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À La Une - Éclairage

Entre le Qatar, l’Égypte, la Turquie... et cheikh Assir

Au cours de son entretien avec le président de la Chambre Nabih Berry, le secrétaire d’État adjoint américain William Burns lui a rappelé qu’au cours de leur dernière rencontre à Aïn el-Tiné, Berry avait prédit la chute rapide des Frères musulmans au bout de quatre ou cinq ans de pouvoir. Berry s’est alors écrié : « Oui, j’étais optimiste. En fait, ils n’ont pas duré plus d’un an. » C’est dire que les développements en Égypte dominent totalement l’actualité, même si la période à venir est encore floue. Une source sécuritaire libanaise fait en tout cas le lien entre le coup de force de l’armée contre cheikh Ahmad el-Assir et l’évolution de la situation régionale. Selon cette source, il y a eu trop de changements presque simultanés au cours de la dernière période dans plusieurs pays de la région pour que l’on puisse croire à de simples coïncidences.


S’il est donc certain que l’armée libanaise a lancé son coup de force contre le fief de cheikh Ahmad el-Assir suite à l’agression dont elle a été victime, et même si les experts militaires affirment qu’elle ne pouvait que réagir de cette façon aussi radicale, la source sécuritaire précitée estime que l’opération n’aurait pas été aussi totale s’il n’y avait pas eu quelque part un feu vert international, et en particulier américain. D’ailleurs, les premiers à déclarer leur appui à l’armée libanaise ont bien été les Américains, le chef d’état-major des armées de ce pays ayant immédiatement contacté le général Jean Kahwagi pour lui présenter ses condoléances. De plus, au cours de sa récente visite à Beyrouth, William Burns a annoncé que son pays comptait augmenter ses aides à l’armée. Ceux qui croient donc que l’armée pourrait céder au chantage politique ou revenir sur ses positions se trompent, celle-ci étant décidée à défendre son rôle et son prestige pour sauver le Liban et y empêcher l’éclatement d’une discorde destructrice.


L’armée remplit donc ainsi sa mission, mais en même temps elle est en phase avec les derniers développements dans la région, notamment les coups successifs portés à la montée en flèche des Frères musulmans, après avoir depuis 2011 favorisé cette montée. Au point que l’on avait beaucoup parlé d’un plan occidental, et en particulier américain, pour remettre le pouvoir dans le monde arabe à ce mouvement considéré au départ comme l’expression d’un islam modéré qui pourrait être récupéré par l’Occident et rassurer ainsi Israël.


La même source sécuritaire précise que le changement de plan – planifié ou adopté pour rattraper les débordements – a été perceptible dans plusieurs pays de la région. D’abord en Turquie où le parti d’Erdogan était en quelque sorte le chef de file des Frères musulmans dans leur image modérée. Brusquement, et à travers les protestations populaires et la répression du régime, cette image a été ébranlée. Les deux symboles de ce pouvoir, Erdogan lui-même et son ministre des Affaires étrangères, ont été pratiquement mis en accusation par la foule, et leur popularité, longtemps très solide, a été ébranlée. Ils sont certes encore au pouvoir, mais alors que leur victoire était acquise aux prochaines élections qui doivent se dérouler en 2014, rien n’est plus aussi sûr.


Après la Turquie, ce fut le tour de l’Égypte d’être le théâtre d’un changement spectaculaire qui n’était même pas envisageable il y a quelques mois encore. À la vitesse de l’éclair, le président Frère musulman élu il y a un an a été poussé vers la sortie et traité presque comme un criminel. Il est vrai que très rapidement, le président a voulu s’approprier toutes les prérogatives, décevant ainsi une grande partie de ceux qui avaient fait la révolution contre le précédent régime de Hosni Moubarak. Même si, aujourd’hui, la situation est confuse, d’autant que les salafistes du parti al-Nour font partie de la nouvelle coalition qui a fait chuter Mohammad Morsi, il est certain que les Frères musulmans, qui se préparaient depuis des années, dans la clandestinité, à prendre le pouvoir, ont échoué très rapidement.


Troisième pays théâtre de changements au cours des dernières semaines, le Qatar, où, selon toute probabilité, la transition du pouvoir effectuée en douceur aurait été largement inspirée par les États-Unis. Selon la source sécuritaire déjà citée, il s’agirait de mettre un terme au rôle interventionniste du Qatar dans la région, ce pays s’étant fait le champion de l’intervention en Libye, en Syrie et dans d’autres pays de la région, tout en s’inscrivant ouvertement dans la lignée des Frères musulmans. Il fallait donc obtenir le départ du Premier ministre et ministre des Affaires étrangères devenu le véritable chef de la Ligue arabe, mais en lui sauvant la face. L’idée de pousser l’émir, malade, vers la sortie est ainsi venue, sachant qu’un nouvel émir serait naturellement enclin à se doter d’un nouveau Premier ministre. Or, nul n’ignore que cheikh Ahmad el-Assir avait ses connexions au Qatar. Fin de partie donc pour le cheikh au Liban et pour son « parapluie » arabe.


En parallèle à tous ces développements, le chef de la police de Dubaï, Dahi Khalfan, a annoncé l’arrestation de Frères musulmans dans son pays, et mène campagne contre les Frères musulmans et contre Morsi lui-même.
Le déclin des Frères musulmans dans la région fait aussi l’affaire de l’Arabie saoudite qui craint depuis longtemps que ce mouvement ne prenne sa place dans le leadership du monde musulman wahhabite. D’ailleurs, le roi Abdallah d’Arabie a été le premier à féliciter le nouveau président égyptien, tout comme il a félicité le nouvel émir du Qatar.

 

Pour certains observateurs, cela signifie que rien ne devrait changer sur le fond, notamment sur le dossier syrien, puisque l’Arabie saoudite, qui ne cache pas sa joie devant le départ de Morsi, est tout aussi hostile que l’ancien émir du Qatar au régime syrien. Ceux qui se réjouissent devraient donc déchanter car le projet reste le même, mais les outils et les protecteurs changent. Pour d’autres, il s’agirait d’un changement beaucoup plus profond qui porte sur l’attitude générale de la communauté internationale face à la montée des courants intégristes. Une fois de plus, c’est l’Égypte qui fournira les réponses.

 

 

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