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À La Une - Billet

Le semeur de khamsin

Barbares étaient les soldats israéliens lorsqu’ils se sont lâchés contre le Liban durant la guerre de juillet; barbares, toutes proportions gardées : à chacun ses moyens, sont les rebelles syriens qui ont décidé en cette veille de ramadan de se rappeler au (mauvais) souvenir de l’un de leurs plus stakhanovistes tortionnaires. Et dans un cas comme dans l’autre, en 2006 comme en 2013, le sang versé et le dégoût absolu des Libanais, de tous les Libanais, les dégâts matériels, la répulsion des touristes, tout cela n’est que conséquences naturelles des calculs sinistres d’un Hezbollah noyé jusqu’aux yeux dans son agenda d’ayatollahs, dans son criminel et illégal aventurisme 4x4.


Bien sûr, tout est possible : ce ne sont peut-être pas les rebelles syriens qui ont commandité et planifié l’attentat de Bir el-Abed, dans l’hyperfief hezbollahi de la banlieue sud de Beyrouth. C’est peut-être Israël. Ou les îles Féroé. Ou le Bloc national de Carlos Eddé. Ou la société civile libanaise qui s’ennuie désespérément. Ou François Fillon. À ce rythme, le parti chiite aurait pu lui aussi tout planifier, espérant gagner quelques dividendes : finalement, il n’y a pas eu de morts si l’on en croit les médias du Hezb, le parti chiite s’est délicieusement posé en victime et le spectacle des miliciens en tee-shirts noirs défendant l’(anorexique) incarnation de l’État, le pathétique ministre sortant de l’Intérieur Marwan Charbel himself, d’un lynchage en direct vaut bien une cinquantaine de blessés et quelques millions de rials de destructions que Ali Khamenei se fera un plaisir de transférer sur les comptes hezbollahis.


Jusqu’à quand ? Jusqu’où? Le processus de destruction régulière du Liban par le Hezbollah, ce systématisme hypomaniaque, cette méticulosité effarante dans le vampirisme d’un pays, d’une nation et d’un État, aussi inexistants ou fantomatiques soient-ils, n’ont visiblement pas de limite(s). Même cet utopique, ce sublime mais improbable printemps chiite n’y pourrait rien ; à croire que même si les Pahlavi reprenaient le pouvoir à Téhéran, la marionnette s’émanciperait et (dé)foncerait, quitte à se suicider et à suicider avec elle tout un pays, tout un message. Les Libanais ne peuvent pas passer leur temps à (sur)vivre en attendant une hypothétique magouille entre les hommes d’Obama et les ayatollahs, même pas certains que cela éviterait l’irakisation de leur pays. Il suffit d’un rien pour qu’officiellement Saïda, Tripoli ou Beyrouth deviennent Bagdad. Pour qu’un jour sur deux, une voiture explose dans n’importe quelle sous-préfecture du mini-État du Hezbollah, puni exactement par là où il a péché, à Qousseir hier, à Alep et Homs aujourd’hui, sans doute à Damas demain...


Jusqu’à quand Michel Sleiman, Nagib Mikati, Tammam Salam et le 14 Mars continueront-ils à hurler le mot distanciation? Jusqu’à quand le CPL, devenu une véritable annexe du Hezb malgré toute la schizophrénie politique de ses cadres : ils ont compris qu’ils ne pourraient plus compter sur rien, électoralement parlant, s’ils ne se rebellaient pas, à leur manière, contre le parti de Dieu, continuera-t-il de jouer les fossoyeurs adjoints? Jusqu’à quand Nabih Berry et ce qui lui reste d’Amal continueront-ils à jouer les faire-valoir ? Jusqu’à quand les partisans du Hezbollah, ces hommes, ces femmes, ces enfants et ces vieillards, continueront-ils de se taire, victimes expiatoires résignées et silencieuses d’un Ahriman du IIIe millénaire ?


Si le Hezbollah est maître en ses Ostānhā libanaises anschlussées à force de missiles Zelzal et Fajr et autres pétrodollars perses, il n’est pas, loin de là, propriétaire des âmes (endormies) qui y vivent. Les habitants de Nabatiyeh, de Bint Jbeil, de Baalbeck et en l’occurrence de la banlieue sud sont aussi libanais que les autres, que tous les autres. Que Hassan Nasrallah et ses hommes le veuillent. Ou pas.

 

 

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