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À La Une - Parution

Les Abillama face à leur histoire et à celle du Liban...

Dans une plongée au cœur de l’histoire, plus de 300 pages écrites à quatre mains par Ray Jabre Mouawad et Lévon Nordiguian claquent comme un étendard en hommage aux émirs Abillama du Metn. Une dynastie au destin intrinsèquement lié à celui du Liban.

Le palais de Salima a servi de caserne à l’époque de la moutassarrifiya.

Commandité par Samir et Nabil Abillama pour retracer l’histoire de leurs ancêtres et reconstituer la mémoire de leur famille, l’ouvrage Les Abillama, émirs du Metn, Histoire et Palais XIIIe-XIXe siècle, paru aux éditions Dar an-Nahar, brosse dans une parfaite symbiose une histoire de palais au pedigree architectural étonnant et les arcanes du pouvoir et de la société durant sept siècles.
S’appuyant sur une nombreuse bibliographie et exploitant un important réservoir d’archives, de documents, de rapports diplomatiques et de récits de voyageurs, l’historienne Ray Jabre Mouawad, qui signe la première partie de l’ouvrage, est partie sur les traces de ces mouqaddams druzes devenus émirs et qui, emboîtant le pas à l’émir Béchir, se sont convertis au maronitisme. 

 

(De g à d) L'émir Haïdar, caïmacam des chrétiens (collection privée). L'émir Youssef Ali Abillama (collection Pierre Mourad). L'émir Mahmoud A. Abillama et son fils (collection Pierre Mourad).

 


Les armes contre les Francs
Sur plus de 160 pages remarquablement illustrées, la spécialiste expose les grandes étapes qui ont jalonné l’itinéraire politique et guerrier des Abillama. Des seigneurs quasiment investis d’un pouvoir souverain sur le Metn, et qui, en récompense de leur engagement décisif dans la bataille de Aïn Dara aux côtés l’émir Haïdar Chéhab, ont vu leur domaine féodal s’étendre jusqu’à Nahr el-Kalb, le Qaté’ arraché aux Khazen.
La tradition locale, relayée par différents historiens libanais, les rattache à la tribu des Tannoukh venue de la péninsule Arabe pour s’établir au Mont-Liban. Leur arrivée au Metn remontera au IXe siècle. Là, entre le mont Sannine et la vallée de Hammana, position stratégique pour le contrôle de l’axe Beyrouth-Damas, les Abillama, au départ de véritables hommes d’armes, se sont constitué dès le XIIIe siècle des fiefs, ou iqtaa, accordés par les émirs seljoukides de Damas en échange de leurs services contre les Francs. D’ailleurs, il est fort probable que les croisés aient rencontré une sérieuse résistance, relève Ray Jabre Mouawad, car les exégètes des croisades sont restés « curieusement silencieux » à propos de cette région. Ainsi, mis à part un château appelé Mont Glavien, construit en 1125 au milieu de la montagne, on ne connait aucune tour défensive franque datant de cette époque, dans le Metn et au Kesrouan adjacent.

 

Sitt Haïfa, soeur de l'émir Kabalane Abillama et son époux l'émir Youssef, peti-fils de l'émir Haïdar.

 

 


Abou Lemma et ses enfants...
Vers la moitié du seizième siècle, l’un des mouqaddams appelé Abou Lemma s’installe à Kfar Selwane. Ses deux fils Mourad et Kaidbey, « dont les descendants forment de nos jours deux branches de la famille », construisent le palais de Mtein et celui de Salima. En 1616, ils sont promus gouverneurs du Metn par le fils de Fakhreddine II. Leurs enfants installent leur fief à Qornayel, Falougha et Broummana, tandis qu’une troisième branche portant le nom de son ancêtre, Farès, s’établit à Baskinta. Progressivement au fil des siècles, le clan participe à l’écriture de l’histoire du Liban et devient « l’un des piliers d’une société féodale » qui atteint son apogée à l’époque ottomane sous la bannière des Maan, puis celle des Chéhab, avec lesquels ils tissent des liens matrimoniaux. Jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, avant que les paysans ne donnent le signal de la révolte contre le pouvoir féodal au Mont-Liban, le Metn est sous la « domination totale » des émirs Abillama.

Peignes à barbe...
Outre le récit historique, Ray Mouawad a puisé dans les carnets des voyageurs pour nous livrer les us et coutumes qui émaillent la vie des émirs : les mariages, les enterrements et le protocole ; une chasse au faucon ; un repas au palais ; la princesse qui reçoit à Bickfaya ; le clergé grec-catholique disputant aux maronites la conversion de l’émir Abillama de Falougha ; la mini-épopée de sitt Zahr restée druze après la conversion des émirs ; ou encore cette habitude qu’avait Haïdar Abillama d’offrir en cadeau à ses visiteurs un peigne pour leur barbe ! 

 

La couverture de l'ouvrage.



Un trésor architectural
Et ce n’est pas tout. La seconde partie de l’ouvrage offre un magnifique dossier photographique réalisé et commenté par Lévon Nordiguian, et des dessins et peintures d’Antoine-Alphonse Montfort qui, lors d’un voyage au Liban en 1837, a fixé « avec précision » la grande variété de détails architecturaux des palais et sérails de Salima et Broummana, conservant ainsi la mémoire d’une qualité esthétique et d’une magnificence qui « n’a rien à envier à celle du Chouf ». Mais aujourd’hui, aucun édifice n’a été conservé dans son état originel, écrit Nordiguian, et souvent « il n’en reste plus que la façade, comme à Falougha ou à Qornayel. À Ras el-Metn, la destruction violente du palais des émirs remonte à la guerre civile de 1975-1990. À Broummana, le couvent des sœurs de la Charité s’est posé sur les ruines du sérail Abillama. Seuls les palais de Salima et de Mtein gardent encore suffisamment de vestiges pour nous permettre quelques analyses de structures ».
Déroulées sur une centaine de pages, les photos de ces palais abandonnés, oubliés, parlent d’elles-mêmes. Elles appellent à la mobilisation générale pour protéger un patrimoine architectural inestimable, vitrine d’une des périodes les plus brillantes du Mont-Liban. À bon entendeur salut.

 

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