquels, rappelle-t-il, sont aussi et surtout ceux du contribuable. De l’avoir fait avec une sainte indignation devant les caméras de télévision, fort opportunément présentes, ne diminue en rien, certes, le mérite du ministre de l’Intérieur. Qui, inspectant une aile de la prison de Roumieh en cours de réhabilitation, a constaté avec effarement que quasiment rien n’avait été fait depuis sept mois. Sur quoi il s’est promis de faire rendre gorge aux entrepreneurs et bureaux d’études en charge de ces fantomatiques travaux.

 

Ceux-ci avaient coûté six millions de dollars américains : une somme énorme pour vous et moi comme d’ailleurs pour le ministre, dont l’intégrité ne fait aucun doute ; mais rien qu’une malheureuse petite goutte dans l’océan des rapines qui, le plus ouvertement du monde, saignent à blanc les caisses étatiques. Marwan Charbel a bien fait en s’émouvant de l’escroquerie de Roumieh tout autant, d’ailleurs, que des conditions d’hébergement inhumaines prévalant dans la prison. Mais, pour ne s’en tenir qu’à son seul département, il peut tout de même faire mieux.


Car par définition, un ministre de l’Intérieur a charge d’âmes : il doit protection aux citoyens chez eux comme hors de chez eux. Et bien qu’il semble débordé par la tâche à en juger par l’actuelle vague de criminalité, il faut reconnaître en toute justice que ce ministre-là n’est pas beaucoup mieux loti, après tout, que le commun du peuple. Et qu’il lui arrive de connaître lui-même de chaudes alertes, comme lorsqu’il fut tout récemment pourchassé par des forcenés alors qu’il inspectait le site d’une explosion terroriste dans la banlieue sud de Beyrouth : désagrément qui lui valait hier même les excuses empressées d’une délégation du Hezbollah. Mais tant qu’à se décider à ouvrir la boîte de Pandore, Marwan Charbel ferait bien de s’intéresser maintenant à ces entreprises de travaux routiers qui traînent la patte sans écoper de la moindre pénalité de retard, qui livrent un travail bâclé et qui dans l’intervalle ne se donnent même pas la peine de signaler aux automobilistes crevasses, bouches d’égout béantes et autres pièges mortels. Voilà qui, en bonne logique, vient unir Intérieur et Travaux publics dans un juste partage des responsabilités ...


Au demeurant, la même logique ne devrait-elle pas porter tout ministre réellement soucieux d’orthodoxie et de transparence à dénoncer, avec une égale vigueur, les innombrables irrégularités (là aussi, on reste poli) entachant rentrées et dépenses publiques? Qu’a à dire, par exemple, le ministre de l’Intérieur sur les extravagances à tiroir du dossier de l’Électricité ? Ou du pillage des ressources des Douanes, où passent comme lettre à la poste toutes sortes de marchandises protégées au titre de l’effort de guerre, et donc exemptées de taxation ?


Allons, encore un petit effort, les justiciers médiatiques ! Tous les chemins de la vertu ne mènent pas qu’au seul pénitencier de Roumieh.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ce n’est pas tous les jours qu’un membre du gouvernement crie au scandale, à la vue du gaspillage (un terme poli pour dire malversations) dont sont victimes les deniers de l’État : lesquels, rappelle-t-il, sont aussi et surtout ceux du contribuable. De l’avoir fait avec une sainte indignation devant les caméras de télévision, fort opportunément présentes, ne diminue en rien,...

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