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À La Une - egypte

« La démocratie n’est pas pour les musulmans… »

La mise à l’écart du chef de l’État égyptien risque de provoquer des divisions au sein des organisations islamistes.

Dans la journée des milliers de Frères musulmans s’étaient mobilisés dans plusieurs villes du pays. Mohamed Abd el-Ghany/Reuters

La destitution de Mohammad Morsi pose la question de l’avenir politique de l’Égypte et au-delà de celle de l’expérience démocratique ouverte par les révoltes du printemps arabe.
La mise à l’écart du chef de l’État égyptien un an après sa prise de fonctions risque de provoquer des divisions au sein des organisations islamistes revenues dans le jeu politique en 2011 à la faveur de la chute de Hosni Moubarak. La confrérie ainsi que ses alliés ultraconservateurs risquent de perdre des partisans, notamment parmi les jeunes, qui estiment que l’expérience démocratique a échoué dans le pays et qui pourraient être désormais tentés par un recours à la violence.
Dans un commentaire posté sur Facebook, Essam el-Haddad, conseiller de Mohammad Morsi pour les questions de sécurité nationale, résume clairement ce risque après les événements intervenus mercredi en Égypte. « Le message va retentir d’une manière parfaitement claire dans le monde musulman : la démocratie n’est pas pour les musulmans », écrit-il.
Mohammad al-Beltagi, membre de la confrérie dont plusieurs membres ont été appréhendés par les militaires et la police, a lui aussi détaillé les menaces qui se profilent désormais en Égypte. Lors d’un rassemblement organisé jeudi devant une mosquée du Caire, il a expliqué : « La question est désormais celle de la position du monde libre qui pousse le pays vers le chaos et qui pousse des groupes autres que les Frères musulmans à revenir à l’idée d’un changement par la force. »

Creuset islamiste
Dans une vidéo postée sur YouTube et enregistrée lors d’un rassemblement pro-Morsi, un homme s’adresse au général Abdel Fatah al-Sissi, le chef d’état-major de l’armée égyptienne, qui a annoncé la mise à l’écart de M. Morsi et la suspension de la Constitution. « Vous avez fabriqué de nouveaux moujahidine, des gens vont de nouveau vouloir mourir en martyrs. Sachez que si vous en éliminez un, dix autres prendront sa place ici. C’est votre faute », affirme ce manifestant.
L’Égypte a toujours été un creuset de l’activisme islamiste depuis le coup d’État de 1952 qui a amené les militaires au pouvoir. Et malgré la répression, les militants sont constamment restés une menace pour les autorités comme le démontra l’assassinat d’Anouar el-Sadate en 1981. Dans les années 90, l’organisation al-Gamaa al-Islamïa mena une campagne d’attaques sanglantes avant de renoncer à la violence et de s’organiser en parti politique après le renversement de Moubarak. Des membres de l’organisation ont promis de reprendre les armes pour défendre Mohammad Morsi, une menace que d’autres dirigeants tentent maintenant de relativiser en raison des divisions qu’elle inspire au sein de la base. « Si les militaires osent tuer la démocratie en Égypte, nous les combattrons », promettait ainsi un membre d’al-Gamaa lors d’un rassemblement quelques heures avant la publication du décret de l’armée mettant fin à la présidence de Mohammad Morsi.
Un militant des Frères musulmans qui participait à la manifestation se montrait plus prudent. « Nous n’allons pas reprendre les armes. Nous allons seulement nous armer de patience et de notre foi en Dieu », promettait-il.

Argument pour el-Qaëda
Khalil al-Anani, spécialiste de l’islam à l’université de Durham en Grande-Bretagne, reconnaît qu’il existe un risque de violence larvée en Égypte, notamment dans la région du Sinaï. Mais, selon lui, les groupes comme al-Gamaa ont tiré les leçons des résultats désastreux de leur insurrection dans les années 90. « Les islamistes savent très bien que la violence n’est pas la solution », note-t-il.
Toutefois, le retour des soldats au centre du jeu politique égyptien offre un argument de poids aux activistes d’el-Qaëda qui pourront faire valoir que le respect de la voie démocratique n’aboutit à rien.
Signe des divisions qui règnent au sein des organisations islamistes, le parti Nour a accepté de soutenir le plan de transition présenté par les militaires. Pour Yasser al-Sirri, un ancien militant qui vit à Londres où il dirige une association de défense des droits de l’homme, l’Égypte se trouve dans une phase dangereuse. « À moins que la situation soit corrigée aussi vite que possible, nous sommes en train de revenir en arrière », a-t-il dit.

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