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À La Une - Égypte

Un an après... Morsi écarté du pouvoir

La Constitution suspendue ; les militaires remettent le pouvoir au président du Conseil constitutionnel.

Après l'annonce de l'armée, la place Tahrir bondée de monde a laissé exposée sa joie en même temps que des feux d'artifice. Mohammad Abd El Ghany/Reuters

L’armée a pratriquement mis à l’écart hier l’islamiste Mohammad Morsi, premier président civil démocratiquement élu d’Égypte, après une année tumultueuse au pouvoir marquée par des crises à répétition parfois meurtrières.
L’annonce a été accueillie par une explosion de joie par les dizaines de milliers de ses opposants qui manifestaient en masse à travers le pays. Alors que le ministère de l’Intérieur a affirmé qu’il répondrait « fermement » à toute violence, l’armée a renforcé la sécurité autour des établissements officiels et a demandé au personnel administratif de la télévision d’État de quitter les lieux. Des milliers de personnes, rassemblées devant le ministère et scandant « Égypte, Égypte ! », ont crié leur joie après l’annonce de l’armée. « Je n’attendais qu’une chose, c’est que Morsi parte », affirmait Abdel Khalek Abdo, un agriculteur de 56 ans.
Ce développement dramatique rappelle la chute du régime de Hosni Moubarak qui a été chassé du pouvoir en février 2011 après 18 jours de manifestations massives appelant à son départ. À la différence que M. Moubarak, lui-même issu de l’armée, avait remis le pouvoir à l’institution militaire, alors que cette fois-ci l’armée a affirmé qu’elle mettait le pouvoir politique dans les mains du président du Conseil constitutionnel, Adly Mansour, jusqu’à la tenue d’une présidentielle anticipée, sans toutefois préciser la durée de cette période transitoire. Ce dernier va prêter serment aujourd’hui pour devenir chef de l’État par intérim.

« Toutes les forces nationales »
La Constitution est en outre suspendue, a annoncé le chef de l’armée et ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, dans une allocution télévisée, entouré des principaux chefs religieux du pays et du représentant de l’opposition Mohammad el-Baradei. « Un comité chargé d’examiner les propositions d’amendements constitutionnels sera formé », a poursuivi le général Sissi. De même, un gouvernement regroupant « toutes les forces nationales » et « doté des pleins pouvoirs » sera chargé de « gérer la période actuelle ».

 

(Lire aussi : Le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort d’Égypte)


Dans une première réaction, M. Morsi, confronté durant sa présidence à une contestation populaire qui a atteint son apogée ces derniers jours, a affirmé que ce « coup d’État est rejeté par tous les hommes libres du pays », faisant planer le risque de la poursuite du bras de fer. M. Morsi a en outre déclaré qu’il restait « le président élu d’Égypte », dans un message vidéo préenregistré et diffusé plus tard hier soir. « Je suis le président élu d’Égypte », affirme-t-il ainsi dans ce message aux images tremblantes et de mauvaise qualité. Il a également « demandé au peuple de défendre (sa) légitimité ».

 

L’annonce de l’armée a été accueillie par une explosion de joie chez les dizaines de milliers d’opposants qui manifestaient en masse à travers le pays. Suhaib Salem/Reuters

 

 

Un proche de M. Morsi a affirmé que le président appelait « les Égyptiens à résister pacifiquement à ce coup d’État, comme il le fera lui-même. Ce qu’ils ont fait est illégal, ils n’ont pas autorité pour le faire ».
La feuille de route a été annoncée après l’expiration de l’ultimatum de l’armée qui avait sommé M. Morsi de « satisfaire les revendications du peuple », dont une partie l’accusait de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit des Frères musulmans dont il est issu. Ce plan a été discuté durant la journée entre l’armée, les responsables de l’opposition et les chefs religieux.
Dans la nuit, des dizaines de milliers d’anti-Morsi étaient toujours massés au Caire et dans d’autres provinces, de même que des partisans du président. Des blindés ont été déployés au Caire, bloquant les voies menant aux rassemblements pro-Morsi. Mais des affrontements ont eu lieu entre des pro-Morsi et l’armée faisant au moins quatre morts et plusieurs blessés. Par ailleurs, la sécurité a interrompu la diffusion de la TV des Frères musulmans.

Interdiction de quitter le pays
Avant l’annonce de l’armée, des sources de sécurité ont affirmé que M. Morsi et plusieurs dirigeants des Frères musulmans avaient été interdits de quitter l’Égypte. Parmi eux, le guide suprême de la puissante confrérie Mohammad Badie et son numéro 2 Khairat al-Chater.
Après avoir rejeté l’ultimatum mardi et mis en avant la « légitimité » que lui confère son élection démocratique, M. Morsi a jusqu’au dernier moment tenté de régler la crise en proposant « un gouvernement de coalition et de consensus afin d’organiser des législatives à venir ». « Il a répété au moins 1 000 fois le mot “légitimité” comme si nous n’existions pas. Sa légitimité, il la tient du peuple qui aujourd’hui manifeste partout contre lui », a dit Rouaya, 19 ans, une manifestante voilée.

 

(Pour mémoire : L’opposition égyptienne veut retrouver le souffle de la révolution)


Les États-Unis se sont dit « très inquiets » de la situation en Égypte et ont appelé M. Morsi à « en faire plus » pour répondre aux inquiétudes des manifestants. Après l’annonce de l’armée, les États-Unis n’ont formulé aucune critique à son égard. « Nous ne prenons pas parti dans cette affaire », a ainsi commenté Jen Psaki, porte-parole du département d’État. Parallèlement, l’Arabie saoudite a félicité l’Égypte.
Le président syrien Bachar el-Assad a de son côté assuré que les manifestations monstres contre son homologue marquent la fin de l’islam politique. « Où que ce soit dans le monde, quiconque utilise la religion dans un but politique ou pour favoriser certains par rapport à d’autres est condamné à l’échec », a ajouté M. Assad au journal officiel as-Saoura à paraître aujourd’hui.

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